Une fois de plus, l’est de la République démocratique du Congo est en proie à des troubles. En novembre 2021, la rébellion du Mouvement du 23 Mars (M23) a commencé à lancer des attaques contre le gouvernement congolais dans la zone située juste à l’ouest des frontières ougandaise et rwandaise. Ces attaques se sont intensifiées en mai, lorsque la rébellion a pris Rumangabo, le plus grand camp militaire du Nord-Kivu, et a avancé vers Goma. Fin mai, elles avaient provoqué le déplacement de 61 000 personnes, tandis que des indices crédibles suggéraient que le gouvernement rwandais soutenait l’offensive du M23.
Ce rapport se concentre sur l’un des facteurs qui ont conduit à cette situation : le déploiement des Forces de défense populaires de l’Ouganda (UPDF) pour mener des opérations aux côtés de l’armée congolaise dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Selon le gouvernement ougandais, ces opérations ont été lancées afin de démanteler les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe armé islamiste reclus et extrêmement brutal. Mais était-ce la seule raison ? Dans ce rapport, nous nous attachons à comprendre l’éventail des autres motifs économiques, géopolitiques et sécuritaires en jeu. Il explique en particulier que l’opération militaire visait vraisemblablement aussi à protéger les gisements de pétrole et les infrastructures de l’Ouganda autour du lac Albert, et à construire des routes pour développer un marché pour les exportations ougandaises.
Tant le gouvernement ougandais que des entreprises privées tirent profit des opérations militaires. Elles permettent à Dott Services, une entreprise de construction ougandaise, et à Total Energies, une compagnie pétrolière française, de promouvoir leurs intérêts. Le président Yoweri Museveni a fait du commerce et du pétrole la pierre angulaire de sa stratégie économique et politique : avec une population jeune qui augmente rapidement et une popularité déclinante, la croissance économique est essentielle pour son gouvernement.
L’intervention ougandaise a déjà eu des répercussions géopolitiques de grande ampleur. L’opération a irrité le Rwanda et a été l’une des raisons de la réapparition de la rébellion du M23.
Le 16 novembre 2021, trois kamikazes ont attaqué Kampala, tuant au moins quatre autres personnes et en blessant 37, dont 27 policiers. Un quatrième kamikaze a été traqué et abattu. Le président ougandais Yoweri Museveni a déclaré plus tard dans la journée que les assaillants étaient liés aux ADF, qui sont apparus en Ouganda au début des années 1990 et sont basés en République démocratique du Congo depuis 1995.¹ L’État islamique, auquel les ADF ont prêté allégeance en juillet 2019, a revendiqué ces attaques dans un communiqué le même jour. Il avait également revendiqué une série d’attentats à la bombe au cours des semaines précédentes, dont un contre un poste de police et un autre contre un restaurant de porc.
Peu après l’attaque, le président congolais Félix Tshisekedi et le président Museveni ont convenu de lancer des opérations « conjointes » dans le nord-est du Congo en vue de démanteler les ADF. Cet accord politique a été formalisé dans un accord de défense et de sécurité entre l’Ouganda et le Congo signé le 9 décembre.
On sait peu de choses sur le déroulement militaire de l’opération. Bien que le général Muhoozi Kainerugaba, fils de Museveni et commandant des forces terrestres ougandaises, communique souvent et avec enthousiasme sur l’opération sur les médias sociaux, aucune des deux armées n’a fourni beaucoup d’informations concrètes.
Ce rapport est principalement basé sur des entretiens réalisés à Kinshasa et à Kampala en janvier et février 2022, et sur des entretiens de suivi à distance avec une variété d’acteurs : analystes du renseignement, diplomates, journalistes et leaders de la société civile, pour un total de 47 entretiens. Compte tenu de la sensibilité d’une grande partie des informations, la plupart de ces sources ne sont pas nommées.
Opération Shujaa Depuis le lancement des opérations, le gouvernement ougandais les présente comme un succès. Il y a eu une série de reportages de journalistes intégrés à l’opération, dépeignant largement l’héroïsme de l’UPDF. Le partisan le plus enthousiaste des opérations a peut-être été le fils du président Muhoozi Kainerugaba, qui a affirmé sur
Twitter qu’un millier de rebelles des ADF avaient été tués et que l’UPDF avait « largué 30 tonnes de munitions sur eux pendant qu’ils dormaient » le 30 novembre 2021.
De même, le porte-parole des FARDC, le général de division Kasonga, a affirmé le 27 mars que « tous les sanctuaires, tous les quartiers généraux, toutes les places fortes des ADF ont été détruits et les environs pacifiés». Ceux qui restent sont quelques «criminels», qui ont réussi à échapper aux frappes, «à la recherche de nourriture et de médicaments pour leur survie.» Le 7 mars 2022, les FARDC ont annoncé avoir libéré au moins 72 otages, capturé 98 combattants, tué plusieurs autres et récupéré 197 armes.
Cependant, aucune de ces allégations ne semble avoir été étayée par des sources indépendantes. L’opération a utilisé l’artillerie lourde contre les ADF, ce qui a éloigné le groupe de ses bases historiques dans le « Triangle de la mort », au nord-est de la ville de Beni, et l’a fragmenté en trois à quatre groupes¹³. Certains de ces groupes se sont déplacés vers l’ouest en direction de Mambasa, ce qui y a entraîné une augmentation du nombre d’attaques.
