L’Etat congolais a perdu au moins 630 millions de dollars US par mois en exonérations douanières entre 2011 et 2020, selon un rapport du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Des exonérations « injustifiées » qui ont bénéficié « à des personnalités politiques », et encouragé la corruption.
Avec un budget lilliputien d’un peu plus de 4 milliards de dollars US pour un pays grand comme 5 fois la France et 90 millions d’habitants, la République démocratique du Congo peine à faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat. En cause, une économie informelle prédominante, une corruption endémique, des détournements de fonds publics généralisés… mais aussi des exonérations douanières accordées très généreusement par l’Etat.
Le Groupe d’étude sur le Congo de l’Université de New York s’est penché sur ces exonérations fiscales, qui sont utilisées par de nombreux pays pour soutenir l’investissement, des secteurs économiques spécifiques, ou des organisations à but non lucratif. Mais dans le cas de la RDC, qui souffre d’un cruel manque de recettes fiscales, les exonérations douanières accordées par l’Etat interrogent… et c’est peu dire.
Des bénéficiaires très politiques
L’enquête des chercheurs du GEC révèle qu’au moins 6,3 milliards de dollars US ont échappé à l’Etat congolais entre 2011 et 2020, soit 630 millions chaque année. Une somme rondelette qui aurait pu largement abonder au budget de l’Etat pour financer des infrastructures, l’éducation ou la santé… des secteurs largement sous financés au Congo. Car selon le rapport, de nombreuses exonérations douanières sont «injustifiées» et serviraient à alimenter la corruption.
Etrangement, les entreprises bénéficiant de ces exonérations sont des sociétés minières ou travaillant pour des marchés publics. Des entreprises appartenant « tout ou en partie à des autorités publiques, voire des personnalités politiques ou à des proches de l’ancien président Joseph Kabila » comme pour la Société textile de Kisangani (Sotexki), l’Entreprise générale d’alimentation et de logistique (Egal) ou la Ferme Espoir.
Un diplomate et un gouverneur exonérés de taxe
Le GEC révèle également les mauvaises pratiques dans l’utilisation des exonérations douanières. Et de citer l’exemple d’un diplomate « qui importe des articles personnels sans payer de taxe » et qui fait venir plusieurs voitures pour un ami, en les revendant… moyennant profit. Ou de ce gouverneur « qui ne devrait pas pouvoir échapper à la douane pour l’importation d’essence, comme c’est souvent le cas aujourd’hui».
Selon de nombreux fonctionnaires interrogés par le GEC, «ce type d’abus est endémique et pourrait être éradiqué par la publication de chaque exonération fiscale sur le site internet du ministère des Finances». Le rapport précise ne pas avoir eu accès aux données concernant les exonérations prévues par le code minier. Et la somme est loin d’être anecdotique. Les exonérations de ces entreprises s’élèvent à 2,8 milliards de dollars entre 2011 et 2020.
Des dérogations arbitraires et illégales
Le GEC recommande au gouvernement «de rendre publiques les justifications pour chaque entreprise bénéficiaire ». Les chercheurs pointent également les «exonérations dérogatoires» accordées dans le cadre du «partenariat stratégique sur la chaîne de valeur». «Comme ces exonérations fiscales sont sujettes à des abus, le gouvernement congolais devrait y mettre fin, exception faite à celles qui sont autorisées par une loi spécifique», note le GEC.
Un avis partagé également par l’Inspection générale des finances (IGF), qui relève que «cette manière d’accorder des dérogations est arbitraire et hors du cadre légal ». Des recommandations que le gouvernement ne peut maintenant plus ignorer, alors que Félix Tshisekedi a affiché la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption comme les principales priorités de sa politique.
Tiré d’Afrikarabia