Conflit Teke – Yaka : des évêques catholiques soupçonnent la « main noire » des politiques congolais

Depuis presque une année durant, juin 2022 – mai 2023, un conflit communautaire oppose les Teke et les Yaka dans la partie Sud-ouest de la République Démocratique du Congo. Après toutes les tentatives de rapprochement menées par les évêques catholiques et certains notables du pays, les vraies raisons de ce conflit restent encore obscures jusqu’à ce jour. Le dimanche dernier, les évêques catholiques ont, sans les nommer, accusé des responsables politiques congolais d’instrumentaliser ce conflit qui continu de causer des centaines de morts. Les évêques de neuf diocèses catholiques soupçonnent la « main noire » des politiques pour des intérêts inavoués.
Le territoire de Kwamouth (province de Maï-Ndombe), dans le Sud-ouest de la République Démocratique du Congo, est le théâtre de violents affrontements entre les communautés Téké et Yaka depuis plusieurs mois. Plusieurs tentatives de rapprochement organisées afin de trouver des voies de paix n’ont pas abouti.
Le dimanche dernier, les évêques de l’Eglise catholique ont, sans les nommer, accusé des responsables politiques congolais d’instrumen-taliser ce conflit qui a fait, jusqu’à jour, des centaines de morts.
Il faut rappeler que ces violences communautaires ont débuté en juin 2022 dans le territoire de Kwamouth (province de Maï-Ndombe), autour d’un conflit foncier entre les Teke, qui se considèrent comme originaires et propriétaires des villages situés le long du fleuve Congo sur environ 200 km, et les Yaka, venus s’installer après eux.
Depuis, les violences se sont répandues dans les provinces voisines de Kwilu et de Kwango jusqu’à atteindre la commune de Maluku, à l’entrée de la capitale congolaise, Kinshasa. A ce jour, on compte plusieurs centaines de morts, selon des rapports de certaines ONG, dont Human Rights Watch.
«A l’issue des visites pastorales, des entretiens, des contacts et des témoignages recueillis auprès de différentes couches de la population, nous en sommes venus à l’intime conviction que des mains invisibles sanguinaires, à partir de Kinshasa, se cachent derrière ce conflit », ont affirmé, dans une déclaration, les évêques de neuf diocèses de l’Eglise catholique au Congo.
Ils l’ont dit à Kenge, au terme d’une assemblée épiscopale de la région ouest, comprenant les diocèses situés dans les provinces de Kinshasa, Kongo Central, Kwango, Kwilu et Mai-Ndombe.
«Parti d’un litige foncier, ce conflit est récupéré par des personnes qui défendent des intérêts occultes à caractère politique et économique». Il s’agit d’une «instrumentalisation du conflit par certains hommes politiques en quête de légitimité locale », ont estimé les prélats.
«Retirez vos mains sanguinaires de nos provinces, agissez en responsables pour protéger notre peuple, cessez de manipuler et d’instrumentaliser un peuple déjà meurtri par la souffrance, la misère et les deuils récurrents », ont-ils dit, en paraphrasant le pape François.
Lors de sa visite fin janvier à Kinshasa, où il avait dénoncé le «colonialisme économique », le souverain pontife avait notamment déclaré : «Ôtez vos mains de l’Afrique ! », «Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser ».

Anguille sous roche
Si les non avertit continuent de croire à un conflit de terre, plusieurs questions peuvent être posées pour essayer de comprendre les vraies raisons de cette crise. Pourquoi n’y a-t-il pas de revendication claire de part et d’autre ? A qui profite ce conflit ? Etc.
Toutes ces questions valent leur pesant d’or dans la mesure où d’aucuns ne peut expliquer pourquoi deux peuples, demeurés longtemps frères et sans conflit majeur, se déchirent aujourd’hui au point de faire des centaines de morts entre eux.
Il faut noter qu’à Kisangani (Centre-est de la RDC), un conflit similaire couve depuis avril entre des membres des tribus Lengola et Mbole, pendant que les provinces de l’Est de la RDCongo sont en proie, depuis près de 30 ans, aux violences meurtrières des groupes armés locaux et étrangers.
Les évêques catholiques pensent, et avec raison, qu’une «main noire» manipule les deux tribus dans ce conflit sanglant. Certainement des politiques. Nationaux ou étrangers, personne ne peut donner cette précision.
Un déplacé rencontré à Kinshasa pense qu’«à ce jour personne ne peut donner avec précision les vraies raisons de ce conflit ». «Peut-être qu’après que les Teke et les Yaka se sont entretué et que les villages se vident, ce sont de nouveaux acquéreurs des terres qui en tirent sans doute profit », s’est indigné ce déplacé.

Mode opératoire 
Un autre élément qui pousse à croire à une «main noire» politicienne, c’est le mode opératoire. Les atrocités, la cruauté avec laquelle opèrent les assaillants, les scènes de décapitation commis sur le terrain,… tout ressemblent à ceux vécus dans l’Est de la RDC.
Ce qui fait dire à certaines langues qu’il existe réellement une «main noire» qui manipule les Mobondo pour créer les conditions d’accomplir un agenda qui n’est connu que de ses initiateurs.
Dans leur déclaration, les évêques catholiques ont par ailleurs exhorté à un «vivre ensemble harmonieux entre différents peuples » du pays.

Tighana MASIALA