Bien que le nombre d’attaques des ADF ait diminué au cours des premiers mois de l’opération, la violence a recommencé à augmenter depuis février 2022. Selon le Baromètre sécuritaire du Kivu, au moins 119 civils ont été tués par les ADF en mars 2022, ce qui est supérieur à la moyenne enregistrée lors des huit mois précédents l’opération.
De plus, il ne semble pas que les ADF aient été structurellement affaiblies par l’opération. Un diplomate qui suit de près les opérations a comparé leur stratégie à «essayer d’écraser une mouche avec un marteau»; un autre les a décrites comme « beaucoup de poussière et de bruit », ce qui a affecté les opérations et la capacité militaires des ADF, mais dont l’impact à long terme sur le groupe est discutable. Les analystes soutiennent également que le nombre de soldats de l’UPDF impliqués dans l’opération – entre 2 000 et 4 000 – ne lui permet pas d’avoir beaucoup d’effet : étant donné le terrain difficile et vaste sur lequel elle opère, l’UPDF est probablement limitée à repousser les combattants des ADF vers des endroits plus éloignés. De plus, la stratégie Opération Shujaa Depuis le lancement des opérations, le gouvernement ougandais les présente comme un succès. Il y a eu une série de reportages de journalistes intégrés à l’opération, dépeignant largement l’héroïsme de l’UPDF. Le partisan le plus enthousiaste des opérations a peut-être été le fils du président Muhoozi Kainerugaba, qui a affirmé sur Twitter qu’un millier de rebelles des ADF avaient été tués et que l’UPDF avait « largué 30 tonnes de munitions sur eux pendant qu’ils dormaient » le 30 novembre 2021.
De même, le porte-parole des FARDC, le général de division Kasonga, a affirmé le 27 mars que « tous les sanctuaires, tous les quartiers généraux, toutes les places fortes des ADF ont été détruits et les environs pacifiés ». Ceux qui restent sont quelques « criminels», qui ont réussi à échapper aux frappes, « à la recherche de nourriture et de médicaments pour leur survie. » Le 7 mars 2022, les FARDC ont annoncé avoir libéré au moins 72 otages, capturé 98 combattants, tué plusieurs autres et récupéré 197 armes.
Cependant, aucune de ces allégations ne semble avoir été étayée par des sources indépendantes. L’opération a utilisé l’artillerie lourde contre les ADF, ce qui a éloigné le groupe de ses bases historiques dans le «Triangle de la mort», au nord-est de la ville de Beni, et l’a fragmenté en trois à quatre groupes. Certains de ces groupes se sont déplacés vers l’ouest en direction de Mambasa, ce qui y a entraîné une augmentation du nombre d’attaques.
Bien que le nombre d’attaques des ADF ait diminué au cours des premiers mois de l’opération, la violence a recommencé à augmenter depuis février 2022. Selon le Baromètre sécuritaire du Kivu, au moins 119 civils ont été tués par les ADF en mars 2022, ce qui est supérieur à la moyenne enregistrée lors des huit mois précédents l’opération.
De plus, il ne semble pas que les ADF aient été structurellement affaiblies par l’opération. Un diplomate qui suit de près les opérations a comparé leur stratégie à «essayer d’écraser une mouche avec un marteau» ; un autre les a décrites comme « beaucoup de poussière et de bruit», ce qui a affecté les opérations et la capacité militaires des ADF, mais dont l’impact à long terme sur le groupe est discutable. Les analystes soutiennent également que le nombre de soldats de l’UPDF impliqués dans l’opération – entre 2 000 et 4 000 – ne lui permet pas d’avoir beaucoup d’effet : étant donné le terrain difficile et vaste sur lequel elle opère, l’UPDF est probablement limitée à repousser les combattants des ADF vers des endroits plus éloignés¹v . De plus, la stratégie Opération Shujaa
Depuis le lancement des opérations, le gouvernement ougandais les présente comme un succès. Il y a eu une série de reportages de journalistes intégrés à l’opération, dépeignant largement l’héroïsme de l’UPDFx . Le partisan le plus enthousiaste des opérations a peut-être été le fils du président Muhoozi Kainerugaba, qui a affirmé sur Twitter qu’un millier de rebelles des ADF avaient été tuésy et que l’UPDF avait « largué 30 tonnes de munitions sur eux pendant qu’ils dormaient » le 30 novembre 2021.
De même, le porte-parole des FARDC, le général de division Kasonga, a affirmé le 27 mars que «tous les sanctuaires, tous les quartiers généraux, toutes les places fortes des ADF ont été détruits et les environs pacifiés». Ceux qui restent sont quelques «criminels», qui ont réussi à échapper aux frappes, «à la recherche de nourriture et de médicaments pour leur survie.» Le 7 mars 2022, les FARDC ont annoncé avoir libéré au moins 72 otages, capturé 98 combattants, tué plusieurs autres et récupéré 197 armes.
