Le Chef de l’Etat a pris tout son temps, avant de placer ses hommes au sein de l’appareil de défense de la République Démocratique du Congo. Un travail d’orfèvre qu’il a finalement conclu, le lundi 3 octobre 2022, par la nomination à des postes stratégiques de l’armée et de la Garde républicaine de nouveaux officiers de commandement. Vestiges des années Joseph Kabila, le général d’armée Mbala Munsense a finalement cédé sa place à celui que le Président de la République a élevé, comme un éclair, au rang de lieutenant-général des Forces armées de la RDC (FARDC), Christian Tshiwewe. Ancien commandant de la Garde républicaine (GR), Christian Tshiwewe a convaincu le Président de la République de sa loyauté sans faille. C’est avec lui que Félix Tshisekedi pense maintenant organiser la montée en puissance des FARDC pour la défense de la souveraineté de la RDC sur son territoire. D’ores et déjà, le nouveau chef de l’armée congolaise doit convaincre sur deux tableaux : le front de Bunagana et la restauration de l’autorité de l’Etat dans le Grand Bandundu.
Les promotions des officiers généraux et la montée en grade de certains d’entre eux, opérées par le chef de l’Etat en sa qualité de Commandant suprême des Forces armées sont passées comme une lettre à la poste. Une opération de routine dans le souci d’assurer aux états-majors un nouveau souffle dans un environnement sécuritaire vicié par des agressions étrangères et la persistance des groupes armés locaux réfractaires à la démobilisation.
Deux nominations ont particulièrement retenu l’attention. D’abord celle du lieutenant-général Christian Tshiwewe qui quitte la Garde républicaine et remplace le général Célestin Mbala à l’état-major général des FARDC, laissant la place au général-major Ephraïm Kabi Kiriza.
Loin d’être un chambardement, les ordonnances présidentielles semblent procéder d’une remise en question de divers paliers de commandement, où règne un malaise à la suite des arrestations de quelques hauts gradés soupçonnés de collusion avec des puissances étrangères.
L’heure de vérité a sonné
Il était donc temps que Félix Tshisekedi s’entoure d’un commandement militaire qui mérite toute sa confiance. Quoique la confiance n’exclue pas le contrôle, le chef de l’Etat peut se reposer sur des services de renseignements aux armées renouvelés et aux mains d’officiers d’une intégrité éprouvée.
En procédant aux changements que les milieux proches du pouvoir avaient prédits de longue date, le chef de l’Etat vise la conduite des opérations dans les provinces troublées de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu où, nonobstant la présence des forces mutualisées de l’EAC, la réduction des violences sur fond de tueries et leurs corollaires de déplacements des populations reste l’apanage souverain des FARDC.
Ils surviennent également (les changements) à l’heure où la province de Mai-Ndombe est en proie à un conflit intercommunautaire dont les soubresauts ne manqueront, si l’on n’y prend garde, d’atteindre la capitale. Celle-ci, de son côté, est gangrenée par la montée en puissance d’un banditisme urbain (le fameux phénomène Kuluna) devant lequel la police nationale semble impuissante.
Les officiers généraux à leur tour doivent intérioriser les attentes des populations lassées par des décennies d’incertitude. Ils ne jouiront pas d’un état de grâce : connaissant le terrain et l’état d’esprit de leurs troupes, rien ne s’oppose à ce qu’ils se mettent déjà au travail.
Restaurer la confiance
Car il n’est pas un crime d’affirmer que dans les régions du pays où la multitude de groupes maï-maï recrutent de force des mineurs, s’adonnant aux massacres, viols, razzias dans les villages souvent au nez et à la barbe des forces censées les protéger, la confiance dans les forces armées a fini par s’étioler.
Les mouvements d’humeur exprimés par les populations contre la force de la MONUSCO ne signifie pas que les déplacés internes et ceux qui, à Beni, Butembp, Oicha et ailleurs passent des nuits la peur au ventre gardent une confiance aveugle en leur armée.
Les demandes répétées de la société civile, sollicitant une permutation des officiers supérieurs et généraux qui ont passé de longues années sur le même théâtre des opérations en dit long. Certains ont été tentés par un affairisme criminel, tandis que d’autres n’ont pas hésité à composer avec l’ennemi.
Un activiste des droits de l’homme contacté sous le sceau de l’anonymat à Bukavu déclarait à EcoNews que pour autant que la nomination des nouveaux chefs des Forces armées soit salutaire, elle ne saura être couronnée de succès que si certains préalables sont réunis. Selon lui, «le chef d’état-major et tout son staff verront leur mission couronnée de succès à la seule condition que la plupart des unités présentes ici depuis de longues années soient permutées. Pas question de répéter le scénario du passé où certains militaires ne pouvaient servir que dans leur terroir. Un militaire est au service de la République et non d’une portion de celle-ci».
Econews