Quadripartite d’Oyo : Kagame mis à l’écart, affaire François Beya à l’ordre du jour

A l’initiative du président Denis Sassou N’Guesso de la République du Congo, il s’est tenu, samedi 12 février 2022, dans la ville d’Oyo (Nord du Congo/Brazzaville), une quadripartite où étaient associés Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo de la République Démocratique du Congo, Yoweri Kaguta Museveni de l’Ouganda, et un invité-surprise, Faure Gnassingbé du Togo. Si la sécurité dans la région des Grands Lacs a été au menu des échanges, le dossier François Beya, du nom du conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité, en audition à l’Agence nationale de renseignements, a été à l’ordre du jour, apprend-on depuis Brazzaville. A cette quadripartite, on a constaté l’absence remarquée du président Paul Kagame du Rwanda. Une absence mal perçue du côté de la capitale rwandaise qui se sent de plus en plus isolé dans les grands dossiers de la sous-région. Depuis Kigali, Kagame ne cache pas sa colère. Mardi dernier à Kigali, il a envoyé un message clair à ses pairs de la sous-région, promettant de défendre la sécurité de son pays, même s’il faut faire la guerre en dehors de son territoire. A Oyo, la menace a été prise au sérieux.

On ne sait pas grand-chose de ce qui s’est réellement passé samedi dans la ville d’Oyo, au Congo/Brazzaville. Tout ce qui se dit – à l’officiel bien sûr – est que «les échanges entre les quatre Chefs d’Etat ont porté essentiellement sur l’évolution de la situation politique et sécuritaire dans les régions des Grands Lacs, d’Afrique Centrale et d’Afrique de l’Ouest ». Ils ont d’ailleurs promis «de se voir régulièrement et de renforcer ainsi leur cadre de concertation sur les questions politiques et sécuritaires, régionales et internationales ».

Alors que tout Kinshasa est allé emballer par l’affaire qui met en cause François Beya, conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de sécurité, c’est le moment choisi par le président du Congo/Brazzaville, Denis Sassou N’Guesso, de convier deux de ses pairs de la sous-région à une quadripartite à laquelle a été également convié le président Faure Gnassingbé du Togo.

Si on peut bien trouver une explication à la présence de Félix Tshisekedi de la République Démocratique du Congo et Yoweri Museveni de l’Ouganda, on se perd en conjectures pour comprendre l’invitation lancée à Faure Gnassingbé du Togo.

Qui pis est, l’absence remarquée de Paul Kagame du Rwanda à la rencontre d’Oyo a ravivé les spéculations. Parler de la sous-région des Grand Lacs sans associer Paul Kagame soulève bien des interrogations. Quoi qu’il en soit, le président rwandais a été mis à l’écart de la quadripartite d’Oyo. Mais, loin de la sous-région, Faure Gnassingbé était là. Pour une bonne raison, apprend-on depuis Brazzaville.

L’interpellation de François Beya sur la table

En effet, le dossier François Beya, en audition à l’Agence nationale des renseignements (ANR), a dépassé les frontières de la RDC. Avec ses connexions en Afrique, l’interpellation de celui qui reste – jusqu’à preuve du contraire – le «sécurocrate en chef » du Président Félix Tshisekedi, est suivie de près à travers l’Afrique. A Lomé où François Beya jouit de belles entrées au palais présidentiel, on se soucie du sort à lui réserver. Ce qui, semble-t-il, a justifié la présence de Faure Gnassingbé à Oyo pour plaider sa cause.

Au-delà de Kinshasa, François Beya est bien introduit dans le cercle du pouvoir à Brazzaville, entretenant des liens solides avec Jean-Dominique Okemba, conseiller spécial de Denis Sassou N’Guesso en matière de sécurité. C’est dire que ce qui arrive aujourd’hui à François Beya a des répercussions qui dépassent le seul cadre de la RDC.

A Oyo, il était donc question de rassurer tout le monde.  Rassurer tout le monde, c’est aussi ce qui a motivé le déplacement vers la ville natale de Sassou Nguesso du président Yoweri Museveni de l’Ouganda.

En effet, depuis novembre 2021, les Forces armées de la RDC effectuent des opérations militaires «conjointes et concertées» dans la traque des rebelles ougandais de l’ADF dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Pour l’instant, aucun brouillard dans les relations entre Kinshasa et Kampala il y a cependant cette condamnation, le 9 février 2022, de l’Ouganda par la Cour internationale de justice (CIJ) qui l’oblige à verser 325 millions USD pour des crimes de guerre commis entre 1998 et 2003 sur le sol congolais, qui pourrait bien brouiller les cartes. A Oyo, Museveni a exigé et obtenu, rapporte-t-on, des assurances de Félix Tshisekedi à mettre en veilleuse cette procédure de la CIJ.

Kagame prêt à sortir ses griffes

Il y a cependant une question qui taraude les esprits : qu’est-ce qui a justifié l’absence de Paul Kagame du Rwanda ? A l’officiel, on apprend qu’aucune invitation n’a été lancée à l’homme fort de Kigali. Brazzaville a préféré l’ignorer. Pour quelle raison ? Difficile à comprendre.

On sait néanmoins que, depuis quelque temps, Paul Kagame se sent de plus en plus isolé dans les grands dossiers de la région des Grands Lacs. Mardi dernier, il a lancé, depuis Kigali, un message clair à quiconque ignorerait son influence dans la région, promettant de défendre la sécurité de son pays, même s’il fallait faire la guerre au-delà des frontières de son pays. C’est tout dit.

Quoi qu’il en soit, à Oyo, le président Denis Sassou N’Guesso s’est efforcé de ramener le calme dans les rangs. Depuis Brazzaville, le dossier François Beya est scruté dans tous les sens. Tout comme à Kampala et à Lomé.

Hugo Tamusa