Cependant, aucune de ces allégations ne semble avoir été étayée par des sources indépendantes. L’opération a utilisé l’artillerie lourde contre les ADF, ce qui a éloigné le groupe de ses bases historiques dans le «Triangle de la mort», au nord-est de la ville de Beni, et l’a fragmenté en trois à quatre groupes. Certains de ces groupes se sont déplacés vers l’ouest en direction de Mambasa, ce qui y a entraîné une augmentation du nombre d’attaques. Bien que le nombre d’attaques des ADF ait diminué au cours des premiers mois de l’opération, la violence a recommencé à augmenter depuis février 2022. Selon le Baromètre sécuritaire du Kivu, au moins 119 civils ont été tués par les ADF en mars 2022, ce qui est supérieur à la moyenne enregistrée lors des huit mois précédents l’opération.
De plus, il ne semble pas que les ADF aient été structurellement affaiblies par l’opération. Un diplomate qui suit de près les opérations a comparé leur stratégie à «essayer d’écraser une mouche avec un marteau» ; un autre les a décrites comme « beaucoup de poussière et de bruit », ce qui a affecté les opérations et la capacité militaires des ADF, mais dont l’impact à long terme sur le groupe est discutable. Les analystes soutiennent également que le nombre de soldats de l’UPDF impliqués dans l’opération – entre 2 000 et 4 000 – ne lui permet pas d’avoir beaucoup d’effet : étant donné le terrain difficile et vaste sur lequel elle opère, l’UPDF est probablement limitée à repousser les combattants des ADF vers des endroits plus éloignés. De plus, la stratégie Opération Shujaa
Depuis le lancement des opérations, le gouvernement ougandais les présente comme un succès. Il y a eu une série de reportages de journalistes intégrés à l’opération, dépeignant largement l’héroïsme de l’UPDF. Le partisan le plus enthousiaste des opérations a peut-être été le fils du président Muhoozi Kainerugaba, qui a affirmé sur Twitter qu’un millier de rebelles des ADF avaient été tués et que l’UPDF avait «largué 30 tonnes de munitions sur eux pendant qu’ils dormaient» le 30 novembre 2021.
De même, le porte-parole des FARDC, le général de division Kasonga, a affirmé le 27 mars que «tous les sanctuaires, tous les quartiers généraux, toutes les places fortes des ADF ont été détruits et les environs pacifiés». Ceux qui restent sont quelques «criminels», qui ont réussi à échapper aux frappes, «à la recherche de nourriture et de médicaments pour leur survie.» Le 7 mars 2022, les FARDC ont annoncé avoir libéré au moins 72 otages, capturé 98 combattants, tué plusieurs autres et récupéré 197 armes.
Cependant, aucune de ces allégations ne semble avoir été étayée par des sources indépendantes. L’opération a utilisé l’artillerie lourde contre les ADF, ce qui a éloigné le groupe de ses bases historiques dans le « Triangle de la mort », au nord-est de la ville de Beni, et l’a fragmenté en trois à quatre groupes. Certains de ces groupes se sont déplacés vers l’ouest en direction de Mambasa, ce qui y a entraîné une augmentation du nombre d’attaques. Bien que le nombre d’attaques des ADF ait diminué au cours des premiers mois de l’opération, la violence a recommencé à augmenter depuis février 2022. Selon le Baromètre sécuritaire du Kivu, au moins 119 civils ont été tués par les ADF en mars 2022, ce qui est supérieur à la moyenne enregistrée lors des huit mois précédents l’opération.
De plus, il ne semble pas que les ADF aient été structurellement affaiblies par l’opération. Un diplomate qui suit de près les opérations a comparé leur stratégie à « essayer d’écraser une mouche avec un marteau» ; un autre les a décrites comme « beaucoup de poussière et de bruit », ce qui a affecté les opérations et la capacité militaires des ADF, mais dont l’impact à long terme sur le groupe est discutable. Les analystes soutiennent également que le nombre de soldats de l’UPDF impliqués dans l’opération – entre 2 000 et 4 000 – ne lui permet pas d’avoir beaucoup d’effet : étant donné le terrain difficile et vaste sur lequel elle opère, l’UPDF est probablement limitée à repousser les combattants des ADF vers des endroits plus éloignés. De plus, la stratégie identique d’autres analystes à Kampala nous ont affirmé que l’entreprise est proche à la fois de la famille du président et d’autres élites politico-économiques, et qu’elle fait pression depuis plusieurs années pour obtenir ce projet routier.
(iv) Autre illustration de l’importance de cette société dans les relations entre les deux pays, Dott Services a signé en décembre 2020 un contrat minier avec la société minière publique congolaise Sakima (Société Aurifère du Kivu et du Maniema), acquérant d’importants sites miniers de la province du Maniemau. Ceci sera expliqué plus en détail ci-dessous.
Les travaux de construction de routes font partie des relations compliquées entre les deux pays. Dès le début de son mandat, le président Tshisekedi s’est grandement investi pour tenter d’établir de meilleures relations avec ses voisins, notamment l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi. Il a également exprimé son intention d’établir un plan dans lequel ces pays mèneraient des opérations militaires sous la supervision de son armée contre les diverses insurrections en RD Congo. De même, Museveni s’était efforcé d’améliorer les liens avec le gouvernement de Tshisekedi, par exemple en invitant une délégation d’évêques congolais à discuter de l’insurrection des ADF en juillet 2019; ou en organisant un forum d’affaires Ouganda-RD Congo en novembre 2019.
