Matata Ponyo : «Personne ne viendra investir dans un pays qui s’enfonce dans la tempête d’une révision constitutionnelle»

En République Démocratique du Congo, le pouvoir en place a relancé la question brulante de la révision constitutionnelle. Depuis lors, tous les partis politiques sont en ébullition. En clôturant, samedi 1er juin à Kinshasa, le conclave de son parti politique, LGD (Leadership et Gouvernance pour le Développement), Matata Ponyo Mapon a remis une couche sur cette question, la ramenant plutôt sur le terrain économique : « Personne ne viendra investir dans un pays qui s’enfonce dans la tempête d’une révision constitutionnelle ». « Dans tous les cas, promet-il, le LGD s’opposera à toute manœuvre visant à changer ou à réviser notre Constitution.»

En République Démocratique du Congo, la question de la révision constitutionnelle est au cœur des débats politiques. Le pouvoir en place a relancé ce sujet brûlant, provoquant une véritable ébullition parmi les différents partis politiques du pays.

Lors du conclave de son parti politique, LGD (Leadership et Gouvernance pour le Développement), qui s’est tenu à Kinshasa le samedi 1er juin, Matata Ponyo Mapon a mis l’accent sur l’aspect économique de cette question. Selon lui, la révision constitutionnelle est susceptible de décourager les investisseurs étrangers à venir s’implanter dans un pays en proie à des turbulences politiques. Il a clairement affirmé que le LGD s’opposera à toute tentative de changement ou de révision de la Constitution actuelle.

« Au regard de ce qui précède, il serait inacceptable de réviser la Constitution actuelle, quelles que soient ses imperfections, si elles existent réellement. Pourquoi doit-on réviser une Constitution qui n’est nullement respectée par le pouvoir actuel ? Est-ce que le leadership et la gouvernance de qualité dont les Congolais ont besoin sont conditionnés par la révision constitutionnelle ? En réalité, non. Parce que des pays comme l’Israël, la Nouvelle-Zélande, et la Grande-Bretagne n’ont pas de Constitution formelle ; toutefois, ils sont respectueux des lois qui les régissent sont de loin développés par rapport à la RDC. Ne cherchons pas de bouc émissaire pour tenter de plonger encore une fois le pays dans le désordre politique dont nul n’est en mesure de prédire l’issue », a déclaré Matata devant ses partisans. Et d’enfoncer le clou : « Et personne ne viendra investir dans un pays qui s’enfonce dans la tempête d’une révision constitutionnelle. Dans tous les cas, le LGD s’opposera à toute manœuvre visant à changer ou à réviser notre Constitution.»

«Un processus électoral chaotique»

Au-delà de la révision de la Constitution, Matata n’a pas manqué de remettre une couche sur les ratés des élections de décembre 2023. «Nous sommes au lendemain d’un processus électoral chaotique qui a détruit le fondement substantiel de notre démocratie, à savoir la confiance. Rien d’excellent, d’appréciable et de durable ne peut être fait sans la confiance. Au lieu d’avoir un processus électoral, nous avons eu un processus de nomination », a rappelé Matata.

Et d’ajouter : «Au lieu d’avoir des élus, nous avons eu pour une bonne partie des personnes nommées : des époux, femmes, oncles, tantes, cousins, cousines, frères, sœurs, beaux-fils, belles-filles, beaux-frères, belles sœurs, etc… Sur base de ce constat malheureux et unique en son genre, certains d’entre nous sont découragés et se posent la question sur l’opportunité de continuer à œuvrer dans la politique. Œuvrer dans un système où seuls la ruse, la tricherie, la mesquinerie, la malhonnêteté, l’injustice, l’inconstance, les coups bas, la fraude et la corruption sont les facteurs de réussite. »

Matata définit alors sa conception de la politique : «C’est ici l’occasion pour moi de vous rappeler que lorsqu’on s’engage en politique pour faire la politique au sens vrai du terme, c’est-à-dire, travailler pour changer les choses au service du peuple et non de soi-même, il faut se préparer à affronter les obstacles de toute nature, y compris les plus imprévisibles et inimaginables comme ceux que nous avons vécus en décembre 2023, à savoir une fraude électorale minutieusement préparée par la CENI, organe chargé de la transparence électorale; la prolongation des opérations de vote pendant près d’une semaine en violation de la loi; une tricherie à ciel ouvert avec des machines à voter mises à la disposition de beaucoup de candidats de la majorité présidentielle par la CENI; et le remplacement des personnes élues par celles non élues par la CENI.»

Par conséquent, il a lancé un appel à la mobilisation pour barrer la route, dit-il, à la «dictature» qui smeble se mettre en place en République Démocratique du Congo : «Face à cette situation abjecte qui rappelle la dictature de triste mémoire, il faut savoir s’armer du courage. Courage de bien digérer les échecs pour empêcher qu’ils se répètent; courage de se recharger en énergie pour continuer à se battre pour l’instauration d’un État de droit qui a totalement disparu; courage d’affronter des nouveaux obstacles avec plus d’intelligence, de dextérité et de sagesse.»

Même si son parti politique, le LGD, n’a pas réalisé un bon score aux élections générales de décembre 2023, Matata ne s’avoue pas vaincu : «En effet, nous avons perdu la bataille de décembre 2023, mais nous n’avons pas perdu la guerre devant nous permettre d’accéder un jour au pouvoir. Le pays nous a tout donné; nous avons donc l’obligation de continuer à nous sacrifier et à nous battre pour le sortir de l’opprobre et du déshonneur dans lequel il se trouve plongé. La RDC est devenue l’objet de moquerie et d’humiliation dans le monde. Nous ne pouvons pas l’abandonner ». Et de poursuivre : «Voilà pourquoi j’en appelle à votre sens élevé de patriotisme pour vous réengager dans la lutte en faveur de notre peuple. Le moment est venu de redonner foi à ce dernier, foi en l’avenir et en sa destinée de locomotive de l’Afrique entière. Puissiez- vous être rassurés, chers Camarades du LGD, que je m’y engage autant que vous et que mon engagement n’a jamais été aussi ferme qu’aujourd’hui ».

Dans son adresse, Matata n’a pas épargné la communauté internationale qu’il appelle à jouer son rôle pour sortir la RDC du gouffre : «C’est aussi l’occasion de sensibiliser la communauté internationale, l’ensemble des églises de notre pays ainsi que les organisations non gouvernementales de défense des droits civiques de ne pas rester inactives comme c’est le cas depuis près de trois ans. Le peuple congolais n’arrive toujours pas à comprendre le sens de votre silence face à toutes les violations de la constitution et les lois du pays, à toutes les irrégularités qui ont conduit au chaos électoral et au détournement massif des fonds publics, y compris ceux reçus des institutions internationales. Le peuple a conclu, à tort ou à raison, en votre complicité tacite avec le gouvernement contre son bonheur. Ce qui serait inimaginable et inacceptable ».

Chacun, pense-t-il, doit jouer son rôle pour l’émergence d’un nouveau Congo : «J’invite donc l’ensemble des institutions et structures ci-haut citées à sortir du silence et de l’inaction pour répondre à l’appel pressant de la population. Chacune d’entre vous a une responsabilité éthique et morale dans l’aggravation de la situation socio-économique de notre pays.»

Econews