Nous avons été témoins de la controverse engendrée par la décision du Ministre du Commerce d’interdire, par le biais d’arrêtés, l’importation de certains produits, notamment le ciment gris, les clinkers, ainsi que les bières et les boissons gazeuses, pour une durée d’un an, aux motifs de protéger les producteurs congolais. Récemment, en réponse à cette mesure, la Zambie a décidé de fermer trois de ses postes frontaliers avec la République Démocratique du Congo.
Cette approche est-elle économiquement viable ? À mon sens, cette stratégie du gouvernement semble avoir été précipitée et mal orientée. Dans un contexte de mondialisation et de globalisation des marchés, sous le régime du commerce multilatéral, les Règles d’Origine (pour les fins douanières), ainsi que les mesures de protection contingente et les mesures de défense commerciale (telles que les mesures anti-dumping, les mesures compensatoires et les mesures de sauvegarde) sont encadrées par des règles/accords spécifiques de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), dont la RDC est membre.
L’application hâtive de certaines dispositions des arrêtés du Ministre du Commerce de la RDC pourrait violer plusieurs règles de l’OMC et compromettre les engagements du pays dans le cadre de divers accords commerciaux régionaux (SADC, EAC, CEAC, COMESA, ZLECAf, etc.), ainsi que des accords bilatéraux ratifiés par la RDC. Il est à craindre que le gouvernement ne soit contraint de faire marche arrière, comme cela a récemment été le cas avec la Zambie, sinon d’autres pays pourraient porter la RDC devant le tribunal de règlement des différends de l’OMC ou adopter des mesures de rétorsion.
Au lieu d’interdire totalement l’importation de produits concurrents, une meilleure protection et promotion de l’industrie locale pourraient être réalisées par le biais de tarifs douaniers et d’autres mesures de soutien interne autorisées.
Par ailleurs, les préoccupations (relayées par le Ministre sur Radio Okapi) liées au transbordement et au fractionnement des marchandises dédouanées peuvent être efficacement traitées par des systèmes de suivi, de géolocalisation et de scellage jusqu’à la mise en consommation des marchandises et des conteneurs sur le territoire douanier de la RDC.
L’OGEFREM et l’OCC prélèvent déjà respectivement 4% et 2% de la valeur CIF des marchandises importées pour lutter entre autres, contre ce type de pratiques. Quant aux mesures de protection contingente et les mesures de défense commerciale (telles que les mesures anti-dumping, les mesures compensatoires et les mesures de sauvegarde), leurs mises en œuvre nécessitent des enquêtes approfondies et des notifications préalables pour établir les marges de dumping; la nocivité de produits importés subventionnés sur le marché locale de la RDC; et l’existence d’un accroissement substantiel des produits importés ayant une incidence sur la production de produits à sauvegarder. Ces enquêtes suivent une procédure mieux documentée et encadrée par les trois accords susvisés de l’OMC.
La RDC devrait se doter d’outils et institutions juridiques et économiques appropriés pour effectuer au préalable ces genres d’enquêtes et être en mesure de déclencher avec sérénité et objectivité les mesures de défenses commerciales. Gloire au travail !
Sénateur Faustin Luanga