Pays au potentiel extrêmement regardé – notamment d’un point de vue minier – la République démocratique du Congo déroule une ambition assez forte en termes de croissance, notamment de son secteur agricole et de son industrie, tout en étant lucide sur les leviers à activer pour accélérer l’attractivité des investissements étrangers. La visite du président Félix Tshisekedi cette fin avril en France s’inscrit d’ailleurs dans une démarche de diplomatie économique volontaire. Entretien avec le directeur général de l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI).
La Tribune Afrique – Quelle est la stratégie d’attractivité des investissements d’origine étrangère?
Anthony Nkinzo Kamole – Notre stratégie d’attractivité des investissements étrangers s’articule autour de six axes principaux alignés aux engagements pris par notre Président de la République, Félix Tshisekedi, lors de son discours d’investiture pour son second mandat : création d’emploi, protection et stabilisation du pouvoir d’achat des ménages congolais, sécurisation du territoire national, diversification de l’économie, facilitation d’accès aux soins de santé et renforcement de l’efficacité des services publics. Nous nous engageons à attirer aussi bien les grandes entreprises que les PME, générant ainsi un effet d’entraînement bénéfique pour l’écosystème entrepreneurial local. Pour renforcer l’attrait de notre pays auprès des investisseurs internationaux, nous poursuivons la mise en œuvre de réformes structurelles qui assurent la stabilité macroéconomique et un climat des affaires plus propice aux investissements. Ces initiatives incluent notamment la lutte contre la corruption pour assurer une gestion transparente et efficace. Le Président de la République place le secteur privé au cœur de la stratégie de développement économique de notre pays, soulignant son rôle essentiel dans la croissance de notre nation.
Quand le patronat congolais parle au patronat français, qu’est-ce que cela favorise ?
Quand les représentants des milieux d’affaires congolais et français se rencontrent, cela facilite essentiellement la mise en place d’un cadre propice aux échanges entre acteurs économiques privés. Cette interaction démontre l’existence d’une volonté politique de soutenir et d’encourager ces échanges bilatéraux. De telles rencontres ne se limitent pas à un sens unique de la France vers la République Démocratique du Congo, mais sont également réciproques, favorisant ainsi le développement d’opportunités économiques mutuelles. Lorsque ces milieux collaborent, cela génère un intérêt économique accru et permet l’établissement de partenariats équilibrés et bénéfiques pour les deux parties, tout en donnant une direction claire pour le futur de ces collaborations.
Quels sont les secteurs particuliers capables de favoriser l’attractivité des projets économiques ?
L’agriculture constitue un axe central de notre stratégie économique basée sur la vision du Président de la République de la revanche du sol sur le sous-sol. Nous mettons l’accent sur la création de chaînes de valeur afin de transformer les ressources brutes en produits finis ou semi-finis, stimulant ainsi le développement de chaque segment du secteur agricole.
Les infrastructures jouent évidemment un rôle crucial, notamment à travers la réhabilitation ou la construction de routes de dessertes agricoles, d’écoles et de centres de santé telles que prévues dans le Programme de développement des 145 Territoires. Ces investissements visent à créer un écosystème favorable à une meilleure conne-ctivité de nos Provinces et à l’intégration des régions dans le tissu économique national.
En matière d’énergie, malgré un taux de pénétration de l’électricité encore en dessous de 20%, nous avons de grandes ambitions industrielles grâce à notre potentiel de 100.000 mégawatts. Le renforcement de l’infrastructure énergétique est essentiel pour soutenir notre vision d’une industrialisation profonde.
L’industrie bénéficie d’un plan directeur avec un budget estimé à 58 milliards de dollars, incluant le développement de ports, d’aéroports, de zones économiques spéciales et de grands barrages électriques. Ces infrastructures vont accélérer des initiatives comme celle de l’entreprise ARISE, développeur panafricain d’écosystèmes industriels, dans les zones économiques spéciales comme celles de Kin-Malebo ou Maluku, dans lesquelles des entreprises locales commencent déjà à produire des biens tels que des carreaux «Made in DRC».
N’oublions évidemment pas la santé qui est un autre secteur vital pour le bien-être de notre population.
La RDC est également très regardée pour ses capacités minières…
Le secteur minier est redéfini par une stratégie de valorisation locale des ressources. Nous mettons un point d’honneur à transformer localement nos minerais, comme le cobalt, pour favoriser la production nationale de batteries électriques et, potentiellement, de véhicules électriques. Cette ambition est renforcée par des collaborations internationales, comme celle entre la Zambie, la RDC et les États-Unis. Cette initiative illustre notre engagement envers le multilatéralisme. Nous voulons positionner la RDC comme un acteur clé dans le nouveau paysage économique mondial.
Vous avez évoqué des dispositions spécifiques, prises pour favoriser les investissements étrangers. Pouvez-vous les développer ?
