Le protocole d’accord signé, le 24 avril 2024, entre l’établissement public FONER (Fonds d’entretien routier) et la firme espagnole BFI Bank – à ne pas confondre avec la banque franco-gabonaise BGFI Bank – a été commenté de diverses manières sur la toile, après la volonté de l’IGF (Inspection générale des finances) d’en connaître les vrais contours. Y a-t-il eu scandale, comme certains l’ont insinué ? La Direction générale du FONER a-t-il entamé ce rapprochement avec la firme espagnole, présentée dans le protocole comme «conseiller financier», sans l’avis préalable de sa double tutelle, à savoir le ministère des Finances et celui des ITPR (Infrastructures, Travaux publics et Reconstruction) ? Autant de questions qui ont amené Econews à se pencher sur ce dossier ?
La décision de la Direction générale du FONER d’engager BFI Bank comme «conseiller financier» a rapidement éveillé les soupçons. En effet, l’Inspection générale des finances (IGF) a exprimé un intérêt accru pour les détails de cet accord, à en croire sa correspondance à la Direction générale du FONER.
Les opinions divergent quant à savoir si cette collaboration FONER – BFI a été mise en place sans l’aval des deux ministères tutélaires, à savoir le ministère des Finances et celui des Infrastructures, Travaux publics et Reconstruction (ITPR).
Sur la toile, de nombreux commentateurs ont vite suggèré une possible opacité dans ce processus. Certains évoquent même un «scandale» latent, insinuant que ce rapprochement pourrait masquer des arrière-pensées.
Econews a décidé de s’intéresser de près à ce dossier. Plusieurs experts en management public et en infrastructures ont été consultés afin de poser un regard critique sur cette situation, notamment le choix de BFI Bank comme «conseiller financier» pour aider le FONER à mobiliser des fonds sur les places financières internationales.
LES EVIDENCES
Au bout du compte, une évidence s’impose, le protocole d’accord, qui n’est pas encore mué à un contrat, a bel et bien reçu le blanc-seing de la double tutelle par lequel celle-ci a donné l’autorisation au FONER de mandater à BFI Bank en tant que «conseiller financier» pour «initier des discussions avec les institutions financières d’aide au développement et/ou institutions financières internationales ainsi que d’autres organismes parapublics similaires au nom (et avec le consentement) du promoteur – FONER – pour ses objectifs relatifs aux travaux routiers en République Démocratique du Congo».
Sur ce point précis, le document reprenant les «modalités et conditions à titre indicatif pour un mécanisme de prêt à moyen» qu’Econews a pu consulter, renseigne, en termes d’objet, que «les sommes empruntés, dans le cadre du présent mécanisme de prêt, seront affectés au financement de la construction de projets d’infrastructure, identifiés et approuvés par le Conseil d’administration du FONER, conformèment aux politiques et aux lignes directrices approuvées par le ministyère des Infrastructures et Travaux publics».
La ligne «Montant total du prêt» indique : «50.000.000 USD (cinq cent millions de dollars des Etats-Unis, dont nous envisagerons dans l’immédiat pour une utilisation de 200 millions de dollars. L’utilisation des 300 millions de dollars restants sera déterminée entre l’emprunteur et les prêteurs».
Quant au type de mécanisme, le même document précise : «Un prêt syndiqué à moyen terme garanti par la banque». Et pour le cas spécifique, les parties ont obtenu des garanties nécessaires de la filiale congolaise de l’UBA (Union Bank of Africa) à hauteur du prêt envisagé, soit 500 millions USD.
LEVER LES EQUIVOQUES
Tous ces éléments contenus autant dans le protocole d’accord que ses modalités prouvent que FONER a juste recouru aux services de BFI Bank non pas comme prêteur, mais plutôt comme conseiller financier pour l’aider à mobiliser des fonds nécessaires, soit 500 millions USD, pour faire face aux urgences en termes d’entretien, réhabilitation et construction. Ce qui ne s’écarte nullement de son champ d’action.
L’on se rappelle d’ailleurs qu’en marge de l’édition 2023 de l’Expo-Béton, le Directeur général du FONER, Pierre Bundoki Ndongala, a tenu à dissiper tout malentendu sur le champ d’action désormais élargi de cet établissement public.
«La création du FONER était consécutive à l’insuffisance de fonds nécessaires à l’entretien routier qui avait pour conséquence le délabrement très avancé du réseau routier national. On oublie souvent que les routes praticables aujourd’hui étaient quasiment toutes délabrées, privant ainsi les congolais du droit de jouir effectivement du patrimoine commun qu’est la route. En effet, à la création du FONER en 2008, le réseau routier national, hérité de la colonisation, de 152.400 Km, réparti en 86.871 Km des routes de desserte agricole, 58.129 des routes nationales et provinciales et 7.400 Km des voiries urbaines, était constitué d’environ 95% des routes en mauvais état de praticabilité qui nécessitaient et nécessitent encore des travaux de réhabilitation voire de construction.