Pourtant, cette méfiance n’a pas disparu, comme l’a souligné une sourceu v proche de l’armée congolaise. Un certain nombre d’officiers des FARDC se sentent mal à l’aise avec la présence de l’UPDF sur le territoire congolais, compte tenu de leurs invasions passées en RD Congo. De plus, le récent verdict de la Cour internationale de justice (CIJ) est également un rappel brutal de leurs tensions historiques. En février 2022, la CIJ a décidé que l’Ouganda devait payer à son voisin 325 millions de dollars pour son rôle dans les guerres de la RD Congo de 1996-2003. Au sein du public congolais, il existe également une grande méfiance quant aux bénéfices éventuels des routes pour leur paysv p . Cela dépendra de la mesure dans laquelle le commerce – qui est en grande partie informel pour le moment – sera formel et taxé. De plus, nul ne sait qui bénéficiera du péage routier proposé, bien qu’un article de presse ait suggéré qu’il s’agirait de Dott Services, en tant que « retour sur investissement ».
Les opérations militaires et l’escalade des tensions avec le Rwanda Parmi toutes ces dynamiques, il est important de souligner l’isolement croissant du Rwanda, ainsi que les tensions avec l’Ouganda.
À peu près au même moment où les troupes ougandaises sont entrées en RD Congo, le gouvernement congolais a également fermé les yeux sur l’entrée sur de troupes burundaises pour mener des opérations ciblées contre les rebelles burundais du RED-Tabara. Cela a commencé en décembre 2021 et s’est poursuivi jusqu’en 2022, avec environ 380 soldatsv ³. En d’autres termes, alors que l’Ouganda et le Burundi ont pu mener des opérations militaires en RD Congo, ce n’était pas le cas du Rwandav t . En conséquence, le Rwanda s’est senti marginalisé et a même perçu les interventions de son voisin comme une menace. Le président Kagame a exprimé à de nombreuses reprises son inquiétude ainsi que sa déception de ne pas être inclus dans l’opération militaire contre les ADF. Il a souligné la nécessité d’une collaboration, arguant qu’il existe un lien direct entre les ADF, les FDLR et d’autres groupes armés. Il a également déclaré que son pays envisageait « divers mécanismes» pour résoudre les problèmes de sécurité dans l’est de la RD Congo, ce qui a été compris par certains comme une menace voilée d’intervention militaire. Aux dires d’un diplomate de la région, «Kigali voit l’ouverture de Kinshasa vers l’Ouganda et le Burundi ; et ils se sentent entourés de régimes hostiles, ce qui les isole de plus en plus dans la région».
L’annonce récente du sommet de Nairobi en avril 2022 peut être considérée comme un moyen de résoudre ces tensions. Dans une déclaration conjointe, la RD Congo, le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda et le Kenya ont annoncé des négociations politiques ainsi qu’une action militaire contre les groupes armés en RD Congo, et ont exigé que « tous les groupes armés étrangers en RDC désarment et retournent sans condition et immédiatement dans leurs pays d’origine respectifs ».
Les tensions entre le Rwanda et l’Ouganda remontent aux deux guerres au cours desquelles ces pays se sont affrontés sur le sol congolais en 1999 et 2000. Bien qu’il y ait eu un rapprochement récent, avec la réouverture du poste frontière de Gatuna fin janvier 2022, l’état des relations entre Kigali et Kampala reste difficile à évaluer. Des déclarations récentes de Kagame telles que « Nous souhaitons la paix à tout le monde dans la région, mais quiconque nous souhaite une guerre, nous la lui donnons », indiquent clairement que le conflit est toujours possible. Si le général Abel Kandiho, que les responsables rwandais ont accusé de soutenir leurs ennemis, a été écarté de la puissante Chefferie du renseignement militaire (Chieftaincy of Military Intelligence, CMI), cette démarche conciliante a été rapidement suivie par sa nomination au poste de chef d’état-major de la police ougandaise.
Les projets de construction de routes, en particulier la route de Rutshuru à Goma, sont également soupçonnés de constituer une menace pour la sphère d’influence du Rwanda dans l’est de la RDC. Un certain nombre de diplomates et d’analystes nous ont expliqué que cette route est considérée comme une ligne rouge par les autorités rwandaises, ce qu’elles ont clairement fait savoir à Kinshasa et à Kampala.
Une méfiance similaire existe du côté ougandais. Des autorités ougandaises ont également soupçonné le Rwanda de soutenir les ADFw u . La récente navette diplomatique vers Kigali du fils du président ougandais, Muhoozi Kainerugaba, peut être comprise comme une tentative d’atténuer ces tensions. Selon les mots d’un diplomate : «Le fils du président a fait beaucoup pour communiquer le message : nous ne venons pas pour vous les gars. Nous savons que la route arrive à votre porte et que cela peut être perçu comme une provocation, mais nous ne sommes pas là pour un conflit».
La résurgence du M23 et les tensions régionales La rébellion du M23 avait été vaincue par une offensive conjointe des Nations Unies et des FARDC en novembre 2013, les troupes restantes ayant fuit vers le Rwanda et l’Ouganda. À partir de 2017, le M23 a commencé à lancer des attaques isolées contre l’armée congolaise dans la zone autour du volcan du mont Sabinyo. Ces attaques se sont multipliées en novembre 2021, lorsque le groupe a organisé plusieurs raids autour de la ville de Rutshuru, et se sont encore intensifiées fin mars 2022, lorsque le M23 a pris le contrôle de zones clés du territoire de Rutshuru.
