Les travaux des 58èmes assemblées annuelles du groupe de la Banque africaine de développement (BAD) se sont ouverts, mardi à Charm el-Cheikh (Egypte), sous le thème « Mobiliser les financements du secteur privé en faveur du climat et de la croissance verte en Afrique ». C’était en présence des présidents de l’Egypte, Abdel Fattah al-Sissi, des Comores et de l’Union africaine, Azali Assoumani, du Zimbabwe, Emmerson Mnangagwa, et du vice-président de la Tanzanie, Philip Isdor Mpango. Toutes les réflexions tournent sur l’apport du secteur privé dans la transition écologique. Interpellateur dans son discours, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a dit que « le temps de belles promesses est révolu, on attend des actes ». Le président de la BAD, Akinwumi Adesina, en est bien conscient. Aussi, a-t-il appelé tous les Etats membres à se mobiliser pour proposer des moyens de financement innovants en faveur du secteur privé dans la lutte contre le changement climatique. Les discussions de ces assemblées annuelles vont s’étendre jusqu’au 26 mai 2023.
C’est parti avec l’ouverture mardi à Sharm el Sheikh de la réunion des assemblées annuelles du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD). Lors de ces 58èmes assemblées, les gouverneurs du Groupe de la BAD se réuniront pour réfléchir sur les moyens de mobiliser plus solidement l’investissement privé dont l’Afrique a besoin pour atteindre ses objectifs urgents en matière d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets.
Le thème général de cette édition reflète l’urgence croissante exprimée par les dirigeants africains pour une accélération marquée des efforts visant à limiter, d’ici 2100, l’augmentation de la température à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindus-triels. Il s’agit là d’un impératif pour protéger les pays les plus vulnérables, en particulier ceux du continent africain.
Les gouverneurs, représentant les 54 pays africains et les 27 pays membres non régionaux de l’institution, auront un dialogue de haut niveau avec M. Adesina et son équipe.
La promesse d’Adesina
Pour son dernier mandat aux commandes de la BAD, Akinwumi Adesina veut laisser des traces. Et lorsque la BAD se décide de faire participer le secteur privé dans la lutte contre le changement climatique, M. Adesina a trouvé des mots justes, à la conférence de presse qu’il a animée lundi, pour rassurer les PME africaines.
«Nous vous promettons que la Banque sera toujours derrière vous pour limiter les risques », a-t-il dit, rappelant «Africa investissement forum», une plateforme créée par la BAD pour appuyer et accompagner le secteur privé. Il insiste cependant sur les préalables que les Etats membres doivent garantir pour attirer les capitaux étrangers, tels que la stabilité, la transparence, etc.
Puis est venu mardi le jour de la cérémonie officielle des assemblées annuelles de la BAD.
D’entrée de jeu, le secrétaire de la BAD a planté le décor, rappelant que ces assises arrivent au moment où la banque cherche à doter le secteur privé d’outils nécessaires pour participer aux défis de changement climatique. «On ne peut arrêter le temps, mais ns pouvons en changer le rythme », a-t-il rappelé, comme pour interpeller tous les décideurs et experts conviés aux travaux de Sharm el Sheikh.
Le Président du Conseil des gouverneurs de la BAD, également gouverneur de la Banque nationale d’Egypte, lui a emboîté le pas, faisant part aussi de son vœu de voir ces assemblées aboutir à des recommandations «courageuses» pour développer des instruments innovants dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. «Il y a de grandes attentes à ces assemblées annuelles pour que le secteur privé trouve sa place dans la transition écologique », a-t-il déclaré.
Dans son allocution, le président de la BAD est revenu sur la symbolique de Sharm el Sheikh, cette cité de la paix qui a accueilli en 2022 le COP27, marquant un tournant décisif avec de nouveaux engagements financiers dans la lutte contre le changement climatique.
Pour Akinwimu Adesina, la BAD est désormais inscrite dans la croissance verte en se mettant à la disposition du secteur privé. «L’Afrique ne doit plus répéter ses erreurs. Avec ses immenses ressources naturelles, elle doit se préparer pour jouer son rôle dans la transition écologique. L’avenir nous présente des défis en termes de changement climatique, mais aussi des opportunités à saisir », note-t-il.
Quoi que le chemin à parcourir reste encore long, il reste convaincu que l’’avenir de l’Afrique est verte. «Laissons libre au secteur privé pour une Afrique plus verte », a-t-il lancé.
L’interpellation de Moussa Faki
Président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat veut plutôt voir les choses bouger dans le bon sens, au bénéfice de l’Afrique et de son peuple.
Son discours a plutôt été interpellateur : «Qu’a-vons-nous fait de tous ces forums sur le changement climatique? Qu’est-ce que l’Afrique a déjà tiré comme dividendes de toutes les décisions mondiales en termes de lutte contre le changement climatique ? » Avant de formuler son vœu : «Mon souhait est que cette conférence ne soit une de plus, mais de permettre de devenir à l’Afrique de devenir relativement autonome pour être actrice de son développement ». Et de renchérir : «Mon souhait est que ces assises lèvent tous les verrous qui entravent l’accès de financement aux pays africains. Servez-nous des actes et économisez vos promesses ! ».
Pour sa part, le président des Comores et président en exercice de l’Union africaine est d’avis que «promouvoir le secteur privé passe par la mise en œuvre des réformes courageuses pour assainir le cadre de l’exercice des affaires ».
De son côté, le président Al Sissi d’Egypte, hôte de ces assemblées, a rappelé que l’Afrique a des besoins financiers immenses, soit 200 milliards USD dans la lutte contre le changement climatique, plus de 50 milliards USD par an pour se relever de Covid-19 et plus de 150 milliards USD par an pour les infrastructures. Aussi, a-t-il saisi l’opportunité de ces assises pour inviter l’ensemble des agences multilatérales à être «souples» dans leur traitement des dossiers africains pour avoir accès à la dette.
Dans tous les cas, il note que «la situation actuelle de nos économies exigent la mobilisation du secteur privé pour une croissance verte », tout en rappelant que «ces assemblées sont l’occasion d’explorer de nouvelles pistes et de définir un calendrier clair dans la réalisation des ODD (Objectifs de développement durable ».
Pour rappel, les assemblées annuelles sont l’événement le plus important de la BAD. Elles réunissent environ 3.000 délégués et participants chaque année. Elles permettent à l’institution de faire le point, avec ses actionnaires, sur les progrès réalisés et constituent un forum unique d’échange sur des questions clés concernant le développement de l’Afrique pour les représentants des gouvernements, des entreprises, de la société civile, des groupes de réflexion, des universités et des médias.
Faustin K.
(Depuis Sharm el Sheikh)