Le Président Tshisekedi a annoncé le 3 mai 2024 sa volonté de réviser la Constitution ou de doter le pays d’une autre Constitution, en ces termes : «Je mettrai en place une commission qui réfléchira sereinement sur comment nous doter d’une Constitution digne de notre pays »
Les choses que nous entendions, depuis 2021, au milieu des membres de l’UDPS et selon lesquelles on disait : «Nous allons changer la Constitution pour donner au Président un autre mandat » commencent à se préciser». L’opinion est en train d’être préparée petit à petit à accepter le fait accompli.
Devant la diaspora congolaise à Bruxelles la semaine passée, le Président Tshisekedi a franchi un nouveau pas en parlant de la commission qui réfléchira sur comment doter le pays d’une constitution «digne ?».
Je rappelle au Président Tshisekedi que la Constitution actuelle est le résultat d’un processus long et douloureux qui a vu beaucoup de congolais mourir soit par la guerre soit par les troubles sociaux et politiques. Personne n’a le droit d’oublier tout ce parcours pour ses propres intérêts de conservation du pouvoir.
En Afrique, je n’ai pas encore vu un Président de la République qui a révisé ou changé la Constitution de manière désintéressée et uniquement pour l’intérêt du pays. Je doute que l’initiative que le Président a annoncée soit dans l’intérêt du pays. Sa gouvernance du pays ne me permet pas de croire le contraire.
Je rappelle au Président Tshisekedi que la Constitution actuelle est la base qui permet aux congolais d’accepter les institutions actuelles, malgré les conditions dans lesquelles les élections ont été organisées en 2023, d’une part, et de s’opposer à tout autre groupe qui veut prendre le pouvoir par la force, d’autre part. Briser ce symbole de stabilité du pays, c’est livrer le pays à l’inconnu.
Le régime du Président Kabila avait révisé la Constitution en 2011, mais il n’avait pas touché aux dispositions verrouillées. Toute tentative de toucher auxdites dispositions avait mobilisé les congolais contre le régime du Président Kabila.
Toute tentative de réviser la Constitution ou de changer la Constitution en modifiant notamment le mode d’élection du Président de la République, le nombre et la durée des mandats présidentiels rencontrera la même résistance. Pareille tentative affectera la légitimité du pouvoir du Président Tshisekedi et la stabilité du pays.
Même au sein de sa majorité actuelle au pouvoir, il y a des gens qui ne disent rien par esprit de conserver encore pour un temps les avantages que leur donne le pouvoir, mais ils ne sont pas prêts à accepter que le Président Tshisekedi fasse un troisième mandat ou qu’il puisse prolonger la durée de son mandat. Les gens qui ont lâché le Président Joseph Kabila au grand jour, sans scrupules, ils lâcheront aussi le Président Tshisekedi de la même façon.
Révisez toutes les autres dispositions de la Constitutions, mais abstenez-vous de toucher aux dispositions verrouillées.
Prenez vraiment en compte ce conseil qui est dur, surtout quand on a déjà touché aux délices du pouvoir, mais qui est juste et vrai.
«Quand un chef ne s’entoure que des gens qui lui disent ce qu’il aime, il doit savoir qu’il est entouré des traitres ».
Fait à Kinshasa, le 05 mai 2024.
Me Jean-Claude Katende
Président de l’ASADHO