D’une part, un certain nombre d’observateurs soutiennent que ces attaques étaient l’initiative du M23, destinée à forcer les négociations avec le gouvernement congolais, notamment à la lumière du lancement récent programme P-DDRCS (Désarmement, Démobilisation, Relèvement Communautaire et programme de stabilisation). La déclaration unilatérale de cessez-le-feu du M23 pourrait en être une indication, car elle visait à ouvrir le dialogue avec le gouvernement.
D’autres interprètent la résurgence du M23 comme une réaction de Kigali à l’influence et à la présence croissante de l’Ouganda dans l’est de la RD Congo. Le soutien du Rwanda au M23 dans le passé, au cours de la période 2012-2013, a été amplement documenté. Au cours de plusieurs entretiens avec des diplomates et des analystes, ceux-ci ont exprimé des soupçons qu’une forme de soutien rwandais, déclenché par les tensions avec l’Ouganda, ait pu également jouer un rôle dans l’activité renouvelée du M23. Quelques jours avant une grande attaque du M23 le 23 mars 2022, le général de l’UPDF Kayanja Muhanga a prononcé un discours lors du lancement officiel de la construction de la route Kasindi-Beni-Butembo. Il a souligné qu’ils construiraient non seulement la route de Kasindi, mais également la route Rutshuru-Goma. Plusieurs sources indiquent que ce discours a été vécu comme une provocation par le Rwanda. Soulignant les liens entre les routes et les opérations militaires, l’UPDF est alors intervenue pour protéger les équipements de Dott Services à Bunagana lors de l’attaque du M23 qui a suivi ce discours.
Accès aux minerais de la RD Congo et tensions régionales L’est de la RD Congo est une importante source de minerais pour l’Ouganda et le Rwanda. Les deux pays se sont historiquement disputé l’accès aux minerais de l’est de la RD Congo ; cette compétition est revenue sur le devant de la scène ces dernières années.
En novembre 2020, Dott Services a signé un contrat avec la société minière publique congolaise Sakima, par lequel elle a acquis des sites miniers d’importance stratégique dans la province du Maniema, riches en étain, tantale et tungstène, ainsi qu’en or. Pour ce faire, elle a créé la coentreprise Punia Kasese Mining (PKM), dont elle détient 70 % des parts. Les 30 % restants appartiennent à la société minière publique congolaise Sakima. Le contrat prévoit également la création d’une usine de traitement de minerais et de métaux précieux permettant à la coentreprise de lancer des projets d’infrastructures dans la région, ainsi que la réhabilitation et le développement d’actifs hydroélectriques.
Étant donné la sensibilité d’impliquer les pays voisins dans l’exploitation des ressources naturelles congolaises, ce contrat ainsi que les informations le concernant ont été étroitement contrôlés par la présidence, ce qui a entretenu les soupçons. Certains activistes de la société civile doutent que la coentreprise démarre vraiment ; ou craignent que les Congolais soient les perdants de ces projets.
Peu de temps après, fin juin 2021, une série de contrats miniers ont également été signés entre le Rwanda et la RD Congo. Le premier a été signé entre les présidents des deux pays, stipulant que l’or produit par Sakima sera raffiné au Rwanda par la société locale relativement inconnue Dither Ltd. De plus, selon une source, les chargements d’or seraient sécurisés par les armées des deux pays, ce qui pourrait, comme l’a suggéré la source, donner aux Forces de défense rwandaises «une marge de manœuvre considérable pour sécuriser la chaîne d’approvisionnement minière dans les provinces de l’Est de la RDC ». Un autre contrat, signé entre Dither et Sakima au cours de la même période, stipule que Dither fournira un financement pour «le début des opérations minières ».
La présidence congolaise, en lieu et place du ministère des Mines, aurait également été impliquée dans les négociations sur ce dernier contrat, laissant entendre que les autorités le voient comme faisant partie du rapprochement entre les deux pays.
Ce contrat – dont la version finale n’a pas été rendue publique – a suscité de vives inquiétudes en RD Congo et à Kampala. L’or constitue l’une des principales sources de revenus d’exportation du pays : en 2021, l’or était le produit d’exportation le plus important de l’Ouganda, pour une valeur de 2,24 milliards de dollarsy t . La majeure partie de cet or provient de la RD Congo et une baisse de l’accès à l’or congolais entraînerait des conséquences économiques majeures.
Le pétrole, Total et la France Pétrole, Total Energies et un sentiment d’urgence Il existe d’importants gisements de pétrole sur les rives congolaise et ougandaise du lac Albert. Sur la base d’entretiens avec des sources en Ouganda ainsi qu’en RD Congo, nous soutenons que la sécurisation des champs pétrolifères constitue une raison importante de l’opération militaire en cours. Les investissements de plusieurs milliards de dollars sont la pierre angulaire de la stratégie économique et politique de Museveni.
Le 1er février 2022, au milieu de l’opération Shujaa, un accord d’investissement a été finalisé sur le projet pétrolier, d’une valeur de plus de 10 milliards de dollars, par le président Museveni, la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan, la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) et TotalEnergies. On estime que la région du lac Albert contient entre 1 et 1,4 milliard de barils, faisant de l’Ouganda le pays détenant les cinquièmes plus grandes réserves d’Afrique subsaharienne. La région accueille le projet Tilenga, opéré par Total Energies, et Kingfisher par CNOOC.
