Sur le marché des produits pétroliers, la République Démocratique du Congo est confrontée, dans sa partie Est, à une nouvelle pénurie. Dans les stations-services, le spectacle désolant de longues files. Si, au départ, la pénurie n’a frappé que le kérosène Jet A1 pour aéronef et le gasoil, depuis cette semaine, l’essence à la pompe se fait aussi rare. La panique est bien là. Dans une lettre qu’il a adressée, le 18 mai 2022, au Premier ministre, le Groupement professionnel des distributeurs de produits pétroliers (GPDPP) se sent démunie. On pouvait, bien, semble-t-il dire dans leur correspondance, éviter cette surchauffe si le Gouvernement avait répondu favorablement, notent les pétroliers, aux diverses alertes qui lui ont été lancées.
Après un temps d’accalmie, la surchauffe a gagné, une fois de plus, le marché des produits pétroliers. La panique s’installe, particulièrement dans la partie Est de la République Démocratique du Congo où de longues files ont repris dans les stations-services. Apparemment, le Gouvernement n’a pas pris la mesure de la dernière vague qui avait secoué le marché des produits pétroliers, quelques jours après le déclenchement du conflit armé en Ukraine. La détente de ces derniers jours n’aura donc été que de courte durée. Sur le marché des produits pétroliers, la rareté s’installe, alimentant la psychose.
Dans une correspondance adressée, le 18 mai 2022, au Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, le Groupement professionnel des distributeurs des produits pétroliers (GPDPP) a, une fois de plus, alerté le Gouvernement sur le grand danger qui se profilait. Tout se passe comme si le Gouvernement n’avait pas pris la mesure de l’urgence de ramener le calme sur le marché des produits pétroliers.
Cependant, dans sa correspondance consacrée aux «conséquences de la diminution drastique des stocks de carburants à l’Ouest du pays», le GPDPP portait à la connaissance du Premier ministre, sur sa dernière lettre du 9 mai 2022, concernant la transmission de l’évolution des stocks, des « difficultés qui ont finalement conduit le secteur de la distribution pétrolière au risque d’une rupture totale des stocks par suite du fait que le système d’approvisionnement du pays est complètement déstabilisé ».
A ce propos, le Groupement des pétroliers faisait mention de la « forte dégradation des trésoreries et érosion financière des sociétés commerciales qui supportent l’achat de produits pour revente à perte », indiquant que «du 1er juillet 2021 au 31 mars 2022, l’Etat doit aux trois sociétés qui supportent le marché de l’Ouest dont la ville de Kinshasa un montant de plus de 192 millions USD (Cobil : 57 M$; Engen : 84 M$; Total : 51 M$)». Sans compte, rappelait le GPDPP, «l’endettement hors norme des sociétés commerciales auprès des fournisseurs de carburants; le montant à ce jour dépasse 220 millions USD (Cobil : 60 M$; Engen : 85 M$; Total : 75 M$) ».
De l’avis du Groupement, les conséquences de cette situation désastreuse sont nombreuses et à multiples effets négatifs, notamment : « perte de crédibilité auprès des fournisseurs de produits pétroliers et remise en cause du système de mise en consignation des stocks dans le pays qui a pourtant été toujours salutaire pour l’approvisionnement de l’Ouest et donc une baisse drastique des stocks des fournisseurs; baisse des stocks des sociétés commerciales suite à l’incapacité financière de renouveler les stocks et au manque de flexibilité quant au choix de fournisseurs qui n’apportent plus de produits. Nous signalons que le secteur aviation est déjà dans un état critique de rupture de stocks suite à la combinaison des facteurs déjà expliqués ci-haut ; incapacité des trois sociétés commerciales d’honorer leurs engagements envers les Sociétés de Logistiques : la dette est de plus de 70 millions de dollars ; ce qui empêche ces sociétés non seulement de faire face aux charges habituelles mais aussi de pouvoir investir et améliorer leurs équipements au service du pays ».
Quand le Gouvernement a la tête ailleurs
Depuis leur dernière rencontre du 6 avril 2022 avec le Gouvernement, les professionnels du secteur pétrolier ont proposé, disent-ils, «les solutions idoines à ce problème», malheureusement restées lettre morte. C’est notamment «un ajustement progressif des prix, accompagné de paiements réguliers des dettes cumulées à ce jour ».
Face à la pénurie qui ressurgit dans le secteur, les professionnels du secteur rappellent qu’« il était urgent de procéder à la certification et au paiement des dettes du second semestre 2021, avant d’enchaîner avec le premier trimestre 2022». Ils déplorent «qu’à ce jour la certification n’ait pas été faite, soit un retard de 11 mois».
Aussi, tenant compte de l’état critique actuel des stocks dans la partie Ouest du pays et dans le but d’éviter au système une asphyxie totale suivie de files de véhicules dans nos stations-services, se disent-ils «contraints d’appliquer le contingentement avec la fermeture des stations-services à partir de 18h00, à compter du vendredi 21 mai 2022, et cela, pour prolonger, tant soit peu, la couverture par les faibles stocks disponibles».
Jet A1 : les pétroliers jettent l’éponge
Quant à l’approvisionnement des aéroports de la RDC en kérosène Jet A, les pétroliers ne sont pas allés par le dos de la cuillère, étalant au grand jour «leur incapacité de ravitailler les aéronefs de nos clients».
Dans leur correspondance au Premier ministre, ils disent avoir constaté, «avec regret que le changement de la structure pour ce produit n’a pas été appliqué alors que les services de l’État, dont la DGDA, considèrent que le système doit l’appliquer et sollicitons une clarification quant à ce problème ».
Disposé à un dialogue franc et sincère avec le Gouvernement, «tenant compte de l’urgence et de la persistance de nos problèmes restés longtemps sans solution », le GPDPP confirme, néanmoins, son «soutien à l’État en matière d’approvisionnement du pays ».
Econews