Le 19ème Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Paris, a été marqué par une controverse majeure suite aux propos du président français Emmanuel Macron. En omettant délibérément ou non de mentionner l’agression dont la République Démocratique du Congo (RDC) est victime de la part du Rwanda, le chef de l’État français a suscité une vive indignation à Kinshasa, qui n’a pas tardé à faire entendre sa voix. Cette omission dans le discours d’ouverture de ces assises a été perçue comme un affront par le gouvernement congolais, aggravant ainsi les tensions déjà présentes entre la France et la RDC. Patrick Muyaya Katembwe, porte-parole du Gouvernement congolais, a exprimé le mécontentement de Kinshasa lors d’une interview accordée à RFI. Il a souligné que le silence de Macron sur cette question cruciale était inacceptable et révélateur d’une attitude qui pourrait être interprétée comme un soutien tacite à l’agression rwandaise.
La RDC, qui fait face à une situation humanitaire désastreuse à cause de cette agression, attendait de la communauté internationale, et en particulier de la France, un soutien clair et une dénonciation des actes de violence perpétrés contre elle. La réaction du porte-parole du gouvernement congolais témoigne d’un climat de méfiance grandissant entre les deux nations. «Nous ne pouvons pas rester silencieux face à cette situation. La France, en tant que puissance francophone, a une responsabilité morale de défendre les valeurs de paix et de solidarité», a déclaré Muyaya.
Les relations entre Kinshasa et Paris, historiquement marquées par des liens complexes, pourraient être mises à l’épreuve par cet incident. L’absence de mention de l’agression rwandaise dans un forum aussi prestigieux que le Sommet de la Francophonie pourrait être perçue comme un désintérêt pour la souffrance du peuple congolais, exacerbant ainsi les sentiments nationalistes au sein de la RDC.
A tout prendre, le discours d’Emmanuel Macron a non seulement mis en lumière les défis auxquels la RDC est confrontée, mais a également révélé les fractures dans les relations franco-congolaises. La communauté internationale, et particulièrement les pays francophones, doit prendre conscience de la gravité de la situation en RDC et agir en conséquence pour soutenir la paix et la stabilité dans la région.
Interview.
ECONEWS
RFI : Pourquoi le président de la RDC, Félix Tshisekedi, a-t-il boycotté la fin des travaux du sommet de la Francophonie le 5 octobre dernier ?
Patrick Muyaya : Le président de la République n’a pas participé à la dernière phase des travaux de la Francophonie parce qu’il y a eu une omission coupable de son homologue français, qu’il avait pourtant rencontré vendredi matin avec des échanges qui se sont plutôt bien déroulés. La République démocratique du Congo, étant le plus grand pays francophone et qui connaît l’une des plus graves crises humanitaires, ne pouvait pas être omise dans la prise de parole du président Macron à l’ouverture du sommet de Villers-Cotterêts, même s’il s’est rattrapé plus tard. Mais le mal était fait.
Donc il y a eu pour vous, de la part du président Macron lors de son discours d’ouverture du 4 octobre, une omission ?
Oui, une omission qui, à nos yeux, était coupable parce qu’il a parlé de la crise en République démocratique du Congo dans la même matinée, longuement avec le président de la République. Et c’est une crise pour laquelle le président Macron s’est toujours montré volontariste pour contribuer à sa résolution. Et le fait que, dans son énumération des crises mondiales, il ne l’ait pas mentionnée, c’était suffisant pour nous, République démocratique du Congo, de considérer que c’était une omission coupable.
Sur le fond, sur la guerre elle-même qui sévit dans l’est de votre pays, il y a un cessez-le-feu entre belligérants depuis la fin du mois de juillet et il y a un plan harmonisé qui est en négociation, sous médiation angolaise, entre les experts du Congo et ceux du Rwanda. Où en sont ces négociations ?
Il y a une nouvelle phase des discussions qui sont prévues ce 12 octobre, après celle du 14 septembre qui, malheureusement, a fait l’objet de beaucoup de spéculations et beaucoup de distorsions de la vérité. Je dois rappeler ici que les discussions à Luanda, ce sont des discussions ministérielles qui ont été précédées par des discussions entre experts.
Les experts se sont mis d’accord, d’une part sur le plan de neutralisation des FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda, groupe rebelle hutu formé à l’origine d’anciens génocidaires rwandais, NDLR] pour ce qui concerne la République démocratique du Congo, et, d’autre part, pour le désengagement de forces rwandaises. Ce ne sont pas les experts techniques qui décident. La question a été portée au niveau politique le 14 septembre dernier à Luanda et la République démocratique du Congo a insisté pour que ces opérations se fassent de manière simultanée et concomitante.
Donc, on ne peut pas commencer d’abord la traque pour la neutralisation des FDLR et attendre quelques mois pour que le Rwanda puisse désengager ses forces. Ici, il faut rappeler que nous avons des millions de compatriotes qui dorment à la belle étoile et dans des conditions infra humaines, parce que des pans entiers du territoire sont occupés par l’armée rwandaise, 4 000 hommes d’après le dernier rapport des Nations unies.
Il est important pour nous que les opérations se fassent de manière concomitante. Cela nous permettra d’accélérer, entre autres, les retours de nos populations dans leurs régions respectives.
Que répondez-vous au ministre rwandais des Affaires étrangères qui affirmait au sommet de la Francophonie que c’était vous qui bloquiez actuellement l’avancée des négociations ?
Je pense qu’il est de bonne coutume diplomatique, lorsque nous convenons, autour notamment du médiateur, que nous allons éviter l’escalade, de ne pas, à travers les médias ou les réseaux sociaux, chercher à dévoiler ce qui relève de l’ordre discrétionnaire lié aux discussions.
Je vous ai dit tout à l’heure que les experts techniques n’ont pas la décision.
Autant nous avons salué la pertinence des travaux qui ont été faits, autant ce sont les politiques qui signent. Et lorsque le politique estime qu’il y a des choses à rajouter sur ce que les experts ont fait comme propositions, cela ne devrait nullement être perçu comme un élément de blocage.
Et ce 12 octobre, nous irons à Luanda avec la volonté de faire aboutir le processus pour le retour de la paix. Parce qu’il faut rappeler que nos compatriotes décèdent tous les jours et ceci doit s’arrêter très vite.
Il y a cinq mois, le président Tshisekedi a déclaré qu’il voulait une « Constitution digne du pays », ce qui a provoqué beaucoup de remous à Kinshasa. Et la semaine dernière, le parti au pouvoir UDPS a relancé la polémique en appelant «à corriger les lacunes de la loi fondamentale ». Est-ce qu’une réforme constitutionnelle est à l’ordre du jour ?
Non. La réforme constitutionnelle n’est pas à l’ordre du jour au niveau du gouvernement, parce que ce qui est à l’ordre du jour pour nous, prioritairement, ce sont les six engagements du président de la République. Et de ce point de vue, nous avons fait beaucoup de progrès. Notamment, vous avez suivi récemment que le prix du carburant avait sensiblement baissé, le prix des denrées de nécessité devrait baisser dans les jours qui viennent, en tout cas, dès que les principaux importateurs auront fini leurs stocks. C’est à cela que nous nous attelons.
Avec RFI