Les élections de 2026 en Ouganda créent un sentiment d’urgence pour ce projet, le pétrole étant censé commencer à couler en 2025. Cela pourrait à son tour être une raison majeure influençant l’intervention militaire ougandaise.
Cette urgence est également présente pour TotalEnergies, le principal investisseur de Tilenga, et pour l’East Africa Crude Oil Pipeline (EACOP) qui acheminera le pétrole par un oléoduc de 1 443 kilomètres jusqu’au port tanzanien de Tanga. Total est sous pression, car ce projet intervient dans un contexte de critique croissante des investissements dans les énergies fossiles, et notamment des nouveaux investissements pétroliers, en raison de la crise climatique. Lors de la COP26 à Glasgow, le gouvernement français, dont le soutien est particulièrement important pour TotalEnergies, s’est engagé à réduire sa dépendance aux énergies fossiles en devenant membre de la coalition Beyond Oil and Gas Alliance. Dans le cadre de cette initiative, la France s’est engagée à supprimer progressivement toute exploration et production de pétrole et de gaz sur son territoire métropolitain et outre-mer d’ici 2040. De plus, TotalEnergies est sous la pression de ses actionnaires pour se réorienter vers des énergies plus durables.
Ce contexte a déjà eu un impact sur le financement du projet. En mars et avril 2021, plusieurs bailleurs de fonds – la Banque africaine de développement, onze banques commerciales (dont Barclays et BNP Paribas) – et trois compagnies d’assurance ont retiré leur soutien à l’EACOP après les pressions et les critiques de la coalition internationale Stop EACOP.
L’impact du projet sur les droits humains a également été vivement critiqué : TotalEnergies est poursuivi en France par six ONG pour ne pas avoir correctement évalué la menace du projet Tilenga pour les droits humains et l’environnement. L’implication de TotalEnergies avec le régime de Museveni a également été critiqué, car des activistes, des journalistes et des représentants de la société civile travaillant sur ces problématiques en Ouganda ont été intimidés et harcelés, une question qui a été soulevée par quatre représentants spéciaux distincts de l’ONU. En novembre 2021, une mission diplomatique européenne a également été brutalement expulsée de la zone.
Cela ne signifie pas que TotalEnergies va se retirer. Au contraire : Tilenga est important dans la stratégie de l’entreprise, car elle a besoin de nouveaux projets pour compenser la raréfaction des gisements qu’elle détient dans d’autres pays africains, comme le Gabon ou l’Angola. Cependant, cela augmente la pression pour commencer à extraire le pétrole bientôt.
Après avoir progressé très lentement pendant longtemps, le processus s’est considérablement accéléré ces dernières années. En 2020, le gouvernement ougandais a autorisé la résolution d’un différend fiscal de longue date à l’avantage de TotalEnergies, permettant à l’entreprise d’acheter les actifs de Tullow Oil dans le pays. Le cadre législatif et réglementaire a également été modifié pour favoriser l’exploitation pétrolière. Un rapport d’une publication de l’industrie a même affirmé que les autorités ougandaises avaient «cédé à toutes les demandes» de TotalEnergies et que l’entreprise avait reçu «carte blanche».
Cette accélération a été particulièrement visible au cours de la dernière année. Le 11 avril 2021, une série d’accords ont été signés entre l’Ouganda, la Tanzanie et TotalEnergies pour la construction du pipeline de 3,5 milliards de dollars. En septembre 2021, le gouvernement ougandais a introduit une loi –la loi EACOP – afin de définir les réglementations fiscales et économiques du gazoduc, notamment une série d’exonérations fiscales. Cette loi a été promulguée par le parlement en décembre 2021.
Ces investissements massifs nécessitent de la sécurité. Le gouvernement ougandais et TotalEnergies veulent éviter un scénario comme celui de Cabo Delgado, au Mozambique, où une insurrection a suspendu l’investissement de plusieurs milliards de dollars de TotalEnergies. Comme nous l’a confié un analyste : «Les investisseurs sont particulièrement nerveux à l’idée d’attaques contre les infrastructures pétrolières; il y a un investissement de plusieurs milliards en jeu (…) Une attaque de pipeline serait catastrophique, comme le serait un cas de force majeure sur les puits ».
Pour cette raison, la région riche en pétrole s’est vue de plus en plus militarisée, notamment par le gouvernement français. Depuis 2016, l’armée française forme les troupes ougandaises à la guerre en montagne et en 2019, la nouvelle brigade de montagne a été officiellement investie. La protection du pétrole a été explicitement reconnue comme une raison centrale de son existence : en 2018, le chef des forces de défense, le général David Muhoozi, a déclaré à propos de la collaboration militaire franco-ougandaise que la région Albertine «a besoin d’une protection sérieuse pour que la jeune industrie pétrolière puisse prospérer». Cela pourrait expliquer pourquoi l’opération Shujaa étend ses opérations dans la province de l’Ituri et s’est impliquée avec des groupes armés autres que les ADF. Le 11 février 2022, l’UPDF et les FARDC, par exemple, ont affronté les rebelles de la Force patriotique et intégrationniste du Congo (FPIC) alors qu’ils tentaient de piller du bétail. Un chef traditionnel de cette région a exprimé sa gratitude envers l’UPDF pour avoir affronté non seulement les ADF, mais également le groupe armé CODECO.
