Le 1er mars 2022, le prélèvement au titre de RAM (Registre des appareils mobiles) sur toute recharge des téléphones aura vécu. Quid du remboursement ?
«Non, ce n’est pas parce que le gouvernement annonce qu’il met un terme à ces prélèvements que nous arrêtons notre combat», explique l’avocat congolais Hervé Diakiese, qui représente une poignée de plaignants qui ont tenté de se présenter devant la justice pour exiger la fin de ce «prélèvement» et demander un dédommagement pour les préjudices subis.
L’avocat poursuit : «C’est évidemment un premier pas nécessaire mais ce n’est pas suffisant», et l’homme de loi de rappeler que la justice congolaise a refusé d’enrôler les requêtes contre cette perception illégale. Mais les plaignants comptent réitérer leur démarche parce qu’ils entendent bien être indemnisés.
À qui a profité ce «Ram» ?
Pour beaucoup de Congolais, l’annonce de cette fin programmée pour le 1er mars du prélèvement ne peut signifier «l’enterrement» de ce dossier.
Depuis le passage en octobre 2021 du ministre des Postes, Télécommunications et des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (PT–NTIC), Augustin Kibassa, devant l’Assemblée nationale, les questions autour de ce dossier demeurent sans réponse. Devant les députés, le ministre avait été incapable de justifier ce prélèvement, n’avait pu chiffrer les montants perçus ni la destination de ces fonds dont on ne trouve aucune trace dans les comptes de l’État.
«Le Président et son Gouvernement ne pensent tout de même pas qu’ils vont siffler la fin de la récréation et que tous les Congolais vont accepter de rentrer sagement en classe en attendant de se faire plumer sur un autre dossier», explique un membre d’un mouvement citoyen.
«Au moins 300 millions de dollars !»
Aujourd’hui encore, personne ne peut donc chiffrer les montants perçus mais des calculs simples donnent le tournis. «Partons sur une base qui est certainement sous-estimée de 15 millions de téléphones dans le pays», explique un député, pourtant membre de l’Union sacrée. «Prélevons 1 dollar par mois et comptons que la taxe aura frappé pendant 20 mois, cela représente 300 millions de dollars qui se sont envolés. Et je suis loin de la vérité, selon plusieurs sources, on dépasserait allègrement les 500 millions de dollars dans la plus grande opacité et sans la moindre taxation. Du bénéfice net. On ne peut imaginer de se taire.»
«Si on se tait sur ce dossier, c’est ouvrir la porte à tous les abus à venir», explique un autre député, de l’opposition cette fois, qui promet de réentendre le ministre lors de la prochaine session parlementaire qui doit débuter le mois prochain.
Vingt mois après son lancement, ce prélèvement opéré au nom d’un Registre des appareils mobiles (Ram) n’a toujours pas été défini légalement. «Ce n’est pas une taxe, ce n’est pas un impôt, explique Me Diakiese, c’est ce que j’appelle faute de mieux un « OFNI », un « objet fiscal non identifié ». En fait, il n’y a qu’une seule qualification qui me paraît acceptable, mais personne n’ose prononcer ce mot jusqu’ici, c’est le qualificatif de vol.»
«Le jeu en vaut la chandelle»
Un qualificatif que nos autres interlocuteurs acceptent sans modération. «Comment expliquer, ce que nous avons vécu dans un pays qui se revendique comme une démocratie et un État de droit, s’insurge un parlementaire. C’est un incroyable déni de justice. Il y a des personnes qui ont assez de pouvoir et d’intérêt pour faire arrêter un huissier et paralyser un tribunal en prenant le risque de le faire publiquement. Il en faut du pouvoir ! Et il faut évidemment que les enjeux soient énormes. 500 millions de dollars, approximativement, empochés en moins de deux ans, c’est ce qu’on appelle un jeu qui en vaut la chandelle.»
Tiré de La Libre Belgique/Afrique