C’est ainsi que, pour assurer la mobilité des personnes et des biens, le FONER s’est trouvé et se trouve encore dans l’obligation de financer des travaux de réhabilitation et de construction qui ne rentrent pas dans son champ d’action. Le financement de tels travaux a comme conséquence l’amenuisement des ressources affectées aux travaux d’entretien proprement dits », a-t-il rappelé.
Aussi, avait-il préconisé, pour garantir le financement des travaux routiers, la «transformation du FONER en fonds routier de 3ème génération lui permettant de disposer de 2 guichets distincts, l’un pour les travaux d’entretien et l’autre pour les travaux neufs ou de réhabilitation afin de lui doter des outils légaux (textes de lois) nécessaires et d’augmenter sa capacité financière pour la modernisation des infrastructures routières (Commission de réflexion en cours de travail ».
Qu’en est-il de 500 millions USD que veut mobiliser le FONER ?
Pour le moment, le FONER dispose d’une maigre capacité opérationnelle, au regard de ses faibles ressources. A défaut des allocations budgétaires, de plus en plus aléatoires, la solution est d’explorer d’autres niches financières. C’est la mission qui a été confiée à BFI Bank aux termes du protocole d’accord conclu sous l’œil vigilant de sa double tutelle.
Autant rappeler que la situation actuelle du réseau routier congolais, évaluée à 154.000 km, est en mauvais état à plus de 95% voire inexistant.
Rien que pour les routes nationales et provinciales en terre, sous gestion de l’Office des Routes (55.000 km), le coût annuel d’entretien courant et périodique représente un montant d’environ 495.000.000 USD (Entretien courant : 6.000 USD/km/an. Entretien périodique : 15.000USD/km/5 ans). Or, le budget annuel du FONER oscille entre 150 et 170 millions USD, alors que les besoins en infrastructures sont d’environ 350 millions USD. Il y a donc un gap d’environ 200 millions USD à couvrir chaque année pour répondre aux besoins réels en termes d’infrastructures (entretien, réhabilitation et construction)
Vu sous cet angle, le besoin de recherche de financement se justifie pour contribuer à l’amélioration de l’état du réseau routier congolais.
Suivant le mandat accordé à l’Espagnole BFI Bank, le montant de 500.000.000,00 USD constitue une ligne de crédit; le montant en mobilisation à ce stade étant de 200.000.000 USD.
PAS L’OMBRE D’UN SCANDALE
Contrairement aux mauvaises interprétations distillées sur la toile, le protocole d’accord porte sur un mandat donné à la BFI pour trouver les fonds sur le plan international car les banques locales ne peuvent pas réunir un tel montant, et les taux d’intérêt appliqués en RDC sont trop élevés. Il s’agit d’un processus de recherche de fonds avant d’entamer les négociations et non pas encore d’un emprunt.
A ce titre, le rôle de l’UBA ne se limite qu’à émettre une garantie pour assurer le remboursement du crédit, étant entendu que Le FONER nantira une partie de ses recettes auprès de la même banque.
C’est vrai que le patron de l’IGF a une bonne raison de chercher à comprendre les contours exacts de ce protocole d’accord, il y a cependant lieu de rappelé que ce dossier a été initié et signé par les deux ministres de tutelle du FONER (Finances et Infrastructures). Chose normale, conforme aux textes du FONER, dans la mesure où les emprunts et prêts sont des matières soumises à l’autorisation préalable de la tutelle.
Le Gouvernement a acquis par un PPP (Partenariat public-privé) des engins pour les agences routières (Office des Routes, OVD, OVDA) en accord avec le programme du Chef de l’Etat, qui met un accent particulier sur le secteur routier. La capacité de travail de ces agences va augmenter, le FONER devra donc financer plus de projets d’entretien à travers le pays. Il est nécessaire que le FONER ait plus de moyens à sa disposition.
Et l’augmentation des ressources du FONER passe par deux voies. En interne par des réformes et la lutte contre la fraude. En externe, par l’emprunt auprès d’institutions financières
C’est dire que le protocole d’accord avec BFI, dûment validé par la double tutelle, n’a rien de scandaleux. Bien au contraire ! Bien plus, les agents du FONER n’ont signé aucune note, moins encore un mémorandum remettant en cause ce protocole d’accord.
Des informations parvenues à Econews rapportent qu’ils sont plutôt satisfaits d’avoir bénéficié d’une augmentation sensible de leur salaire au mois de juin 2023, soit 8 (huit) mois après l’arrivée du DG Pierre Bundoki, et sans augmentation des frais de fonctionnement du FONER.
Les Directeurs techniques et d’Audit interne ont été recrutés sur appel public à candidatures externes et internes, après des tests et interviews. Tout ceci a été un long processus commencé depuis août 2023, de manière publique et transparente.
Que dire d’autre ? Sinon, appeler les uns et les autres au calme pour ne pas céder au chant de cygne des pécheurs en eaux troubles qui, sans connaître les vrais contours, de ce protocole d’accord, le remettent en cause, en dénaturant la lettre du patron de l’IGF qui ne bloque en aucun cas la démarche entamée par FONER avec l’assistance de la firme espagnole BFI, totalement différente de la BGFI Bank.
Econews