Jean-Pierre Bemba Gombo est sorti la semaine dernière d’une longue période de discrétion. Le leader du Mouvement de libération du Congo (MLC) vient d’effectuer une tournée dans les provinces de l’ex-province de l’Equateur démembrée. Mettant en exergue les impératifs d’unité et de cohésion des populations locales, il a de surcroît revêtu sa veste d’homme d’affaires et annoncé à l’occasion des initiatives destinées à la relance économique dans ces entités en proie à une pauvreté due en partie à leur enclavement.
Jean-Pierre Bemba Gombo est arrivé à Bumba (Mongala), le samedi 27 août 2022, dans le cadre d’une tournée qu’il effectue dans les provinces du Grand Equateur. A Bumba comme à Boende (Tshuapa) ou Basankusu et Mbandaka (Equateur), le leader du MLC a tenu le même discours, invitant ses compatriotes à l’unité et à la cohésion.
Il est revenu sur l’historique de son parti, le MLC depuis sa création, la transition «1+4 », les coups subis lors des élections de 2006 et de 2018, son adhésion à l’Union sacrée, la problématique de l’exécution, d’ici septembre prochain, du programme de développement à la base de 145 territoires… Dans la foulée, il condamné ce qu’il a qualifié d’instrumentalisation des communautés locales par certains leaders politiques à des fins de positionnement politique.
«Il ne faut pas vous entretuer entre vous. Nous sommes des frères et des sœurs ; nous devons éviter de nous faire du mal…. Personne ne viendra investir dans un milieu où la population s’entretue» a-t-il lancé d’avant des foules compactes.
Revenant sur le programme de développement de 145 territoires, Jean-Pierre Bemba a tenu à apporter un éclairage : « J’ai entendu que certains politiciens sont passés ici pour vous dire qu’ils seraient les initiateurs de ce programme. C’est faux ! Nous tous nous suivons régulièrement ce programme dans le cadre du présidium de l’Union sacrée. J’espère bien que tout sera fait dans l’intérêt général ».
Au chapitre économique, Jean-Pierre Bemba a annoncé la conclusion d’un accord entre sa société, Scibe Congo et l’ONG catholique CDI Bwamanda pour le lancement d’un projet de développement dans les provinces de la Mongala, du Nord Ubangi et du Sud Ubangi.
Soutien à Tshisekedi
Il va sans dire que le chairman du MLC était attendu sur le champ électoral. Au moment où une demi-douzaine d’acteurs politiques, le chef de l’Etat en tête, se sont d’ores et déjà déclarés candidats à la présidentielle de 2023, il est de ceux qui continuent à entretenir le mystère. Et ses interlocuteurs au cours de sa tournée sont restés sur leur soif. Il a en revanche appelé au soutien de la candidature de Félix Tshisekedi en vue d’offrir un second mandat à ce dernier lors des élections prévues en décembre 2023. «J’ai choisi la voie de la paix en choisissant de soutenir le chef de l’Etat pour faire échec à un plan diabolique qui risquait de faire reculer notre pays. La mise en place de l’Union sacrée, c’était uniquement dans l’idée de travailler pour le social de la population», a-t-il martelé.
Le déplacement de Jean-Pierre Bemba dans ces contrées du Grand Equateur apparaît comme une tentative de contrecarrer des initiatives quelque peu intempestives de certains leaders politiques de l’Equateur qui, profitant de leur présence au gouvernement et des moyens de l’Etat, sillonnent régulièrement les provinces en brandissant la candidature de Félix Tshisekedi afin de s’assurer ses bonnes grâces, au moment où la perspective d’un changement de l’équipe gouvernementale se profile à l’horizon.
Il tient ainsi à réaffirmer sa présence sur les terres de son père et surtout du maréchal Mobutu dont il reste, sans conteste, l’un des derniers héritiers politiques.
Il ne s’est donc pas encombré d’attendre le go de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Lui, c’est Jean-Pierre Bemba Gombo, ancien vice-président de la République et président du Mouvement de libération du Congo (MLC). Cet acteur politique mouille déjà la chemise pour la réélection du président sortant Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Le fils de l’homme d’affaires Jeannot Bemba s’est complètement métamorphosé.
En pré-campagne, Jean-Pierre Bemba a voulu démonter que sa popularité dans le Grand Equateur est toujours intacte. Il lui fallait donc ce tour de propriétaire pour marquer son territoire. Ce n’est pas un hasard, si Bemba s’est lancé dans cette tournée. Il y a des enjeux électoraux. Il sait qu’il n’a pas beaucoup de chance. Mais, il peut se contenter de son rôle de faiseur des rois. Et il a clairement porté son choix sur le président sortant. Membre de l’Union sacrée, Jean-Pierre Bemba s’est engagé à soutenir la candidature du président Tshisekedi. Au nom des accords qui lient les deux acteurs, le chairman du MLC n’a pas attendu que la Ceni pour se lancer dans une vaste campagne de soutien au Président de la République. Pour certains, Bemba danse déjà avant la musique.
Psychose à l’Union sacrée
A l’Union sacrée, il se constate une grande agitation parmi les grands leaders. Jean-Pierre Bemba Gombo n’est-il pas un poids lourd de la politique congolaise ? Aux prochaines élections, il vient de prouver que le Grand Equateur lui est acquis. Dans le passé, il avait aussi apporté la preuve que sa popularité à Kinshasa n’est pas entamée. Il se ralliera donc au gagnant avec des députés qu’il pourra ramener dans sa gibecière lors de la constitution des coalitions gouvernementales. Étant donné qu’il donne des signes d’un engagement poussé, le Chef de l’Etat pourrait lui confier une responsabilité gouvernementale.
Ancien vice-président de la République, accepterait-il d’être moins qu’un Premier ministre ? Accepterait-il d’être nommé vice-Premier ministre avec un département régalien? Au sein de l’Union sacrée, cette perspective plonge certains dans l’incertitude du lendemain.
Econews