Privé injustement de ses immunités parlementaires, Matata porte l’affaire devant la Commission africaine des droits de l’Homme

Dans l’histoire de la République Démocratique du Congo, jamais un parlementaire, couvert de toutes les immunités que lui confèrent les lois de la République, n’a vécu le martyr tel qu’on le fait subir à Matata Ponyo Mapon, ancien ministre des Finances et Premier ministre sous le régime de Joseph Kabila, aujourd’hui, sénateur, élu de la province de Maniema.

Blanchi dans le dossier lié au Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, devant la Cour constitutionnelle, Matata peine – on ne sait pour quel mobile – à recouvrer pleinement ses immunités. Au Sénat, l’arrêt rendu en sa faveur par la Cour constitutionnelle est superbement ignoré pour des raisons connues du seul président de la chambre haute du Parlement.

Son dossier étant plus politique que judiciaire, le sénateur Matata a décidé de le porter devant les instances africaines de droits de l’Homme

Déterminé à recouvrer ses immunités parlementaires, bloquées injustement par la main politique qui a décidé de lui faire vivre le martyr dans son propre pays, on apprend que Matata Ponyo a dépêché à Arusha, en Tanzanie, son avocat-conseil, Me Laurent Onyemba, pour recouvrer les droits lui reconnus comme sénateurs, en l’occurrence ses immunités parlementaires.

«Nous allons user de toutes les voies de droit pour que le sénateur Matata recouvre ses droits qui sont fondamentalement violés par la décision du Sénat qui a levé ses immunités en violation flagrante de la procédure. Cela énerve les dispositions pertinentes de la Charte et de la Commission africaine des droits de l’homme», a déclaré, depuis la Tanzanie, sur les ondes de la radio Top Congo Fm, Laurent Onyemba. «Nous sommes venus à Arusha pour des formalités administratives en vue de saisir la Commission africaine des droits de l’Homme dont le siège est à Banjul (Gambie)», explique-t-il.

Me Onyemba croit en l’aboutissement de cette procédure. Bien que «la RDC n’a pas ratifié les instruments de la justiciabilité de ses ressortissants devant la Cour africaine des droits de l’homme », estime Me Laurent Onyemba, qui reconnaît néanmoins qu’« il existe une parade en droit, selon que vous saisissez la commission et (celle-ci à son tour) saisit la Cour », fait-il savoir.

Quelles sont les chances de Matata d’obtenir gain de cause. Me Laurent Onyemba reste optimiste. Il précise qu’il existe une réelle chance de rempoter cette bataille portée au niveau continental, pour autant, croit-il, que toute la procédure a été bel et bien respectée pour saisir cette instance internationale.

«À partir du moment où Matata ne s’est jamais défendu au niveau du Sénat, qu’il a saisi le Conseil d’Etat, la Cour constitutionnelle et vous connaissez la suite, nous avons estimé avoir épuisé l’ordre judiciaire interne. Et c’est l’une des conditions fondamentales justement qu’érige la Cour africaine des droits de l’homme pour qu’elle se saisisse de la question», a précisé Me Laurent Onyemba.

Pour rappel, Matata Ponyo a vu ses immunités parlementaires de sénateur être levées à la suite de requête du Procureur général près la Cour constitutionnelle dans le cadre du dossier «indemnisation des anciens propriétaires des biens zaïrianisés ». Convoqué devant le Parquet général près la Cour constitutionnelle, le dossier s’est clôturé par un non-lieu; le Parquet s’étant dans l’incapacité de prouver sa culpabilité.

Quant au dossier Bukanga-Lonzo, la Cour constitutionnelle, saisie par son procureur général, s’est déclaré incompétente d’entendre cette affaire, au regard de la loi. Dans ces conditions, rien n’empêche à Matata de recouvrer ses immunités. Mais, les motivations politiques qui guident ses démêlés devant la Justice en ont décidé autrement.

La Justice ayant montré ses limites, c’est à l’échelle continentale que Matata a décidé de porter son problème.

La Commission et la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples sont chargées de promouvoir et surveiller l’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée le 26 juin 1981 par l’Organisation de l’Unité africaine (aujourd’hui l’Union africaine). Le siège de la Commission est situé à Banjul (Gambie), celui de la Cour à Arusha (Tanzanie). La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a fusionné en 2008 avec la Cour de justice de l’Union africaine pour former la Cour africaine de justice et des droits de l’homme. Les deux Cours continuent à fonctionner pendant la période transitoire nécessaire à l’entrée en vigueur du traité de 2008. La Commission et la Cour sont compétentes selon des procédures différentes pour examiner les situations de violations des droits de l’homme et les plaintes ou communications émanant des États ou des particuliers.

Hugo T.