Un ancien président de la CENI (Commission électorale nationale indépendante) ne devait pas dire ças. Pourtant, Corneille Nangaa, président de la CENI aux élections de décembre 2018, a franchi le Rubicon en trahissant son serment. Il a révélé lés non-dits du processus qu’il a piloté en 2018. Pour quelle motivation ? Il est le seul à le savoir. Révélation ou pas, la lettre de Corneille Nangaa du samedi 23 septembre 2023 ne dit rien. Elle ne change pas non plus le cours de la présidentielle de décembre 2018. Bien au contraire, elle dégrade son redacteur qui a tronqué, selon lui, le choix du peuple devant les urnes. Quoi qu’il en soit, Félix Tshisekedi reste Président de la République et donne rendez-vous au peuple, le 20 décembre 2023, pour un second mandat.
En séjour à New York en marge de la 7ème session ordinaire de l’assemblée générale de l’ONU, le 19 septembre, le président Félix Tshisekedi a, au cours d’une conférence de presse, affirmé : «Il n’y a jamais eu d’arrangement entre mon prédécesseur et moi ». Suggérant que malgré la rumeur persistante de l’existence d’un deal en 2019 avec le président de la République sortant Joseph Kabila, rumeur qui ne l’a pas quitté tout au long des cinq années de son mandat finissant, c’est bel et bien lui qui avait gagné la présidentielle de 2018.
Position battue en brèche par des déclarations fort peu diplomatiques de Jean-Yves Le Drian, alors ministre français des Affaires étrangères qui évoquait déjà «un compromis à l’africaine», ou plus récemment début mars 2023 Emmanuel Macron, qui ne s’embarrassait pas de lancer à Kinshasa : «Nous connaissons le contexte des élections de 2018».
Cherchant à tordre le cou une fois pour toutes aux insinuations de ses détracteurs, Félix Tshisekedi n’avait pas prévu la réplique de Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale indépendante (CENI) qui, de son exil, soutient le contraire.
S’érigeant en témoin de la négociation décriée, il en confirme l’existence et invite le président Tshisekedi à en dévoiler le contenu.
Le document publié par l’ancien président de la CENI, Corneille Nangaa, et daté du 23 septembre 2023 est intitulé : «Eclairage autour des dernières mêlées médiatiques en rapport avec l’élection présidentielle du 30 décembre 2018». Abondamment partagé sur les réseaux sociaux, on y lit notamment : «Un accord politique existe bel et bien. Il a PRÉCÉDÉ la publication des résultats définitifs (c’est nous qui soulignons). J’en suis l’un des co-rédacteurs. Cet accord inaltérable a été signé devant témoins, par le président Tshisekedi et son prédécesseur».
«Cet accord politique «ACCORD POUR LA STABILISATION DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATISQUE DU CONGO » a été certifié et validé par trois (3) chefs d’Etat africains qui l’ont facilité du fait qu’il (l’Accord) a permis la passation du pouvoir sans effusion de sang».
Il s’ensuit une série de questionnements tendant à démontrer, entre autres, que le Chef de l’Etat s’est délibérément mis en marge de la loi fondamentale. Ainsi, il demande pourquoi le chef de l’Etat, garant du fonctionnement des institutions, s’est-il obligé à violer intentionnellement la constitution.
Ensuite, s’interroge-t-il, pourquoi a-t-il fait le choix du siège de l’ONU pour briser le pacte républicain qui le lie et grâce auquel il a été investi à la fonction qu’il exerce. Enfin, pourquoi a-t-il fait l’autre choix, celui de rouvrir les placards pour exposer des secrets d’Etat à trois mois de l’élection présidentielle; ceci pour quelle urgence, quelle nécessité, quelle opportunité ?
Et il conclut : «L’accord politique existe bel et bien et il devra être rendu public ».
DES QUESTIONS SANS RÉPONSES
La lecture minutieuse du brûlot de Corneille Nangaa ne soulève pas moins quelques interrogations. D’abord, il se garde bien de révéler le lieu ni la date précise de la conclusion de l’Accord allégué. Ensuite, il ne fait pas mention des noms et nationalités des «trois chefs d’Etat africains» témoins, selon lui, de la conclusion de la négociation. Enfin, se présentant en co-rédacteur du mystérieux texte, rien ne le dispense, dans les circonstances actuelles, de le rendre public.
Par-dessus tout, et c’est plus grave, en prêtant le flanc à l’élaboration d’un Accord qui aurait abouti à la désignation de Félix Tshisekedi en lieu et place du véritable vainqueur de la présidentielle connu de lui tout seul, Corneille Nangaa s’expose au risque de poursuites judiciaires pour complicité dans la falsification des résultats électoraux, au même titre que les autres protagonistes du fameux deal dont il atteste l’existence.
Econews