Nous avons mis en œuvre diverses réformes législatives pour stimuler les investissements étrangers et dynamiser notre économie, ayant un impact direct sur l’amélioration du climat des affaires dans notre pays. Ces mesures incluent, entre autres, la rationalisation du système fiscal et l’opérationnalisation effective des structures spécialisées de lutte contre la corruption et les crimes économique, la libéralisation des secteurs de l’énergie et des assurances, la loi sur la sous-traitance, qui favorise l’intégration des entreprises locales dans les chaînes de valeur internationales et soutient le développement de notre classe moyenne. Par ailleurs, le code des investissements et le code minier révisé facilitent l’accès à de multiples secteurs pour entrepreneurs congolais et les investisseurs étrangers.
Ces initiatives réduisent les barrières au commerce et améliorent l’environnement opérationnel pour les entreprises, renforçant ainsi le climat général des affaires en RDC.
En ce qui concerne le rapatriement des capitaux, nous avons établi un système permettant une liberté de rapatriement des fonds générés, en conformité avec la règlementation de change du pays. Cela représente un point de démarcation significatif par rapport à d’autres régions, simplifiant les opérations financières internationales pour les investisseurs et augmentant la confiance dans notre environnement des affaires.
Ces réformes ne se contentent pas d’améliorer les aspects techniques de notre économie ; elles créent également un écosystème accueillant qui incite les entrepreneurs à investir et à s’établir durablement dans notre pays. Notre cadre législatif veille également à ce que les communautés locales bénéficient de ces investissements, notamment grâce à la loi sur la sous-traitance qui ouvre de nouvelles opportunités pour les petites et moyennes entreprises.
À l’échelle internationale, nous sommes fiers que nos entrepreneurs non seulement représentent notre pays mais aussi exportent notre expertise et notre culture d’entreprise, renforçant ainsi nos liens avec des pays comme la France, où nos entreprises établies sont reconnues pour leur fiabilité et leur intégrité. Cette présence internationale illustre notre capacité à participer activement à l’économie mondiale et à valoriser nos propres atouts et spécialités. Ces initiatives reflètent notre engagement envers un développement progressif et mesuré, reconnaissant que chaque processus prend du temps et nécessite patience et persévérance. Nous sommes fermement convaincus de l’efficacité de ce processus, persuadés qu’il générera des bénéfices substantiels pour tous les acteurs impliqués, tout en continuant à améliorer le climat des affaires dans notre pays.
Que signifie la venue du président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, en France cette fin avril ?
En tant que Directeur Général de l’Agence Nationale pour la Promotion des Investissements (ANAPI), je perçois la visite du Président Félix Tshisekedi en France comme un jalon crucial pour la diplomatie économique. Cette visite illustre la volonté de la République Démocratique du Congo (RDC) de se réinventer sur la scène internationale et d’effacer les stéréotypes anciens dont elle a longtemps souffert. Nous nous engageons à montrer une nouvelle image de la RDC, désireuse d’attirer des investissements et de développer des partenariats économiques. La présence de notre Président est un puissant signal d’ouverture et d’espoir ; il s’agit de dire au monde que la RDC est prête à accueillir des investisseurs. Ce n’est pas seulement un appel à la France, mais un message global que nous souhaitons diffuser largement. Nous ne fermons pas la porte, au contraire, nous invitons le monde à considérer la RDC comme une terre d’opportunités économiques.
Comment imaginez-vous le développement de la RDC à horizon 10 ans et à horizon 30 ans ?
Pour notre vision du développement de la RDC dans les prochaines décennies, nous envisageons trois phases clés. D’ici 2030, notre objectif est de positionner la RDC comme un pays à revenu intermédiaire, grâce à des transformations significatives dans le secteur agricole. Nous nous engageons pleinement dans cette démarche. Pour 2040, notre ambition est d’élever le pays à un niveau de revenu supérieur, en mettant l’accent sur l’industrialisation. Enfin, pour 2050, nous aspirons à ce que la RDC soit reconnue comme un pays émergent, fort d’une économie dynamique et d’une accumulation soutenue de connaissances. Ces objectifs ne sont pas de simples aspirations, mais des jalons d’un Plan national stratégique de développement bien structuré, avec des échéances précises.
Tout autour de ces jalons, nous définissons des politiques publiques visant à développer les infrastructures essentielles comme les routes, les barrages électriques, les ports, etc., et l’accès aux services sociaux de base tels que l’éducation et la santé. Nous cherchons également à améliorer substantiellement le pouvoir d’achat des Congolais. Ces plans ambitieux sont bien entendu flexibles et susceptibles d’être ajustés en fonction des circonstances et des évolutions. Nous sommes déterminés à mettre en marche ce processus de transformation, conscient que 2030 approche rapidement, mais optimistes quant à notre capacité à réaliser ces objectifs. Les plans sont dynamiques et peuvent s’adapter à mesure que nous progressons vers ces visions à moyen et long termes.
Avec La Tribune (France)