Après l’Union africaine (UA), dont il cède cette année la présidence tournante au Sénégalais Macky Sall, le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, vient d’hériter la présidence de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Dans son discours d’acceptation, Félix Tshisekedi a promis de mener un large plaidoyer pour faire profiter au peuple de la sous-région de ses immenses ressources naturelles. C’est son nouveau pari. Obligée d’évoluer dans l’ombre de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale), la CEEAC passe pour une organisation politiquement inactive. A Félix Tshisekedi d’apporter sa touche pour inverser la tendance.
Le président de la RDC, Félix-Antoine Tshisekedi, arrivé fin mandat à la tête de l’Union Africaine (UA), a pris part mercredi au vingtième sommet de la CEEAC qui s’est tenu à Brazzaville (République du Congo). A cette occasion, le Président Tshisekedi a pris la présidence tournante de cette organisation créée depuis octobre 1983 et regroupant 11 pays de l’Afrique Centrale. Cinq des onze chefs d’État des pays membres étaient présents au rendez-vous de Brazzaville. Il s’agit de Denis Sassou Nguesso de la République du Congo et président en exercice sortant de la CEEAC, Félix-Antoine Tshi-sekedi de la République Démocratique du Congo, João Lourenço de l’Angola, Obiang Nguema de la Guinée équatoriale et Archange Touadera de la République Centrafricaine. Les six autres pays membres ont envoyé des hauts représentants au Centre International de conférence de Kintele dans la périphérie de Brazzaville.
C’était aussi l’occasion de la transmission de flambeau de la CEEAC d’une rive à une autre du majestueux fleuve Congo, entre Denis Sassou Nguesso et Félix Tshisekedi. D’ores et déjà, Félix Tshisekedi peut compter sur le «total soutien» de Denis Sassou Nguesso, lui a-t-il promis.
Dans son discours d’acceptation, le Président Tshisekedi a étalé les objectifs à poursuivre et/ou à atteindre, notamment : « réaliser l’autonomie collective, la stabilité économique, contribuer au progrès du continent africain, faire de l’Afrique centrale une région réellement autonome, la transformation positive de notre société».
Sa mandature est placée sous le thème : «L’éducation, la santé et la culture», avec comme sous thème «Former pour rendre autonome», en s’appuyant sur l’agenda 2063 de l’Union Africaine.
Le tout nouveau président en exercice de la CEEAC a rappelé la quête du progrès et du développement en Afrique Centrale, avant de clore son propos sur la reconnaissance par l’Unesco de la Rumba congolaise, qui lie les deux Congo (RDC et Congo/Brazzaville), dans le patrimoine immatériel de l’Unesco. «C’est une fierté de l’Afrique centrale et de l’Afrique, en général », a indiqué Félix Tshisekedi.
Quel bilan à l’UA ?
Avec cette nouvelle responsabilité régionale, c’est aussi le moment de scruter le bilan du Chef de l’Etat de la RDC à la tête de l’UA.
Lors de sa prise de fonction à l’UA en février 2021, le Président Felix Tshisekedi s’était fixé des objectifs ambitieux en matière d’environnement, de sécurité et de gestion des crises politiques. A cet effet, il avait promis de faire taire les armes en Afrique, de mettre en œuvre de la ZLECAf (Zone de libre-échange continental africaine) et de la stratégie africaine des produits de base, de construction du projet hydroélectrique du Grand Inga, de lutter contre la Covid-19, de développer le capital humain de l’Afrique, de promouvoir le patrimoine culturel de l’Afrique, de promouvoir la tolérance zéro pour la violence sexiste, de la parité des sexes au sein de l’UA et dans les États membres, de jeter les bases de l’Agence humanitaire africaine, défendre les intérêts des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées, de lutter contre le changement climatique. Qu’en a-t-il été en fin de compte ?
A voir de plus près, le bilan du Président Félix Tshisekedi à la tête de l’UA donne l’impression d’un programme inachevé. Placé sous les auspices du patrimoine, de l’art et de la culture africaine, ce mandat de l’UA, que les équipes de Tshisekedi présentaient comme le « symbole du retour de la RDC sur la scène diplomatique», s’est ouvert en grande pompe pour se terminer de manière terne.
Si le Chef de l’Etat a porté la voix de l’Afrique dans plusieurs réunions internationales (G20, COP26, etc.), il lègue à son successeur, le Sénégalais Macky Sall, des dossiers non bouclés.
Sur le plan sanitaire, où l’Afrique ploie, comme bien d’autres continents sous le poids de Covid-19, Félix Tshisekedi peut néanmoins se féliciter d’avoir réussi son plaidoyer de la fabrication sur le sol africain du vaccin contre le Covid-19. La construction en Afrique du Sud d’une usine spécialisée en la matière, peut être mis à son actif. Mais, son impact a été limité sur l’adhésion des Africains à la vaccination de masse contre cette pandémie.
Sur le plan sécuritaire, Tshisekedi va laisser une situation toujours délicate. Outre l’instabilité chronique dans l’Est de la RDC, l’UA – dont Félix Tshisekedi est encore le président en exercice jusqu’au 8 février 2022, – était appelée, sans convaincre, à intervenir dans de nombreux dossiers épineux. Les tensions récurrentes en Ethiopie, au Mali, en Guinée et au Tchad n’ont pas reçu une réponse appropriée de l’UA. Là où on l’attendait, l’UA a brillé, comme c’est généralement le cas, par sa passivité et son inaction.
Félix Tshisekedi, qui a promis d’user de son mandat à la tête de l’UA pour «faire taire les armes» et «protéger les Africains contre les maladies épidémiques, et les éradiquer », n’a pas réussi son pari.
Le Président Félix Tshisekedi s’apprête à quitter la présidence de l’UA en laissant les grands dossiers du continent sur la ligne de départ.
Qu’en sera-t-il de la CEEAC ?
Après l’UA, revoici Félix Tshisekedi aux commandes de la CEEAC, une organisation dont l’influence se limite à la seule sous-région de l’Afrique. Quel contenu donné à son mandat ?
En tout cas, sur ce point précis, Félix Tshisekedi a promis d’imposer sa marque. Ce qui ne sera pas facile, pour autant qu’il devra composer, durant son mandat avec une organisation concurrente, en l’occurrence la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale) qui paraît plus active que la CEEAC. Si bien qu’à la lecture de ce qu’a été sa mandature à l’UA, l’on se demande ce que sera réellement l’apport de la RDC dans l’avancement des objectifs d’intégration contenus dans le traité de création de la CEEAC.
Tighana Masiala