Isolé sur la scène internationale et confronté à une défiance grandissante, Paul Kagame voit son régime vaciller sous le poids de trois décennies d’un pouvoir autoritaire. La rupture des relations diplomatiques avec la Belgique, dernier symbole d’un partenariat colonial en lambeaux, marque un tournant critique pour le président rwandais, désormais accusé d’envenimer les tensions dans la région des Grands Lacs. Jadis protégé par l’Occident, l’homme fort de Kigali, rattrapé par ses alliances controversées avec des groupes armés comme le M23 en RDC, semble cristalliser toutes les critiques. Alors que ses soutiens d’hier se détournent, sa chute annoncée pourrait sonner le glas d’une ère dominée par la realpolitik régionale et ouvrir un chapitre incertain pour le Rwanda et ses voisins.
Alors que le président rwandais Paul Kagame clôture trois décennies à la tête du Rwanda, son héritage politique fait l’objet de débats enflammés. Perçu par certains comme un stabilisateur post-génocide, il est accusé par d’autres d’avoir instrumentalisé le pouvoir au service d’intérêts personnels et d’une Realpolitik régionale déstabilisatrice.
Analystes et détracteurs évoquent souvent une gouvernance inspirée de la «morale des maîtres» décrite par Friedrich Nietzsche – valorisant la force, la souveraineté et la volonté de puissance. Cette approche, selon eux, aurait guidé son interventionnisme en République Démocratique du Congo (RDC), où Kigali est régulièrement accusé de soutenir des groupes armés. Une stratégie qui se heurterait à la résilience congolaise, souvent perçue à tort comme une passivité «esclave» par ses critiques.
MACHIAVELISME OU AVEUGLEMENT STRATEGIQUE ?
Si Kagame incarne un réalisme machiavélien – privilégiant l’État sur les considérations morales –, ses détracteurs l’accusent d’avoir confondu les intérêts rwandais avec une quête de domination régionale. Sa focalisation sur le contrôle des richesses du Kivu et de l’Ituri, couplée à des alliances controversées avec des acteurs internationaux, aurait nourri un cycle de violences en RDC, sapant sa propre crédibilité.
Malgré un discours de modernité et de rigueur, des fissures apparaissent : pression internationale accrue sur les droits humains, tensions socio-économiques internes, et surtout, l’échec à pérenniser une paix durable dans l’Est congolais. La communauté internationale, jadis silencieuse, commence à questionner son rôle ambigu dans la région.
Sa chute, bien qu’improbable à court terme selon les observateurs, ouvrirait un vide géopolitique. Pour les Congolais, elle pourrait signifier l’opportunité de reprendre le contrôle total de leurs territoires miniers, longtemps convoités. Au Rwanda, la transition risquerait de raviver les fractures ethniques, dans un pays où le spectre du génocide plane encore.
Trente ans après son ascension, Kagame laisse un Rwanda économiquement transformé, mais politiquement verrouillé. Son implication en RDC, cependant, reste une épine diplomatique. Alors que Kinshasa intensifie sa coopération militaire avec d’autres partenaires, la région s’achemine peut-être vers un nouveau chapitre – moins dominé par l’ombre de Kigali.
Econews