Marche anti-Céni : Shadary, Mwilanya, Minaku… à l’épreuve de la rue

La roue de l’Histoire tourne. «On ne peut pas nous intimider ! » On se souvient encore de cette phrase assassine prononcée en 2020 par Emmanuel Ramazani Shadary, peu avant la désintégration de la coalition FCC -CACH. Finalement, dans le bras de fer engagé avec le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshisekedi, c’est ce dernier qui est sorti gagnant devant un FCC (Front commun pour le Congo), totalement essoufflé. La suite aura été dramatique pour la famille politique de l’ancien président Joseph Kabila. Avec le nouveau décor qui se met en place, le Président de la République a réussi à plaider ses pions aussi bien à la Céni (Commission électorale nationale indépendante) et à la Cour constitutionnelle, c’est dans la rue que le FCC a décidé de faire recours pour faire entendre sa voix. Une dure expérience, après avoir régné en maître dans le pays durant 18 ans. Pour le FCC, c’est à un apprentissage douloureux auquel il devra se soumettre. Samedi 13 novembre, les grands ténors du FCC, principalement Emmanuel Shadary, Aubin Minaku, Raymond Tshibanda, Bruno Tshibala et bien d’autres, avaient bravé la pluie pour marquer leur désapprobation à un processus électoral qu’il juge déjà truqué dès le point de départ. Pas facile d’enfourcher la tunique d’opposant, après avoir goutté aux délices du pouvoir.

Emmanuel Shadary, Aubin Minaku, Néhémie Mwilanya et bien d’autres ténors du FCC (Front commun pour le Congo) expérimentent depuis quelque temps l’opposition. Ils ont marché samedi sur plusieurs kilomètres à Kinshasa pour dire non à la politisation de la Commission électorale nationale indépendante (Céni). Un exercice qui démontre que la démocratie congolaise se porte bien.

Les leçons à tirer sont multiples. Les gouvernants d’hier qui n’hésitaient pas d’ordonner aux policiers de tirer sur les manifestants ont bénéficié d’un bon encadrement de la même police. Ces opposants en stage ont mobilisé du monde. Un tour au rond-point Moulaert a permis aux observateurs de se rendre compte que la mobilisation était bien réelle.

En lieu et place de 4.000 manifestants vus par la police, la réalité est qu’il n’y avait pas moins de 10.000 personnes qui avaient battu le pavé samedi. Au rond-point Moulaert seulement, il y avait plus de 5.000 manifestants avec la première vague conduite par Minaku, Tshibanda, Shadary, Nzekuye, Tshibala. La seconde vague, avec Davos Kitoko, Ados Ndombasi, Papy Mbaki, Néhémie Mwilanya, est venue aussi avec au moins 5.000 marcheurs sous la pluie fine.

Du côté de Lemba, c’était la même réalité. Un déferlement humain au-delà de 4.000 manifestants était vu.

Des leçons à tirer

Le régime a tiré des dividendes substantiels en termes de gains politiques. Le régime Tshisekedi a consolidé l’aspiration démocratique du pays. On peut marcher en RDC et être encadré par la police. On peut lancer des quolibets, voire des propos hostiles au chef de l’État sans recevoir des visiteurs nocturnes et être tué.

Le régime Tshisekedi a démontré qu’il est possible d’avoir une marche au bilan zéro incident majeur, zéro arrestation, zéro blessé et surtout zéro mort. Ce qui était inconcevable avec le régime Kabila pour lequel manifester équivalait à prendre un rendez-vous avec la mort. D’ailleurs, les mêmes qui ont marché sans être inquiéter disaient : «Dites adieu à vos enfants et votre famille en décidant de manifester ».

Si Kabila et les siens avaient agi de la même manière, Rossy Mukendi, Thérèse Kapangala, … seraient toujours en vie.

L’autre leçon à tirer de cette marche est que les Eglises ne sont pas partisanes. Le Président de la République et l’UDPS doivent rapidement recadrer leur approche avec les Eglises catholique et protestante. Elles sont sur la voie de l’objectivité qui fait défaut auprès de l’extrémisme du camp présidentiel. Le signal est fort.

L’intelligence politique appelle à un rapide rapprochement. L’UDPS n’avait-elle pas fait du 50/50 avec les Catholiques ? L’ont-ils déjà oublié ? Si oui, il y a risque que l’histoire se répète. Ça ne portera pas bonheur au régime.

Une autre leçon à tirer est que le nom de Kabila est revenu à la surface. Il est chanté et ses partisans sont acceptés. Ce qui est une bonne indication du degré de déception enregistré par la population dans la gouvernance Tshisekedi. Ce n’est pas le parfait amour, mais plutôt un ras-le-bol. On note enfin la bonne tenue des militants de l’UDPS et de l’Union sacrée qui n’ont pas perturbé cette marche.

A tout prendre, c’est la démocratie qui a pris plus de galons. Bien plus, le Chef de l’Etat a gagné en crédibilité en termes de défenseur de la démocratie. Sans compter la Police nationale congolaise et les forces de sécurité qui ont superbement joué leur partition en laissant s’exprimer librement le jeu démocratique.

Econews