Levée imminente de l’état de siège au Nord-Kivu et en Ituri : Suminwa consulte, Tshisekedi décide

La levée imminente de l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri marque un tournant décisif en République Démocratique du Congo. Après 87 prolongations, la Première ministre a transmis ses conclusions au Président Félix Tshisekedi, laissant entrevoir la fin de ce dispositif exceptionnel. Attendue lors du congrès parlementaire de cette semaine, cette annonce pourrait également ouvrir la voie à une révision constitutionnelle, suscitant autant d’espoirs que de débats dans le paysage politique congolais.

La République Démocratique du Congo s’apprête à tourner une page cruciale de son histoire sécuritaire. Après 87 prolongations successives, l’état de siège instauré en mai 2021 dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri est sur le point d’être levé. Selon des sources proches de la Primature, la Première ministre a finalisé et transmis au Président Félix Tshisekedi un rapport conclu sur cette mesure exceptionnelle.

Après avoir été à l’écoute de toutes les forces vives des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, la Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, a échangé, vendredi 6 décembre à la Primature, avec les membres de la Mission locale conjointe Gouvernement-parlementaires sur l’état de siège.

La voie pour la levée de l’état de siège est nettement balisée, a noté le sénateur Aristide Bulakali, vice-président de la Commission défense, sécurité et frontières du Sénat : « Nous avons eu beaucoup d’éléments qui nous ont permis de connaître les réalités vécues pendant cette période de l’état de siège. Nous savons comment orienter la gestion de ces deux provinces sur les plans sécuritaire et politique. Quant à la levée ou au maintien de l’état de siège, nous avons réuni les éléments qui seront mis à la disposition du Président de la République. C’est à lui de voir quelle orientation donnée ».

Même son de cloche à l’Assemblée nationale où le député Rubins Mikindo, président de la Commission défense, sécurité et frontières de l’Assemblée nationale, reste confiant sur la fin de cette mesure d’exception : « Il était important de se réunir (Gouvernement, Sénat et Assemblée nationale), pour faire le point par rapport à la mission effectuée dernièrement en Ituri. Il était question d’harmoniser nos points de vue. Tout reste entre les mains du Chef de l’État qui aura à se prononcer par rapport à cette question. Nous voulons que la paix revienne. La solution doit être trouvée le plus rapidement possible».

«Le Gouvernement s’en remet aussi au Président de la République qui a le dernier mot», a fait observer Patrick Muyaya, porte-parole de l’exécutif national : « Il était question pour nous de refaire un briefing comme initialement prévu par la Première ministre, de sorte que nous puissions avoir le même entendement sur les recommandations et les propositions à faire au Président de la République. C’est lui qui décidera, en dernier ressort, sur comment requalifier l’état de siège de sorte que les préoccupations exprimées par nos populations soient prises en compte. Le document que nous allons présenter au Président de République contiendra non seulement l’avis du Gouvernement, mais aussi celui du Sénat et de l’Assemblée nationale. Cette unité de voix donnera la latitude au Chef de l’État de décider de la suite à réserver à l’état de siège».

UN DISPOSITIF CONTESTE

Mis en place pour endiguer l’insécurité persistante dans ces provinces de l’Est, l’état de siège a conféré des pouvoirs étendus aux autorités militaires pour remplacer les administrations civiles. Si cette mesure avait suscité l’espoir d’un rétablissement rapide de la paix, les résultats concrets peinent à convaincre. L’insécurité demeure, alimentée par la persistance des groupes armés et des violences intercommunautaires.

Le rapport de la Première ministre semble acter cet échec relatif. «Toutes les conclusions convergent vers une levée », a confié à Econews une source gouvernementale. Une décision qui, si elle repose officiellement sur une volonté de retour à la normalité, cache également des calculs politiques plus complexes.

UNE ANNONCE STRATEGIQUE ATTENDUE AU CONGRES

Le Président Tshisekedi pourrait officialiser cette levée lors d’un congrès des deux chambres du Parlement prévu cette semaine. Ce choix du calendrier ne doit rien au hasard. Pour le camp présidentiel, il s’agit non seulement de répondre à une demande pressante de l’opinion publique et de l’opposition, mais aussi de repositionner le débat national sur des questions institutionnelles majeures.

En effet, la levée de l’état de siège pourrait ouvrir la voie à des discussions sur la révision, voire le changement de la Constitution. Une perspective qui ne laisse personne indifférent. L’opposition redoute une manœuvre destinée à permettre au chef de l’État de briguer un troisième mandat, une possibilité actuellement exclue par la Constitution en vigueur.

LE TOURNANT

Si l’annonce de la fin de l’état de siège est accueillie favorablement par une partie de la population, elle soulève des interrogations sur l’avenir de la gouvernance dans l’Est du pays. Comment garantir une transition fluide entre le régime militaire et les administrations civiles? Quels moyens concrets seront déployés pour restaurer durablement la paix dans ces régions meurtries ?

Pour le Président Tshisekedi, cette décision s’inscrit dans une double dynamique : répondre aux impératifs sécuritaires, tout en consolidant son influence à l’approche des élections générales de 2024. La levée de l’état de siège, bien que symbolique, pourrait s’avérer un moment pivot dans son mandat.

Reste à voir comment cette mesure sera mise en œuvre sur le terrain et quels en seront les impacts réels pour les populations du Nord-Kivu et de l’Ituri. Une chose est certaine : cette annonce marque un tournant, à la fois pour les provinces concernées et pour l’avenir institutionnel de la RDC qui aborde l’année 2025 avec la bataille du changement de la Constitution.

Presque qu’un saut vers l’inconnu !

Econews

 

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