En RDC, les ennuis judiciaires ne sont pas terminés pour l’ancien Premier ministre Matata Ponyo Mapon, qui est soupçonné d’être impliqué dans une affaire de détournement de fonds. En effet, la Cour de cassation vient de renvoyer l’affaire devant la Cour constitutionnelle. Y a-t-il un lien avec le fait qu’il est candidat à la présidentielle de décembre prochain et qu’il vient de faire alliance avec trois autres candidats de l’opposition radicale? Quoi qu’il en soit, Matata reste convaincu que, dans l’affaire Bukanga-Lonzo, «le dossier est clos». «Toute poursuite de ce dossier ne serait considérée que comme de l’acharnement politique contre un candidat à la présidence de la République», soutient-il. En ligne de Kinshasa, le président du parti LGD, Leadership et Gouvernance pour le Développement, a répondu mardi aux questions de RFI.
Matata Ponyo Mapon, dans l’affaire du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, où l’on parle d’un détournement de 200 millions de dollars, la Cour de cassation vient de se déclarer incompétente et de renvoyer le dossier devant la Cour constitutionnelle. Pourquoi êtes-vous déçu ?
Ce n’est pas moi qui suis déçu, mais c’est l’ensemble de la communauté nationale et internationale qui est déçue, parce que, par interférence politique, la Cour de cassation était obligée de renvoyer le dossier auprès de la Cour constitutionnelle, en violation de la Constitution. On voit, depuis le début de ce processus judiciaire il y a deux ans, une violation systématique de la Constitution, et une violation systématique des lois régissant le fonctionnement de la Cour constitutionnelle et le fonctionnement de la Cour de cassation. Donc on se dit qu’il y a certainement des injonctions qui viennent de dehors. Et rappelez-vous de cette lettre que le procureur près la Cour de cassation avait écrit au Président de la République, pour lui demander des instructions quant à l’évolution du dossier, et ça, c’est scandaleux. La Constitution de la République est claire là-dessus. Le Président de la République et le Premier ministre ne peuvent être jugés que quand ils sont en fonction, et ils ne sont plus poursuivables quand ils ne sont plus en fonction. C’est la Constitution qui le dit.
Alors vous dites que vous êtes protégé par la Constitution et que vous ne pouvez pas être poursuivi pour vos actes quand vous étiez Premier ministre. Et pourtant, vous êtes inquiet. Pourquoi ?
Non, on n’est pas inquiet comme tel. Tout simplement, nous avons l’obligation de pouvoir rappeler aux juges de la Cour constitutionnelle qu’ils ne sont pas au-dessus de la Constitution. Et donc pour nous, le dossier est clos. Toute poursuite de ce dossier ne serait considérée que comme de l’acharnement politique contre un candidat à la présidence de la République.
Pourquoi votre avocat a-t-il parlé d’acharnement judiciaire contre vous ?
Tout simplement parce qu’on ne peut pas comprendre, dans un pays où des détournements de fonds ont eu lieu, où des détournements de fonds continuent à se faire et que les coupables sont connus, qu’on n’engage pas de poursuites judiciaires contre ces gens-là, mais qu’on s’acharne contre quelqu’un qui n’a jamais détourné un dollar. Et je crois qu’il s’agit là d’un acharnement politique.
Et pourquoi y aurait-il acharnement politique contre vous ?
Tout simplement, parce que je suis un candidat à la présidence de la République, et je peux vous le dire, il m’a été demandé de rejoindre l’Union sacrée et j’ai refusé de rejoindre l’Union sacrée. Voilà l’infraction politique que j’ai commise, parce qu’il n’y a pas d’infractions judiciaires.
Matata Ponyo Mapon, vous êtes donc candidat à la présidentielle de décembre prochain, et le 14 avril dernier, à Lubumbashi, avec trois autres candidats – Moïse Katumbi, Martin Fayulu et Delly Sesanga -, vous avez annoncé que vous alliez mener des actions communes contre le pouvoir du président Tshisekedi. Mais n’est-ce pas une alliance de circonstances entre quatre leaders politiques qui n’ont rien de commun, sinon leur hostilité au pouvoir en place ?
Lorsque nous savons que nous avons en face de nous un seul pouvoir, qui essaye par plusieurs moyens, par plusieurs tactiques, d’étouffer les candidatures de ceux qui sont capables de véritablement challenger, il était important que nous puissions réunir nos systèmes de communication, et nous l’avons fait à Lubumbashi. Et le 13 mai, nous projetons une marche populaire pour protester contre la vie chère, pour protester contre un processus électoral chaotique, et pour protester contre toute modification, aussi petite soit-elle, de la Constitution.
Et à quelle révision en particulier pensez-vous ?
Vous le savez très bien, il y a une loi basée sur la congolité, et ça, ce n’est pas acceptable.
Peut-on imaginer une plate-forme commune ? Un programme commun entre vous quatre ?
Je pense qu’il ne faut pas aller vite en besogne. Comme je vous l’ai dit, le plus important, c’est cette rencontre que nous avons eue dans le sens de la patrie.
En décembre prochain, à la présidentielle, il n’y aura qu’un seul tour et vous êtes déjà très nombreux dans l’opposition à vous porter candidat. Est-ce que vous pourriez vous entendre entre vous quatre pour qu’un seul de vous soit candidat et que les trois autres le soutiennent ?
Je souhaite que vous me posiez cette question d’ici quelques mois, le temps pour nous de pouvoir consolider davantage notre système de travail.
Vous qui avez été le Premier ministre de Joseph Kabila pendant près de cinq ans, pensez-vous qu’il va vers un boycott de cette présidentielle, avec son mouvement FCC, le Front commun pour le Congo ?
Tout ce que je sais, c’est que le PPRD [Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie, Ndlr], le parti du président honoraire, n’est pas impliqué dans le processus électoral actuel. Maintenant, je ne sais pas faire un commentaire ou un jugement de valeur là-dessus.
Et est-ce que votre espoir, c’est de récupérer les voix de Joseph Kabila ?
Ça, je ne sais pas vous le dire.
Mais, vous y pensez ?
Bon, on n’en est pas encore à ce stade-là.
Avec RFI