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Matata et l’affaire Bukanga-Lonzo : une saga judicaire sans fin

Quatre ans de traque judiciaire, deux présidences de Cour constitutionnelle aux avis contradictoires, et une saga aux allures de feuilleton politique : Matata Ponyo, ancien Premier ministre et député de Kindu, comparaît ce lundi 14 avril 2025 devant la Haute Cour dans l’affaire Bukanga-Lonzo. Accusé de détournements liés à ce Parc agro-industriel lancé sous Kabila, il dénonce un procès «sans soubassement juridique», transformé en arme politique depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi. Entre rebondissements (incompétence, puis compétence de la Cour), suspensions opportunes (proches des élections) et reprises fracassantes, ce dossier incarne les tensions entre justice et pouvoir en RDC. Son avocat, Raphaël Nyabirungu, parle d’une «négation du droit». Reste une question : jusqu’où ira cette bataille, alors que Matata, figure respectée, pourrait menacer le régime à la présidentielle de 2028 ? L’épilogue, lui, reste écrit à l’encre invisible.

Quatre ans après son ouverture, le procès du Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, impliquant l’ancien Premier ministre Matata Ponyo Mapon, continue de défrayer la chronique judiciaire et politique en République Démocratique du Congo (RDC). Ce lundi 14 avril 2025, la Cour constitutionnelle, siégeant en matière pénale, reprend l’examen de cette affaire emblématique, marquée par des revirements juridiques, des suspensions stratégiques et des accusations de politisation. Un feuilleton qui en dit long sur les tensions entre justice et pouvoir en RDC.

Lancé en 2014 sous le régime de Joseph Kabila, le Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo (province du Kwango) devait symboliser la modernisation agricole de la RDC. Doté d’un budget initial de plusieurs millions de dollars US, ce projet phare, confié à un consortium sud-africain, a vite été éclaboussé par des allégations de détournements massifs. 

Selon l’accusation, Matata Ponyo, alors chef du gouvernement, aurait autorisé des paiements irréguliers au profit de l’homme d’affaires sud-africain Christo Grobler, tandis que Deogratias Mutombo, alors gouverneur de la Banque centrale, aurait facilité les transferts douteux.

UNE BATAILLE JURIDIQUE EN DENTS DE SCIE

Le procès, initié en 2021, soit deux ans après l’arrivée au pouvoir du Président Félix Tshisekedi, a rapidement viré au parcours du combattant. En 2021, la Cour constitutionnelle, alors présidée par Dieudonné Kaluba, s’est déclarée «incompétente» pour juger Matata, invoquant son immunité d’ancien Premier ministre. Un an plus tard, son successeur, Dieudonné Kamuleta, a inversé la décision, estimant que la Haute Cour était pleinement «compétente». 

Ce revirement a relancé les procédures, mais le dossier a connu plusieurs suspensions, notamment en 2023, en pleine période électorale.

Les avocats de Matata dénoncent des manœuvres dilatoires : «On suspend le procès pour des prétextes électoraux, puis on le relance quand le pouvoir a besoin de faire diversion», accuse l’un des avocats du collectif de l’ex-Premier ministre.

MATATA DENONCE UNE «MACHINATION POLITIQUE»

Dans une vidéo publiée récemment sur son compte X (ex-Twitter), Matata Ponyo a fustigé un procès «sans fondement juridique», orchestré, selon lui, pour l’«éliminer politiquement ». «Je suis prêt à me défendre devant n’importe quel tribunal impartial, mais pas devant une justice aux ordres», a-t-il lancé, rappelant que le projet Bukanga-Lonzo avait été approuvé «en Conseil des ministres, sous l’autorité du Président Kabila».

Son principal avocat, Me Nyabirungu, ne porte pas de gants lorsqu’il s’agit d’évoquer les dérives du procès Bukanga-Lonzo : « Ce procès est une négation du droit. On cherche à criminaliser une décision collective pour en faire un crime individuel ». 

La défense conteste également les preuves, soulignant que l’enquête n’a pas établi de lien direct entre Matata et les présumés détournements.

UN PROCES SYMBOLE DES LUTTES DE POUVOIR

Au-delà des enjeux juridiques, le procès Bukanga-Lonzo cristallise les rivalités entre l’ancien et le nouveau régime. Pour les proches de Tshisekedi, il incarne la volonté de «tourner la page de l’impunité kabiliste». Mais pour l’opposition, il s’agit d’une «chasse aux sorcières» visant à museler les figures susceptibles de concurrencer le président sortant.

Matata Ponyo, élu député de Kindu en 2023, reste une figure respectée pour sa gestion technocratique sous Kabila. Son procès intervient dans un contexte où il est perçu comme un potentiel candidat à la présidentielle de 2028 – une hypothèse que ses soutiens jugent «insupportable pour le pouvoir actuel ».

QUELLE CREDIBILITE POUR LA JUSTICE CONGOLAISE ?

Alors que la Cour constitutionnelle entame une nouvelle phase du procès, la question de son indépendance plane. En 2024, un rapport de l’ONG congolaise ASADHO avait dénoncé «l’instrumentalisation des tribunaux pour régler des comptes politiques». Pour les observateurs, le verdict dans l’affaire Bukanga-Lonzo sera un test : condamnation lourde, acquittement, ou nouveau rebondissement ?

«Si Matata est blanchi, cela renforcera ses partisans. S’il est condamné, beaucoup crieront à l’injustice», résume un diplomate européen. Dans les deux cas, le procès risque de laisser des séquelles durables sur l’image d’une justice congolaise déjà malmenée.

La prochaine audience, ce lundi 14 avril, pourrait clarifier le calendrier des débats. Mais dans un pays où les procès politiques traînent souvent en longueur, personne ne parie sur une issue rapide d’un procès qui aura battu tous les records.

Econews

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