Projet de loi de finance 2024 : Perenco reste le premier contributeur de toutes les entreprises congolaises

Comme annoncé dans notre édition numéro 783, le Premier ministre Jean Michel Sama Lukonde a déposé le projet de loi de finance pour l’exercice 2024 au bureau de l’Assemblée nationale, le vendredi 15 septembre 2023. Un point retient l’attention : la contribution de la société Perenco, seul pétrolier producteur du pays, au budget de l’Etat, fixée à 624 milliards de CDF. Le Gouvernement se vante d’un accroissement qu’il estime à 1,4% par rapport à leur niveau de l’exercice 2023, qui était de 615 milliards de Francs congolais (CDF). Mais à y regarder de près, la performance n’est pas aussi évidente qu’il y paraît.
En effet, au début de l’année 2023, les assignations de 615 milliards de francs congolais équivalaient à environ 304 millions de dollars américains, au taux de change qui étaient alors légèrement au-dessus de 2000 francs pour un dollar américain. Or, aujourd’hui, les 624 milliards de francs ne représentent en réalité qu’à peine 260 millions de dollars américains, soit une baisse de 14,47%. Malgré cette baisse, Perenco reste bien la première entreprise contributrice au budget de l’Etat congolais.
Il faut dire que, depuis plusieurs années, les pétroliers producteurs ont été au centre d’accusations de toutes sortes. Avec raison : d’abord, son partenariat avec l’Etat congolais a parfois été géré depuis la présidence de la République, avec une certaine volonté d’opacité.
L’histoire de la recherche et de l’exploration pétrolières en RDC, en particulier dans la Province du Kongo Central, remonte à la fin de la décennie 50. Deux conventions sur l’exploration et la recherche d’hydrocarbures portant respectivement sur les champs terrestres (onshore) et maritimes (offshore) furent alors signées respectivement le 19 et le 23 Juin 1959. Cependant, l’exploitation en zone maritime (offshore) n’a véritablement commencé qu’en 1975, et en zone terrestre (onshore) en 1981.

Nouveau plan d’investissement
En 1956, la colonie accorde une concession au large de la côte du Congo à la Société du littoral congolais, SOLICO en sigle, filiale de la Cometa Oil Company/Bruxelles. En vertu d’une convention signée en 1959, cette concession indivise d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures dans la zone maritime citée ci-haut est partagée entre Congo Gulf Oil Company, CongoCo en sigle, une filiale de l’américaine Gulf Oil Corporation; ainsi qu’à la SOLICO.
Le 16 octobre 1964, Adolphe Kishwe Maya, ministre des Terres, Mines et Énergie du gouvernement Tshombe, fixe au 17 janvier 1967 le terme de la première période de 5 ans, et décide de proroger les droits liés à la concession jusqu’au 17 janvier 1972. A la suite de la loi Bakajika en 1966, Congulf et Solico demanderont, dans les délais, la réattribution de leurs droits en soumettant à l’État un nouveau plan d’investissement.
En 1969, le gouvernement congolais, sous le nouveau régime de l’alors général Joseph Mobutu, concède exclusivement dans la même zone les droits de reconnaissance et d’exploration des hydrocarbures à CongoCo et à Solico, à raison respectivement de 65,25% et 34,75%. Avec le changement du nom du pays consécutivement à l’adoption de la politique dite de l’authenticité, Solico devient Soliza, et CongoCo passe à Zaïre Gulf Oil. En 1974, la société japonaise Teikoku entre dans le capital par le biais de sa filiale de droit zaïrois Japan petroleum Zaïre, JAPEZA.
En plus, l’état zaïrois décide d’intégrer à son tour le capital social en prenant une participation de 15% dans le capital de chaque société concessionnaire. Et, en 1984, l’américaine Union oil of California, UNOCAL, rachète SOLIZA et intègre donc l’association. En 1999, c’est au tour de Gulf oil corporation d’être absorbé par Chevron petroleum overseas, un major du secteur, qui fusionne l’année suivante avec un autre géant, Texaco, pour créer la deuxième compagnie pétrolière des Etats Unis et sixième du monde. Sur place au Congo, le groupe absorbe UNOCAL, et l’association devient donc Muanda intrenational oil company limited, MIOC.
En juillet 2004, MIOC Ltd est cédé à la société franco-britannique Perrodo Energy Company, Perenco, qui appartient à une famille française, et qui a crée en RDC une filiale du nom de Perenco recherche et exploitation, Perenco REP en sigle.
70% de revenus
Après plusieurs révisions des conventions successives, à partir de 1982, l’Etat met en place un régime fiscal qui lui garantit de capter environ 70% des revenus du pétrolier producteur. Ainsi, les revenus de l’Etat s’établissent de la sorte : une taxe statistique de 1% sur ses exportations de pétrole brut ; 40% de marge distribuable, c’est-à-dire le profit provenant des ventes de pétrole, après déduction de la taxe de statistique de 1% sur la valeur des exportations, des dépenses communes, des coûts intangibles de forage, du coût des puits secs et des amortissements; une participation égale à 20% de 60% restant de ces revenus pétroliers (marge distribuable restant aux sociétés); une contribution de droit commun sur les revenus professionnels selon les dispositions de l’article 3b de l’Avenant n°5 de 1982 à la Convention pétrolière du 9 Août 1969, indiquant que l’Etat recevra 76% des revenus provenant de la vente des hydrocarbures brute de l’exploitation maritime de la concession. En plus de cela, conformément au Code des impôts congolais, l’Association paie à l’Etat 35% d’impôt sur le bénéfice (c’était 40% avant).
Ce qui a permis à l’Etat d’engranger des rentrées substantielles, mais qui fluctuent parfois de façon pas facilement explicables : 313 millions de dollars en 2010 ; 223 millions en 2013 ; 247 millions en 2014 ; 117 millions en 2015 ; 160 millions en 2017 etc. Aujourd’hui, avec une production qui culmine à 8,4 millions de barils annuels, et un prix qui stagne en dessous de 100 USD, la contribution de Perenco en est à 260 millions de dollars US à peine.
Plusieurs organisations aussi bien locales qu’internationales accusent Perenco de détruire l’environnement, et de ne pas contribuer à l’épanouissement des populations riveraines. Officiellement, la société décaisse environ 300.000 dollars américains pour appuyer le développement local. Mais n’en voit d’amélioration notable.