Enfin, il convient également de mentionner qu’il existe un bloc pétrolier du côté congolais du lac Albert. Le pompage du pétrole à partir de cet endroit augmenterait également la rentabilité du coûteux pipeline EACOP. Bien que TotalEnergies ait cédé ses parts dans ce bloc pétrolier particulier en 2019, il est toujours considéré comme le seul candidat sérieux : compte tenu de ses activités de l’autre côté du lac, l’investissement relatif serait plus faible.
TotalEnergies et le soutien aux opérations militaires en cours La France a joué un rôle important dans le soutien de ces opérations militaires. Les troupes ougandaises et congolaises impliquées dans les opérations en cours ont reçu une formation de la part de l’armée française. Les UPDF en RD Congo sont pour la plupart des membres de la Brigade de montagne, qui ont été entraînés par les Français, tandis que certaines des troupes congolaises participant à l’opération Shujaa ont été entraînées au combat dans la jungle : un premier bataillon des FARDC a été formé en 2021 par les Français (au Gabon) au combat dans la jungle, et un deuxième bataillon est actuellement en formation.
Des rapports établis par des ONG ont également mis en lumière le soutien du gouvernement français à TotalEnergies. Cela se manifeste en Ouganda, où les diplomates français sont de plus en plus considérés comme une exception par les autres pays européens, compte tenu de leur forte insistance sur les intérêts économiques avec moins d’attention accordée à la démocratie ainsi qu’à la gouvernance.
Le message fort de soutien qu’Emmanuel Macron a écrit au président Museveni peu après les élections controversées de 2021 en Ouganda, espérant «approfondir l’amitié entre nos deux pays, et développer une relation de confiance dans tous les domaines d’intérêt mutuel, à la fois politique et économique», en est une illustration. D’autres diplomates occidentaux ont jugé cela étrange, car ils ont remis en question la légitimité des élections de 2021, compte tenu de l’utilisation d’une violence extrême par les forces de sécurité de l’État, notamment les 54 personnes tuées lors des deux jours de manifestations en novembre 2021, ainsi que des irrégularités électorales. Un journaliste a fait valoir que « le message de Macron est allé bien au-delà des autres messages diplomatiques de la même période (…) le ton ainsi que le contenu du message ont été jugés inappropriés par de nombreuses personnes ». Le pétrole a joué un rôle important, comme cela a été précisé dans la lettre de Macron. Il a déclaré vouloir « accélérer la construction de l’oléoduc EACOP, affirmant que ce sera une opportunité majeure d’intensifier les échanges entre les deux pays et d’élargir davantage leur coopération ». Fait révélateur, la lettre a été rendue publique par la présidence ougandaise, et non par la France.
Il existe un parallèle avec l’insurrection islamiste à Cabo Delgado, au Mozambique, où TotalEnergies a également un projet de gaz naturel liquéfié, et où l’armée rwandaise mène des opérations depuis juillet 2021. Peu avant le lancement des opérations, Macron a rencontré Kagame et a publié une déclaration soutenant les opérations militaires au Mozambique¹²y .Certains analystes soupçonnent la France de financer ces opérations par une augmentation de son aide au développement au Rwanda, ce que dément Kigali¹³p . Des sources soulignent que plus récemment, la France a fait pression sur l’UE pour financer les opérations rwandaises dans la région.
Conclusions
Sept mois après le lancement de l’opération Shujaa par l’UPDF dans l’est de la RD Congo, force est de constater que les opérations militaires n’ont pas le succès annoncé dans la presse ougandaise. Si l’opération a réussi à créer des poches de sécurité isolées, elle n’est pas parvenue à affaiblir structurellement les ADF. On peut également se demander si l’UPDF a la capacité de le faire, étant donné le vaste territoire ainsi que les ambitions limitées du gouvernement ougandais. Des dynamiques similaires se sont produites lors d’opérations militaires précédentes contre les ADF. Depuis les premières opérations de ce type en 1996, par l’UPDF, les FARDC et les forces de maintien de la paix de l’ONU, les ADF se sont avérées résilientes, mobiles et adaptatives.
Le présent document décrit les intérêts politiques et économiques derrière ces opérations. Dans l’ensemble, outre les intérêts sécuritaires, le gouvernement ougandais se concentre sur la sécurisation de ses investissements pétroliers et le renforcement des réseaux commerciaux, des impératifs motivés par la perte de légitimité du régime.
D’une part, les opérations militaires permettront la construction de routes, qui est réalisée par une entreprise politiquement connectée. Ces routes serviront la politique commerciale de l’Ouganda : compte tenu de l’adhésion récente de la RD Congo à la Communauté de l’Afrique de l’Est, cette infrastructure renforcera les échanges avec la RD Congo, notamment l’exportation des produits ougandais.
D’autre part, les opérations militaires visent également à sécuriser des projets pétroliers autour du lac Albert. Il y a là une urgence particulière : Total Energies est sous une forte pression temporelle, tout comme le président Museveni, qui souhaiterait que le pétrole coule avant la fin de son mandat en 2026. Les deux acteurs veulent éviter un scénario « Cabo Delgado », où les insurgés menacent un investissement de plusieurs milliards de dollars. Le gouvernement ougandais fait pression pour entrer en RD Congo depuis quelques années, étant donné que cela servirait bon nombre des objectifs ci-dessus. Les bombardements ont donné l’impulsion nécessaire pour ce faire. Cela ne signifie pas – comme le suggèrent certaines théories complotistes – que les attentats de Kampala étaient un coup monté, ni que les opérations en cours ne servent aucun objectif militaire. Nous soutenons plutôt que ces objectifs militaires sont étroitement liés à une série d’autres buts, et qu’en mettant l’accent sur le «succès militaire extraordinaire», l’attention est détournée de ces autres buts.
