Les oubliés de la République : Kinshasa a tourné le dos aux victimes d’inondations de Kalehe

Après la compassion, c’est l’oubli. C’est apparemment ce qui arrive aux sinistrés de Kalehe, dans le Sud-Kivu, après les inondations de mai dernier qui ont fait des centaines de morts et près de 5.000 disparus. Quant aux rescapés, ils n’ont que leurs yeux pour pleurer. Depuis tout ce temps, aucune aide du Gouvernement central ne leur est parvenue. Ils sont presque versés dans la rubrique de «charges et pertes diverses». Triste réalité !
Après les inondations du mois de mai dans la province du Sud-Kivu, les communautés de Bushushu et Nyamukubi, les sinistrés du territoire de Kalehe font désormais partie des oubliés de la République. Après un élan national marqué par la volonté de venir en aide aux sinistrés, depuis lors, aucune aide du Gouvernement ne leur est parvenue à ces rescapés, rapporte l’AFP, au terme d’une enquête menée sur place.
On sait que les glissements de terrain de la nuit du 4 mai 2023 ont été dévastateurs et les villages logés dans une baie du lac Kivu ont disparus sous les débris, les rochers et la boue.
Un peu plus d’un mois plus tard, des corps inanimés sont retrouvés sous la terre. Selon les services de la province, plus de 2500 personnes sont toujours portées disparues, officiellement seules 443 personnes ont été enterrées.
«Ici, vraiment on a trouvé beaucoup de corps quand la machine (la tractopelle, ndlr.) est passée. Il y a au moins 13 corps qu’on a trouvés. Il y a aussi des caisses vides – parce que de l’autre côté c’était des boutiques – qu’on a trouvés de l’argent, des habits, des matelas qui étaient déjà abîmés… mais c’était de l’autre côté », s’est confié Crispin Chiringa, survivant de la catastrophe de Bushushu qui, a perdu plusieurs membres de sa famille.
Quelques jours après la catastrophe, le gouvernement a annoncé une aide pour 200 familles sinistrées d’un montant de 2,5 millions de francs congolais (environ 1.100 dollars américains) par ménage.

Aucune aide de Kinshasa
Aujourd’hui, ceux qui ont survécu dénoncent une aide qui semble ne pas avoir été distribuée de façon équitable.
Arrivés dans les valises de la délégation gouvernementale le 9 mai, les 200.000 dollars américains en cash d’aide aux sinistrés ont été retenus pendant plus de deux semaines sous le contrôle de l’administrateur du territoire à Kalehe-centre, à 20 km au sud des glissements de terrain.
«Ils nous ont dit qu’il y avait beaucoup d’argent, mais ils l’ont détourné eux-mêmes. Ils ne nous ont donné que 380 000 (francs congolais – environ 150 € – au lieu des 2 500 000 – environ 990 € – annoncés par le gouvernement, ndlr). Ils nous ont dit que tout l’argent avait été distribué, mais ils l’ont détourné. Je suis allé signer (la liste des bénéficiaires, ndlr), puis ils m’ont empêché [de récupérer l’argent], ils ont dit que j’avais volé ce jeton (permettant de récupérer l’aide, ndlr)», s’est insurgée Namavu Luitire, survivante de Nyamukubi.
Depuis le 29 mai, un ingénieur se débat avec une dizaine d’ouvriers, une seule pelleteuse et deux camions-benne pour enlever les gravats.
D’autres habitants ont été accusés d’avoir détourné des cercueils ainsi que l’aide humanitaire composée de matériels, de sacs de riz, de couvertures et de vêtements.
«On a des informations selon lesquelles il y a même des sacs de riz, des sacs de farine, des couvertures et des habits de femmes qui ont été découverts à Kalehe centre, alors que les femmes de Nyamukubi et les celles de Bushushu, qui sont des victimes directes de ces inondations, vous avez vu, elles passent la nuit à même le sol, elles n’ont même pas quoi mettre sous la dent », a déclaré Eric Dunia, avocat chargé d’enquêter sur les allégations de fraude au nom d’un parlementaire.
Une quinzaine de rescapés et des représentants de la société civile locale témoignent tous d’irrégularité sur les listes des bénéficiaires de l’aide. Eric Dunia a dénoncé un système de rétrocommission mis en place par certains membres des comités de distribution.

Econews