Alors que la campagne électorale s’apprête à prendre son dernier virage, l’ODEP (Observatoire de la dépense publique) a passé en revue, dans un document publié début décembre, les cinq années des finances publiques sous le régime Félix Tshisekedi, soit de 2019 à 2022. En rapport avec les élections générales du 20 décembre prochain, l’ODEP s’étonne que les finances publiques soient «un débat délibérément ignoré au cours de la campagne pour la présidence de la RDC». Condensé du rapport de l’ODEP intitulé «LES FINANCES PUBLIQUES : UN DEBAT DELIBEREMENT IGNORE AU COURS DE LA CAMPAGNE POUR LA PRESIDENCE DE LA RDC. 2019 – 2022 : bilan de la gestion des finances publiques et reformes proposées par L’ODEP»
Depuis 2019, la République Démocratique du Congo connait un changement au sommet de l’Etat avec l’avènement d’un nouveau Président de la République issu des élections tenues en décembre 2018.
Pour gérer le pays, un accord a été conclu entre le Président sortant et l’actuel Président pour une gestion commune de l’Etat. Au bout de deux ans, le Président actuel a jugé que ledit accord ne lui permettait pas de mettre en application les politiques publiques conformes à sa vision de développement du pays.
Une rupture qui n’a pas corrigé les failles
Au mois de décembre 2020, le Président de la République a mis fin à cet accord. L’objectif principal était de se débarrasser des pesanteurs de l’ancien régime, d’acquérir une nouvelle majorité et ainsi avoir les mains mises libres pour asseoir le Plan d’Action du Gouvernent (PAG) basé essentiellement sur : la lutte contre la pauvreté; l’amélioration du social de la population; la fin de la guerre à l’Est du pays, la restauration de l’autorité de l’Etat; la relance de l’économie du pays; la lutte contre la corruption.
De manière générale, la société civile depuis 2014 jusqu’en 2022 a relevé les faiblesses globales ci-après dans la gouvernance budgétaire : une budgétisation non exhaustive. Les délais accordés aux Ministères techniques pour la présentation de leurs propositions restent toujours trop courts; des dépenses irrationnelles. Entre 2017 et 2019 par exemple, les dépenses courantes qui représentent 66,4% du budget ont été exécutées à 91% tandis que les dépenses en capital qui représentent en prévision 33,6% du budget n’ont été exécutées qu’à 9%; une budgétisation déconnectée des politiques publiques : le processus de programmation/budgétisation souffre d’un manque d’ancrage du Cadre de Dépenses à Moyen Terme (CDMT); une budgétisation déconnectée de la lutte contre la pauvreté, il revient d’après les différentes revues des Objectifs Millénaires pour le Développement (OMD) et Objectifs de Développement Durable (ODD) retenus dans les quatre piliers de PNSD que très peu de ces objectifs ont pu être atteints; en rapport avec le New Deal, la principale leçon tirée est celle d’une budgétisation désarticulée ne permettant pas une convergence des efforts, actions et programmes vers la résolution de la fragilité et la marche vers la résilience; le non-respect de la procédure d’encaissement et de décaissement des fonds, selon les chaînes des recettes et des dépenses; le dépassement des allocations budgétaires des institutions et ministères de souveraineté, au détriment des ministères à caractère social et économique; trop de régimes fiscaux spéciaux (exonérations, taux particuliers, exemptions, etc.) appliqués aux personnes physiques et morales; ce qui influe négativement sur le niveau de mobilisation des recettes publiques; le déficit de suivi et de contrôle par le Parlement, l’Inspection Générale des Finances et la Cour des Comptes, dans l’exécution du budget; la disparité entre les données de la Direction Générale de Reddition des Comptes (DGRC) et les états de suivi budgétaire produits et publiés par le ministre du Budget.
Sama Lukonde, un Premier ministre « faible et affaibli »
Et pour finir, notez que cette mauvaise gouvernance ne s’arrête pas en 2021 ou 2022. Au 31 janvier 2023, la situation de nos finances publiques fut très préoccupante, avec un déficit budgétaire de 491 milliards de Francs Congolais.
Une gouvernance budgétaire assise sur des telles faiblesses n’a permis ni de créer des richesses ni d’améliorer les conditions sociales de la population, et encore moins d’être susceptible de rendre effective la décentralisation, telle que prévu par la Constitution. Elle place difficilement le pays sur la voie vers l’émergence.
Ce bilan largement négatif ne peut pas être mis totalement sur le dos de Sama Lukonde. Il est partagé avec le gouvernement bis de la Présidence de la République : un Directeur de Cabinet, trois adjoints, 17 conseillers principaux à la tête de 17 collèges de conseillers, des conseillers spéciaux, des conseillers privés tous ayant rang de Ministres et assumant des tâches propres aux Ministères Sectoriels du Gouvernement.
Sama Lukonde a été un premier Ministre faible et affaibli entre autre par le gouvernement bis de Félix Tshisekedi qui fonctionne comme s’il était dans un régime Présidentiel alors que notre constitution a instauré en RDC un Régime à la française semi-présidentiel. Cette pagaille, ce dysfonctionnement institutionnel n’a pas laissé le premier Ministre assumer les pouvoirs que lui donne la Constitution.
La loi des finances totalement bafouée
L’absence de justice sociale dans la répartition des richesses nationales, le manque de transparence et l’absence de discipline budgétaire, le manque d’équité dans la gestion des finances publiques sont les facteurs ayant caractérisé la gouvernance des finances publiques de 2019 à 2022. Le déficit de suivi et de contrôle par le Parlement, l’Inspection Générale des Finances et la Cour des Comptes, dans l’exécution du budget. Conséquences, l’atteindre des résultats de la mise en œuvre du programme d’actions du gouvernement reste faible.
De ce qui précède, nous estimons que l’exécution des budgets de janvier 2019 à décembre 2022 n’a pas été conforme aux lois des finances y afférentes. Il y a l’inadéquation entre la vision et la programmation, la budgétisation, l’exécution, le suivi-évaluation. Elle n’a permis ni de créer des richesses ni de promouvoir une croissance économique pro-pauvre ni d’améliorer les conditions sociales de la population.
Extrait du rapport de l’ODEP (Décembre 2023)