Enfin, l’intervention ougandaise a également créé une situation régionale potentiellement explosive par rapport à Kigali. L’opération militaire actuelle se déroule dans un contexte de relations déjà tendues entre l’Ouganda et le Rwanda, motivées par des problèmes de sécurité et d’accès aux minerais dans l’Est de la RD Congo. Les opérations, ainsi que l’infrastructure routière, élargissent la sphère d’influence de l’Ouganda dans la région et pourraient potentiellement conduire à une nouvelle escalade de ces tensions.
Annexe Dott services
L’entreprise a un bilan controversé en Ouganda. Déjà en 2012, la Commission des infrastructures physiques du Parlement avait « exhorté le gouvernement à empêcher Dott Services Limited d’accéder aux contrats gouvernementaux en raison des performances lamentables de l’entreprise de construction de routes », car elle n’avait « pas réussi à achever la plupart de ses missions » et « n’avait pas la capacité de faire un travail de qualité ».
En 2015, Dott Services a signé un contrat pour la réhabilitation d’une route de 102 kilomètres (entre Nakalama-Tirinyi-Mbale), mais celui-ci a été résilié par l’UNRA, invoquant des retards importants dans l’exécution du projet.
Dott services s’est trouvé dans une bataille juridique presque constante avec l’Autorité nationale des routes de l’Ouganda (UNRA) au cours des quinze dernières années. Par exemple, une affaire a débuté en 2016 concernant un projet commencé en 2010, dans laquelle l’UNRA avait poursuivi Dott Services pour 21 milliards de shillings ougandais. Cette affaire a donné lieu à une série de poursuites devant la Haute Cour et a également impliqué une requête au parlement – où les administrateurs de la société ont comparu devant le Comité des commissions, des Autorités statutaires et des Entreprises d’État (COSASE) en novembre 2016. L’affaire a finalement été classée sans suite en 2021. En 2018, Dott Services a alors poursuivi l’UNRA pour des paiements supplémentaires de 10,2 milliards pour la reconstruction de la route Mbale-Soroti.
Une commission d’enquête de l’UNRA en 2016 avait accusé Dott Services d’être responsable d’une mauvaise planification, d’une révision excessive des délais et des coûts, ainsi que d’un manque de personnel et d’équipement adéquats, ce qui a entraîné des pertes financières pour l’UNRA. La commission d’enquête a recommandé l’inscription de l’entreprise sur liste noire. La société a contesté cela et une décision de janvier 2017 de la Haute Cour a annulé les conclusions et recommandations de la commission d’enquête. Cependant, peu de temps après, en avril 2017, le président Museveni a décidé de mettre la société sur liste noire, arguant qu’il avait «reçu plusieurs informations crédibles concernant des transactions frauduleuses de Dott Services qui ne sont pas acceptables», et déclarant que la société avait « exploité la faiblesse de nos systèmes judiciaires pour annuler la partie du rapport qui les concerne».
Cependant, quelques mois plus tard, en novembre 2017, Museveni est revenu sur cette décision et a levé l’interdiction. Il a fait valoir que la guerre contre la corruption était importante, mais que le soutien aux entreprises locales – dans ce cas, Dott Services – était encore plus important. « Je vous conseille de suivre ma méthode/conseil dans cette guerre de corruption mais aussi de créer une base pour que nos enfants et petits-enfants soient employés. C’est pourquoi j’ai au moins une fois gracié les entreprises ougandaises lorsqu’elles commettent des erreurs ». (Bien que, comme l’a souligné un site, les principaux propriétaires de Dott Services soient d’origine indienne).
En septembre 2022, le ministre des Terres, du Logement et de l’Urbanisme a convoqué Dott Services pour retard de travaux.
Congo Research Group (CRG) a été fondé en 2015 afin de promouvoir une recherche rigoureuse et indépendante sur la violence qui affecte des millions de Congolais. Cela nécessite une approche large. Pour nous, les racines de cette violence se trouvent dans une histoire de gouvernance prédatrice qui remonte à la période coloniale et qui relie les versants des collines du Kivu aux intrigues politiques et à la corruption à Kinshasa, ainsi que dans les capitales d’Europe, de Chine et d’Amérique du Nord. Aujourd’hui, les recherches du GEC visent à expliquer à un large public les interactions complexes entre la politique, la violence et l’économie politique au Congo.
Ebuteli est un institut congolais de recherche, partenaire du Groupe d’étude sur le Congo. Nos analyses portent sur la politique, la gouvernance et la violence. Ebuteli, escalier en lingala, se donne ainsi pour mission de promouvoir, à travers des recherches rigoureuses, un débat informé pour trouver des pistes de solution aux nombreux défis auxquels la RDC est confrontée. Dans un environnement très souvent obscurci par des rumeurs faciles à propager, nous espérons que notre travail contribuera à un débat éclairé sur les questions de grande importance nationale.
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