Dans la livraison du 10 avril dernier portant le titre «Sommes-nous devant un sosie de l’UDPS ?», nous avons fait parler deux documents liés intimement à UDPS, le plus médiatisé de tous les partis politiques de ces 42 dernières années.
Le premier document est la «Lettre des 13 Parlementaires au Maréchal Mobutu Sese Seko», datée du 1er novembre 1980. Les Statuts de l’UDPS de 2010 constituent le second document. Certes, en 1980, l’UDPS n’existait pas. L’annonce de sa création le 15 février 1982 résulte du refus du maréchal Mobutu de reconnaître l’existence du courant réformateur, progressiste au sein du MPR Parti-Etat. La suite est connue…
LE MOT «DEBAT NATIONAL» LANCÉ
De la Lettre des 13 Parlementaires, le principe n°1 est exprimé en ces termes au sujet des réformes à entreprendre : «Pour être valables et durables, ces réformes ne peuvent intervenir qu’à l’issue d’un débat national réunissant autour d’une même table non seulement les élus du peuple, mais aussi les représentants des différentes opinions politiques, où qu’ils se trouvent, désignés librement par les groupes qui les délèguent».
Le mot est clairement exprimé : débat national.
Peut-on dire qu’en 42 ans d’existence (1982-2024), l’Udps l’a déjà préconisé en étant en pôle position?
Réponse :
- La Conférence nationale telle qu’ouverte le 31 juillet 1991 (devenue souveraine par la suite) n’était pas à proprement part une initiative de l’Udps. Même si la pression de ce parti y a été pour beaucoup, ces assises avaient été convoquées par le maréchal Mobutu sur base d’une ordonnance.
- Le Dialogue inter-congolais (avec ses rounds d’Addis-Abeba, Sun City I, Pretoria et Sun City II) entre 2001 et 2003 n’était pas une initiative de l’UDPS. Il avait été convenu par les composantes belligérantes signataires de l’Accord de Lusaka en 1999.
- La Concertation présidentielle de 2020 était effectivement une initiative de l’UDPS, mais organisée dans un but précis d’exclure un partenaire ciblé : FCC. La preuve est que ses résolutions et ses recommandations n’étaient pas imposables à tous. Elle avait visé la création de l’Union sacrée de la nation.
Au final, l’UDPS – une fois aux affaires en 2019 – ne s’est plus souvenu du débat national appelé à procéder aux 10 réformes préconisées par les 13 Parlementaires, en l’occurrence :
« 1) La raison d’être de l’Etat Zaïrois, c’est l’épanouissement et le bonheur, non pas d’une poignée d’hommes, mais de tous les Zaïrois.
2) Tout Zaïrois doit être réellement protégé dans sa personne et dans ses besoins contre l’arbitraire du pouvoir.
3) La Constitution et les lois du Zaïre doivent s’imposer effectivement à chacun, quels que soient sa fonction et son rang social.
4) L’organisation politique de notre pays doit reposer sur un consensus réel (et non seulement déclaré) de notre peuple et répondre aux aspirations profondes de nos masses. Cela n’est possible que s’il s’instaure au Zaïre une démocratie effective.
5) La démocratie ne deviendra effective au Zaïre que si la représentation de notre peuple dans les organes politiques de l’Etat s’opère par des personnes librement élues par le peuple.
6) Il faut que cessent la centralisation à outrance et la concentration des pouvoirs entre les mains d’une seule personne.
7) Les pouvoirs doivent être repartis, avec des rôles précis, entre les différents organes politiques de l’Etat, dans le cadre que fixera la Constitution.
8) De la base au plus haut sommet, le contrôle de tous les organes de l’Etat doit être organisé de manière à devenir effectif et efficace.
9) L’Exécutif en son entier doit être soumis à un contrôle réel du Conseil Législatif, organe élu du Peuple (notons, à ce propos, que tout homme de bonne foi doit reconnaître que le Conseil législatif s’est trouvé soutenu à fond par l’opinion publique lorsque cet organe s’est appliqué à exercer sur les membres de l’Exécutif son pouvoir normal et constitutionnel de contrôle).
10) La démocratisation réelle du régime et la sauvegarde effective des droits de l’homme postulent la libération dans le domaine des ‘mass media’. La presse, la radio et la télévision zaïroise doivent être au service de tous les Zaïrois. Pour qu’elles cessent d’être au service d’une oligarchie, il faut un pluralisme dans les ‘mass media’. D’autre part, le mensonge ne peut être combattu que par la contradiction, ce qui justifie aussi l’instauration de ce pluralisme».
LOGIQUE «TNB » (TOUR NA BISO)
Produit des Négociations du Centre interdiocésain organisées fin 2016, l’Udps s’est assigné, parmi les 15 objectifs déterminés dans ses statuts de 2010 celui, classé 4ème, de «Faire épanouir un climat de tolérance et de morale politique propice au développement harmonieux de la Nation».
Son premier mandat – issu du reste d’un «Dialogue» qui lui avait été proposé janvier 2019 – le contraint en quelque sorte au devoir de redevabilité.
Puisqu’elle doit tenir compte du contexte national, sous-régional, régional, continental et international, la RDC ne peut sortir de sa situation actuelle qu’en allant à un débat national.
La peur bleue qui s’empare de certains acteurs – surtout ceux au Pouvoir (pas nécessairement du Pouvoir) – se justifie par le rétrécissement de la part du gâteau, surtout quand on est dans la logique de TNB (Tour Na Biso) ou (Notre Tour de régner, de gouverner et de bouffer).
La corruptibilité qui gangrène le régime Udps est liée à cette logique. Chacun veut prendre et sécuriser sa part pour des jours mauvais.
Que gagne cependant Félix Tshisekedi de cet état d’esprit ?
Rien. Au contraire, c’est lui le perdant principal.
Aussi, pour sécuriser personnellement son second et dernier mandat (sauf le gros challenge de révision de la Constitution) et le fructifier, Félix Tshi-sekedi ne perdra rien du retour à la case-départ préconisée au demeurant par les pères-fondateurs, auteurs de la Lettre des 13 Parlementaires. Cette lettre est vieille de 44 ans. Mais, quand en on applique le contenu au contexte politique, économique et social actuel, le diagnostic est le même, de même que le destinataire en la personne morale de l’Institution «Président de la République ».
Le sort de l’Udps après 2028 dépend de sa décision de dialoguer ou pas.
Il y a de cela 42 ans, pour une question interne, Mobutu avait dit NON.
Plus près de nous, pour une question interne et sous-régionale, Mzee Kabila avait dit NON.
Aujourd’hui, pour une question à la fois nationale, sous-régionale, régionale, continentale et internationale, Félix Tshisekedi est libre de dire NON pendant que les réalités du terrain plaident pour un OUI. Après tout, s’il ne s’agit que du maintien en fonction, il jouit de la jurisprudence.
Tout ce qu’on peut lui recommander est d’observer ce qui se passe au pays, tous domaines confondus. Même le déchaînement en cours des éléments de la nature l’interpelle…
Omer Nsongo die Lema
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