La Chine a rejeté jeudi les critiques des Etats-Unis sur le mépris supposé de Pékin pour les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et a dénoncé des reproches «sans fondement ».
Dans leur rapport annuel au Congrès américain publié mercredi, les services de Katherine Tai, la représentante américaine au Commerce (USTR), ont particulièrement ciblé le pays asiatique.
Après 20 ans d’adhésion à l’OMC, la Chine n’aurait pas, selon eux, adopté les règles de l’institution et aurait même « amplifié » son approche étatique, causant du tort aux entreprises et aux travailleurs du monde entier.
«La Chine a également un long passé de violation, de mépris et de contournement des règles de l’OMC pour atteindre ses objectifs de politique industrielle », dénonce le rapport américain.
«Ces propos sont sans fondement au regard des règles économiques et commerciales internationales, et sont totalement contraires à la réalité », a réagi jeudi Gao Feng, le porte-parole du ministère chinois du Commerce.
Il a également exhorté les États-Unis à veiller à ce que leurs propres pratiques commerciales « soient conformes aux règles de l’OMC au lieu de faire preuve d’unilatéralisme, de protectionnisme et d’intimidation».
«Nous espérons que les États-Unis adoptent une politique économique et commerciale rationnelle et pragmatique à l’égard de la Chine», a déclaré M. Gao.
L’OMC, basée à Genève (Suisse), s’efforce de faire appliquer des règles régissant le commerce entre les pays, promouvant notamment une concurrence loyale et l’ouverture du commerce.
Les Etats-Unis dénoncent depuis longtemps les pratiques jugées «déloyales » de la Chine, qui subventionne massivement ses entreprises publiques pour en faire des champions.
Pékin est aussi accusé par Washington de vol de propriété intellectuelle ainsi que de transfert forcé de savoir-faire et de technologies d’entreprises étrangères en échange d’un accès au marché chinois.
C’est pour dénoncer ces pratiques que l’ex-président américain Donald Trump avait lancé les Etats-Unis dans une guerre commerciale contre le géant asiatique en 2018, lui imposant des droits de douane punitifs.
Le lieu d’affrontement
En adhérant à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, la Chine s’est transformée pour devenir aujourd’hui une puissance qui dispute son leadership aux Etats-Unis, ce qui n’est pas allé sans frictions. Dans le même temps, la mondialisation a évolué, notamment avec les perturbations entraînées par la crise sanitaire du Covid-19, ce qui nécessite de réformer l’OMC pour adapter ses règles à la nouvelle configuration de l’économie mondiale.
En rapport avec la Chine, la méfiance américaine à l’égard de l’OMC s’est notamment manifestée depuis 2019 par le blocage de la candidature de bon nombre de juges à la commission d’appel de l’institution. Les Etats-Unis ont également opposé un veto durant plusieurs mois à la candidature de Ngozi Okonjo-Iweala à la tête de l’institution qui bénéficiait pourtant d’un large soutien des 164 membres. A l’OMC, où toutes les décisions sont prises par consensus, la posture américaine a durablement fragilisé l’institution, notamment en divisant ses membres.
D’autant qu’en 20 ans, la configuration de l’économie mondiale a évolué spectaculairement. Considérée comme «l’atelier du monde» au début du siècle, la Chine dispute désormais le leadership mondial aux Etats-Unis.
Depuis lors, l’OMC est devenue le théâtre d’un affrontement entre les deux superpuissances, ce qui pèse sur son fonctionnement. Ainsi, les Etats-Unis considèrent que la République populaire ne se soumet que partiellement aux décisions de l’OMC qui la pénalisent. Mais, la Chine s’est également plaint de l’inertie des Etats-Unis à mettre fin aux droits antidumping sur les produits chinois, comme le lui demandait l’OMC.
Outre cette «guerre froide » commerciale, la dynamique de la mondialisation a marqué le pas sous l’effet des confinements entraînés par la crise sanitaire du Covid-19. La perturbation des chaînes d’approvisionnement a remis en cause en partie l’organisation mondiale du commerce, remettant sur le devant de la scène l’importance d’une souveraineté qui fasse des choix stratégiques et ne s’en remet pas uniquement au fonctionnement des marchés. L’OMC devrait donc aussi faire évoluer ses pratiques pour intégrer cette nouvelle donne. A cela, il faut également ajouter les sanctions économiques qui sont imposées par certains pays à d’autres, comme le font par exemple les Etats-Unis et l’Union européenne contre la Russie.
Au-delà des différends, il reste un problème de fond. Une économie comme celle de la Chine, administrée par un Etat, peut-elle être compatible avec les règles de l’OMC qui visent à une libéralisation des échanges commerciaux, qui nécessitent transparence, respect du droit et des règles ?
La Chine proteste, faisant valoir qu’elle a fait preuve de responsabilité, notamment en ouvrant son économie, durant ces 20 années. Elle affirmait récemment par la voix de son porte-parole de l’ambassade de Chine à Washington, Liu Pengyu, sa volonté de soutenir le système commercial multilatéral même si elle souligne la nécessité d’une réforme de l’OMC qui œuvre dans ce sens.
Katherine Tai, la représentante américaine du Commerce, a exprimé ces dernières semaines la volonté de l’administration Biden de s’engager dans des conversations pour la refonte du système. Elle a déclaré que la Chine partageait la position des États-Unis selon laquelle l’OMC a besoin d’être réformée en prenant des mesures telles que l’augmentation du nombre de juges et la prolongation de leur mandat à partir des quatre années actuelles, ce qui améliorerait l’efficacité de la Cour, au profit de tous les membres, y compris les États-Unis et la Chine.
Econews avec AFP