Dans un contexte économique mondial marqué par l’inflation et la flambée des prix, le gouvernement a récemment annoncé des mesures ciblant neuf produits de grande consommation pour lutter contre la vie chère. Cette décision n’a pas tardé à susciter des réactions vives au sein de la communauté des économistes. Parmi les voix qui se sont élevées, deux figures notables, Michel Nsomue et Big Nzuka Mapengo, ont exprimé des opinions diamétralement opposées sur l’efficacité et les implications de ces mesures.
Michel Nsomue, un économiste reconnu pour ses analyses incisives, adopte une position critique. Il estime que ces interventions gouvernementales pourraient avoir des conséquences inattendues sur le marché. Selon lui, de telles mesures risquent de fausser la concurrence et de créer des distorsions dans l’économie.
En revanche, Big Nzuka soutient que ces mesures constituent une réponse nécessaire à la crise actuelle.
Ce débat enflammé illustre la complexité des enjeux économiques actuels. Les partisans des mesures gouvernementales soulignent la nécessité d’une action rapide face à une crise imminente, tandis que les sceptiques plaident en faveur de solutions plus durables et structurales.
Alors que la population attend avec impatience l’impact de ces nouvelles mesures, il reste à voir si elles seront suffisantes pour atténuer la pression sur les ménages. La divergence d’opinions entre Nsomue et Nzuka reflète les tensions qui existent souvent dans le domaine économique, où le court terme et le long terme s’affrontent dans un contexte d’incertitude.
Ce débat continuera sans aucun doute à animer les discussions au sein des cercles économiques et au-delà, alors que chacun cherche des solutions viables à la crise de la vie chère. Echanges.
Michel Nsomue : «Sur les traces de ses prédécesseurs»
Lors de son Conseil des ministres de ce vendredi 09 août 2024, le gouvernement de la république a arrêté un train de mesures visant l’amélioration du pouvoir d’achat de la population en jouant sur les prix intérieurs et sur le taux de change.
S’agissant des prix intérieurs, l’action du gouvernement, par l’entremise du ministre de l’économie a consisté à réduire le prix de revient de quelques produits de consommation courante à travers la suppression et la réduction de certaines taxes, d’une part, et, d’autre part, en invitant à la réduction du nombre de barrières érigées par certains services de l’État sur les voies d’évacuation des mêmes produits.
S’agissant de la stabilisation de la valeur de la monnaie, le gouvernement entérine les mesures en cours de politique monétaire portant sur le taux d’intérêt fixé à 25 % et sur les coefficients de la réserve obligatoire appliqué aux comptes en monnaie nationale et en devises étrangères des banques commerciales auprès de la banque centrale.
Ces mesures appellent, de notre part, l’interprétation suivante.
1. Elles dénotent d’une absence totale de créativité.
Force est de constater que ces mesures ne sont qu’une répétition de la même thérapie moult fois appliquée dans le cadre des efforts vains du gouvernement pour l’amélioration du climat des affaires. Cela fait plus de 10 ans que le gouvernement, à travers ses différents ministres, tantôt du Plan, tantôt de l’Economie nationale et même, récemment, du Commerce extérieur, s’acharne à échouer lamentablement dans la conception et dans l’application de ces mesures, plus spécifiquement celles relatives à la suppression des taxes et des barrières routières.
En fait, le ministre de l’économie semble n’avoir pas pris assez de temps pour comprendre pourquoi ses prédécesseurs ont échoué en prenant les mêmes mesures.
2. Elles sont par trop partielles et, voire, trop partiales.
La question du pouvoir d’achat relève d’une fonction mathématique qui stipule que le pouvoir d’achat est, d’abord, fonction directe du revenu et, ensuite seulement, fonction inverse des prix sur le marché.
Ici le gouvernement a choisi le plus superficiel et le plus populiste: les prix intérieurs (et de quelques denrées alimentaires). En ce faisant, non seulement le gouvernement passe outre la question fondamentale du pouvoir d’achat qui consiste en son existence préalable dans ce pays où la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, mais, pis, il a réduit la question de prix à quelques articles dont le poids dans l’indice général des prix reste à démontrer. Deux très simples questions pédagogiques : (1) que recherchent les agents de l’État qui érigent continuellement des barrières routières contre les commerçants ? Ma réponse : ils sont à la recherche d’un revenu, c’est-à-dire, du pouvoir d’achat pour leur survie et, peut-être même, pour la survie de leur administration. (2) entre le prix d’une boîte de lait et le loyer d’une maison, qu’est-ce qui déprime le plus le pouvoir d’achat d’un ménage ? A chacun sa réponse. Et je peux étendre cette comparaison aux rubriques telles que le transport pour aller au service face au prix d’un sac de maïs, le coût des études des enfants face au prix des poissons, etc. C’est la question de la pondération des prix dans l’indice général.
