Rapatriement des migrants «congolais» de Mayotte : éviter le piège de 1994 avec le Rwanda

En France, le nouveau ministre français de l’Intérieur a ordonné des «vols groupés» pour renvoyer les ressortissants de la RDC dans leur pays. Ces migrants, qui viennent cependant de plusieurs pays africains, sont tous indexés comme «Congolais». A Kinshasa, le scepticisme est bien présent. Certains observateurs – ils ont totalement raison – craignent que la RDC ne se retrouve dans le piège de 1994 lorsqu’il a accepté d’accueillir sur son sol des citoyens rwandais de tous genres fuyant la guerre dans leur pays. Depuis lors, Kinshasa continue à payer le plus lourd tribut de son hospitalité. Avec ces «Congolais» non autrement identifiés venus de l’île française de Mayotte, Kinshasa ne devait pas y aller tête baissée. 

En France, le nouveau ministre de l’Intérieur a récemment pris une décision qui suscite de vives réactions : l’instauration de «vols groupés » pour renvoyer des ressortissants de la République Démocratique du Congo (RDC) dans leur pays d’origine.

«Dès ce mois d’octobre, le préfet de Mayotte, il en a l’instruction, organisera des vols groupés pour pouvoir reconduire les étrangers en situation irrégulière vers la République Démocratique du Congo», a déclaré Bruno Retailleau à l’Assemblée nationale lors des questions au gouvernement, interrogé par la députée RN Anchya Bamana.

Cependant, cette initiative soulève des interrogations, car ces migrants proviennent en réalité de plusieurs pays africains, mais sont tous étiquetés comme «Congolais».

À Kinshasa, la capitale de la RDC, le scepticisme est palpable. De nombreux observateurs, justifiés dans leurs préoccupations, rappellent les leçons du passé. En 1994, la RDC avait accueilli des citoyens rwandais fuyant la guerre, une décision qui a eu des conséquences désastreuses pour le pays. Depuis lors, la RDC a continué à faire face à des défis majeurs liés à cette hospitalité, notamment en termes de sécurité et de stabilité.

LES LANGUES SE DELIENT

Bien sûr qu’en RDC ce projet macabre de transférer les immigrants en situation irrégulière de l’île de Mayotte vers la RDC suscite bien des interrogations.

Le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi,  pourrait-il réellement signer un tel accord? Est-ce que les députés, sénateurs, et même le Congolais lambda sont-ils au courant de ce monstrueux piège du siècle?

Il s’avère donc que l’ANR (Agence nationale de renseignements) devra jouer son rôle primordial qui consiste avant tout à prévenir, anticiper, protéger et sécuriser le peuple congolais et son territoire national. Il y va de la survie du pays.

Quand le ministre français de l’Intérieur annonce en plénière devant  l’Assemblée nationale de son pays que la France enverra en RDC tous les immigrés en situation irrégulière de l’Ile de Mayotte (France), une telle déclaration confirmerait ipso facto l’existence d’un accord. Difficile à dire.

Toujours est-il que l’entourage du ministre a précisé à l’AFP qu’en cette matière, la coopération avec la RDC est «excellente».

NE PLUS RETOMBER DANS LE PIEGE DE 1994

Pour comprendre ce qui se trame derrière ces expulsions de l’Ile de Mayotte, un clin d’œil sur l’histoire du génocide au Rwanda s’avère nécessaire.

L’on se rappelle que, dans leur fuite en 1994, les FDLR et certains de ses hommes se sont éparpillés dans la région. D’autres ont rejoint l’île de Mayotte où ils vivent jusqu’à ce jour. Des investigations menées sur le terrain ont en effet révélé que cette île est truffée non seulement de Hutu rwandais, dont  la quasi majorité se réclame des Congolais, mais aussi des nombreux nilotiques : Somaliens, Erythréens et les Éthiopiens de la région dissidente de Tigre.

Les opérations de rapatriement que promet d’organiser Paris depuis Mayotte est un bel alibi que Kagame cherchait depuis belle lurette. Et la France, qui le porte depuis lors dans ses bras, lui offre l’opportunité pour que l’homme fort de Kigali arrive à retourner ses indésirables rwandais en RDC et continuer ainsi à perdurer sa présence sous le faux prétexte de poursuivre les éléments de FDLR sur le sol congolais.

Au sommet de la Francophonie, le président Macron qui n’a pas réussi à convaincre Félix Tshisekedi à s’asseoir autour d’une table avec Paul Kagame a donc décidé de monter sur le créneau. Il exige désormais une négociation Fatshi – Kagame, sous menace de lâcher les «bergers allemands » qui sont attachés. Certains sont disséminés dans l’Ile de Mayotte, alors que d’autres se dissimulent autant dans l’opposition qu’au sein de la majorité au pouvoir, n’attendant plus que le moment propice pour déstabiliser le pouvoir en place à Kinshasa.

Les expulsions de Mayotte sont entourées d’un grand mystère. Il y a de graves conséquences auxquelles la RDC est exposée, de se voir envahir – cette fois-ci officiellement – et repayer le pot cassé comme en 1994.

Au lieu de subir, par jurisprudence, il est urgent et opportun qu’un cadre de concertation soit en place entre le gouvernement de Mayotte, celui de la RDC ainsi que le Haut Commissariat pour les réfugiés, suggère-t-on dans les milieux spécialisés. Il s’agit de permettre à la RDC de constituer sa commission d’experts, assortie de l’ANR, de la DGM, de l’ex-DEMIAP, pour évaluer et identifier les véritables Congolais de Mayotte, désireux de retourner volontairement dans leur Pays Tout en tenant compte que les réfugiés sont protégés par la charte régie par les Nations Unies.

Les autorités congolaises doivent donc naviguer avec prudence dans cette affaire. Accueillir ces «Congolais» non identifiés pourrait entraîner des répercussions similaires à celles vécues dans les années 90, lorsque la RDC a été submergée par des flux migratoires incontrôlés.

Les critiques de cette politique française soulignent également le manque de clarté et de transparence dans le processus d’identification des migrants. En les regroupant sous une seule étiquette, la France semble ignorer la diversité des origines et des histoires de ces individus. Cela soulève des questions éthiques sur le traitement des migrants et sur la responsabilité des États dans la gestion des flux migratoires.

La décision du ministre français de l’Intérieur d’organiser des «vols groupés» pour renvoyer des migrants en RDC est une mesure qui mérite une réflexion approfondie. Kinshasa doit aborder cette situation avec prudence, en évitant de répéter les erreurs du passé.

TENSIONS A MAYOTTE

Depuis la fin des années 2010, des centaines de migrants originaires de l’Afrique des Grands Lacs, en particulier de la RDC, rentrent chaque année clandestinement à Mayotte après un voyage en «kwassa» (barque) depuis les côtes de l’Afrique de l’Est, de Madagascar ou des Comores voisines.

L’an passé, l’installation de ces migrants dans un camp de fortune près d’un stade de Mamoudzou, le chef-lieu de Mayotte, a provoqué des tensions avec des habitants qui ont culminé en janvier, avec le blocage des principaux axes routiers de l’île principale par des collectifs demandant leur expulsion. Bruno Retailleau a également annoncé des «accords de sécurité bilatéraux avec les pays» de la zone de l’Afrique des Grands Lacs (RDC, Burundi, Rwanda, Tanzanie) pour «arrêter les flux».

Econews