Présidentielle en France : pas de candidature officiellement déclarée de Macron

A un peu plus de cent jours du premier tour de l’élection présidentielle, le président de la République française, Emmanuel Macron, s’est livré aux journalistes Audrey Crespo-Mara de TF1 et Darius Rochebin de LCI lors d’un grand entretien enregistré dimanche. Des réformes économiques au Covid-19 en passant par les gilets jaunes, Emmanuel Macron a longuement défendu mercredi soir sur TF1 et LCI le bilan de son quinquennat, en laissant transpirer son envie de rester à l’Élysée cinq ans de plus, sans toutefois officialiser sa candidature.

Le président de la République, qui n’est pas encore officiellement candidat à sa propre succession, s’est exprimé mercredi 15 décembre dans une interview enregistrée dimanche et diffusée sur TF1. Crise des « gilets jaunes », réforme des retraites… Emmanuel Macron est revenu sur les temps forts et autres regrets de son quinquennat, tout en se projetant dans l’avenir.

Un avenir pas tout à fait immédiat, puisque le chef de l’Etat n’a pas souhaité mettre fin au suspense autour d’une possible candidature à sa propre succession. « Je dois encore assumer la fonction qui est la mienne », a-t-il balayé, interrogé sur sa possible présence sur la ligne de départ.

Aller « vers une sortie des régimes spéciaux » de retraites. Emmanuel Macron a détaillé son ambition pour une réforme des retraites, dont une première mouture a été mise en pause par la pandémie. « Cette réforme [des retraites] est indispensable (…) Mais je ne pense pas qu’il faille faire la même réforme qu’envisagée », a-t-il lancé. « Il est clair qu’il faudra travailler plus longtemps », a relevé le président, proposant d’«adapter ce temps de vie au travail aux difficultés de certaines tâches » et de « repenser ce qu’est le travail des seniors ».  «Il faut simplifier nos règles, aller vers une sortie des régimes spéciaux, (…) avec grosso modo trois grands régimes », a-t-il poursuivi, enterrant son idée initiale d’un régime universel, «trop anxiogène».

«Dans certains de mes propos, j’ai blessé des gens ». Après la diffusion de certains de ses propos, Emmanuel Macron a admis qu’il en « regrette » certains mais se justifie en évoquant notamment des phrases sorties de leur contexte. «La phrase qui est inacceptable, c’est celle où je parle des gens qui ont réussi et de ceux qui ne sont rien», reconnaît-il toutefois.

«Dans certains de mes propos, j’ai blessé des gens. Je pense qu’on peut bouger les choses sans blesser les gens, et c’est ça que je ne referais plus. Au moment où je l’ai fait, je n’ai pas mesuré que je blessais », a-t-il poursuivi.

L’hypothèse d’une obligation vaccinale « existe ». En début d’entretien, Emmanuel Macron a martelé les mots d’ordre de la politique sanitaire du gouvernement : prudence face à la cinquième vague épidémique, nécessité de continuer la campagne vaccinale, gestes barrières… « Il est très probable que l’on [doive] aller vers des rappels réguliers », a-t-il annoncé.

Interrogé sur l’hypothèse de faire rendre la vaccination obligatoire, il a reconnu que «cette hypothèse existe, bien sûr. On en est quasiment là ! » «Quand on a vacciné 90% des personnes éligibles on est quasiment à ce moment-là, mais je pense qu’il faut continuer à avancer avec la conviction », a-t-il ajouté.

Un temps de parole qui questionne

Dès l’annonce de l’interview du président de la République, la polémique sur le temps de parole des candidats à l’élection présidentielle a enflammé les oppositions de droite comme de gauche. Une polémique qu’a tenté d’éteindre TF1 en confirmant que ce temps de parole du chef de l’Etat serait bien décompté auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

Les réactions politiques à l’interview de Macron

Rapidement, l’opposition a pris la parole sur les plateaux télé ou via les réseaux sociaux.

Jean-Luc Mélenchon, candidat La France Insoumise : «Un moulin à paroles égocentré, tiède et sans souffle. Sans un mot sur la catastrophe en cours en Outre-mer. Sans un mot sérieux sur les crises écologiques et sociales. Ni la paix dans le monde, ni la guerre du Mali. Bavardage hors-sol », a tweeté le député LFI depuis la Guadeloupe.

Marine Le Pen, candidate Rassemblement national : « Les mesures annoncées par Macron résultent notamment d’un Waterloo vaccinal dont il n’assume pas la responsabilité. Ce sont hélas les Français qui paient les conséquences de ces retards, de cet orgueil, de ces incohérences, avec un impact lourd sur leur vie quotidienne».

Eric Zemmour, candidat Reconquête !: «J’ai compris deux choses ce soir, Emmanuel Macron est vraiment l’homme du grand remplacement et l’homme du grand déclassement. L’homme du grand remplacement car à la fin de son mandat, il y aura 2 millions d’étrangers en France. L’homme du grand déclassement parce que les Français sortent appauvris, les entreprises françaises sont moins compétitives […]. C’est un bilan catastrophique ».

Philippe Poutou, candidat NPA : « Il n’y a rien de neuf. On s’aperçoit qu’on sature un peu avec les discours de Macron. Ce qu’on a bien intégré, c’est ce qu’il nous a fait pendant quatre ans, ce qu’on a subi, c’est bien dans la tête. […] Il a fait une belle démonstration de ce que ça voulait dire être président des riches et même des ultra-riches».

Olivier Faure, le premier secrétaire du PS (Parti socialiste) a accusé le chef de l’Etat de «réinvente (r) l’interview Potemkine », avec un discours : « J’ai appris, j’ai changé et c’est pour ça que je vais continuer comme avant », a-t-il raillé dans un tweet.

Delphine Batho, porte-parole de Yannick Jadot (EELV) : «Je, je, je : la thérapie du président de la République en prime time sur TF1 était, comme on pouvait s’en douter, une opération de communication complaisante, destinée à lui permettre de purger les boulets de son bilan, pour ouvrir la voie à l’annonce future de sa candidature. Pas un mot pour le climat, pour le vivant, pour le pouvoir de vivre de nos concitoyens qui subissant l’explosion des prix de l’énergie».

Christian Estrosi, maire de Nice (La France audacieuse) : «Une vision pragmatique pour la France et une hauteur de vue et une empathie convaincante. Emmanuel Macron est le président dont la France a besoin. Aujourd’hui et face aux défis de demain ».

Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France : « Interview complaisante d’un Macron plus que jamais narcissique et menteur ! Oubliés les 17.000 lits supprimés à l’hôpital depuis 2017 ! (…) Séance de communication promotionnelle de l’Élysée sur TF1 ! Cette interview sonne faux et va lasser les Français. Vivement 2022 !»

Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement (LREM), a défendu la prise de parole présidentielle. «C’était un exercice important», a-t-il affirmé sur BFMTV. Il a balayé les critiques de l’opposition qui accusent le président de faire campagne sans être officiellement candidat. «Le fait de ne pas être en campagne n’est pas un avantage mais un inconvénient», estime-t-il.

Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR, a critiqué «Jupiter convoquant les Français à venir le voir se contempler dans le miroir des caméras », ou « l’évidence d’une candidature».

Econews