3. Elles sont perverses, contradictoires et très nuisibles à l’économie nationale.
Ici, deux idées me passent par la tête : la première est qu’il est de notoriété que l’aide alimentaire tue l’agriculture, d’autant qu’il existe une corrélation positive entre le prix à l’importation et l’activité intérieure visant la production locale du même bien. La suppression desdites taxes équivaut à subventionner les importations au détriment des biens locaux dont le coût de production demeure prohibitif. Le ministre de l’économie a trop vite oublié que c’est le don en riz, offert par les gouvernements étrangers, dans les années 70, qui a porté un coup fatal au riz de Bumba et de Katako-Kombe.
La deuxième idée, corolaire à cette première, est que la réduction du prix de revient par la suppression des taxes à l’importation accroît imparablement l’extraversion de notre économie et, donc, notre dépendance à l’extérieur. Du coup, le gouvernement qui a toujours accusé cette extraversion d’être là cause de la hausse des prix par le biais du taux de change utilise paradoxalement la même cause de la maladie pour soigner celle-ci.
4. Elles sont inefficaces et inappropriées aux contexte et exigences de l’économie nationale.
On dirait que le gouvernement limite sa perception du pays à la seule configuration géographique de la ville de Kinshasa et/ou de quelques cités qui lui sont plus ou moins comparables.
Le problème du pouvoir d’achat concerne beaucoup plus les populations vivant à l’intérieur du pays que ces quelque 15 ou 20 % des citadins. A cet égard, le gouvernement semble ignorer que ces populations qui représentent plus de 80 % de la démographie congolaise sont totalement coupées des ports d’importation et même des produits d’importation concernés dans leur vécu quotidien. Il n’y a pas de chinchards à TSHOFA ni un gramme de farine de maïs importé. Il n’y a même pas une seule voie de communication entre la suppression des taxes à l’importation de ces produits et le panier de la ménagère de mon village. Et, je répète : il s’agit de plus de 80 % des ménagères congolaises qui ne sont nullement concernées par ces mesures du gouvernement.
5. S’agissant de la stabilisation de la valeur de la monnaie, c’est l’impasse la plus totale !
En gardant le taux de 25 %, le gouvernement ne se rend pas compte qu’il condamne l’activité intérieure à sa totale déperdition. Curieusement, le ministre de l’économie y trouve l’avantage de permettre à la banque centrale de vendre ses titres de dette. Encore une fois, voilà désacralisé le rôle d’une banque centrale continuellement réduite à accompagner une politique budgétaire sans vision ni ambition.
De même, sur cette question de stabilisation de la valeur de la monnaie, il est malheureux de constater que son interprétation par le gouvernement se réduit à une simple question de taux de change au lieu d’envisager la question sous l’angle préalable de l’équilibre du marché. Car, manifestement, le gouvernement passe sous silence étrange la question de l’existence même de ce que la théorie et la pratique de la politique monétaire appellent : «marché des changes». Du coup, on confond «stabiliser» et «bloquer» le taux de change, le premier terme relevant de la dynamique tandis que le second est l’apanage du domaine mathématique de la statique.
La question de la stabilisation de la valeur de la monnaie pose trois problèmes que le gouvernement congolais et sa banque centrale semblent esquiver : (1) la nature et les propriétés du franc congolais comparé aux autres devises, étant entendu qu’une monnaie doit réunir un certain nombre de propriétés pour assumer les trois fonctions classiques dont celle, plus particulièrement, de réserve de valeur; (2) la théorie ou le système monétaire en présence étant entendu que la fonction de la demande de la monnaie (sur le marché) est une expression de la préférence des agents plutôt que celle de la peur des sanctions et (3) l’organisation du marché monétaire (intérieur) et du marché des changes (international) qui, en relevant de la politique monétaire, pose, au préalable, la question de l’organisation et du fonctionnement du système bancaire du pays par rapport aux réalités et aux besoins de celui-ci.
Au finish, la lecture des mesures prises par le gouvernement en vue de l’amélioration du pouvoir d’achat de la population ne produiront des effets positifs que pour le bref moment d’observation que les agents économiques vont se donner avant de se rendre à l’évidence que, une fois de plus, le gouvernement manque d’inspiration, de compréhension de la situation et de vision claire des horizons.
Alors se réveilleront, aussitôt, tous les démons de la destruction du reste de notre lambeau économique qui continue à languir derrière la moindre expertise nécessaire à l’intégration de l’économie nationale pour l’expansion du marché intérieur et le développement effectif de notre pays.
Michel Nsomue
(Economiste)