Un groupe d’experts des Nations Unies vient de transmettre au Conseil de sécurité un rapport qui met à nu le soutien du Rwanda aux rebelles de M23. A Kinshasa, on a applaudi, saluant une victoire diplomatique qui valide la thèse du Gouvernement de la RDC Ce n’est pas l’avis de l’abbé Germain Nzinga qui relève une série d’ambiguïtés dans la positon alambiquée des experts de l’ONU.
J’entends depuis lors les Congolais et le porte-parole du Gouvernement jubiler de joie à la sortie du rapport des Experts des Nations Unies qui, d’après l’opinion congolaise, a reconnu le rôle du Rwanda dans les violences qui secouent l’Est de la RD Congo.
Attention ! Il suffit d’aller lire attentivement le texte dudit rapport pour vite s’apercevoir des pièges dangereux que renferme l’ambiguïté des mots utilisés dans ce texte officiel.
- Dans ce énième rapport de l’ONU, les congolais sont enchantés de signaler la confirmation par les experts de l’ONU du soutien du Rwanda au M23. Mais en réalité le rapport des experts de l’ONU dit ceci : «L’armée rwandaise (RDF) a lancé des interventions militaires contre des groupes armés congolais et des positions des Forces armées congolaises depuis novembre 2021 et jusqu’en juin 2022»
«Intervention militaire», c’est la seule qualification euphémique que les Experts de l’ONU trouvent pour désigner la cruauté de ce qui se passe à l’Est avec occupation effective de la ville stratégique de Bunagana depuis un mois. Ils évitent délibérément de parler d’agression ou d’invasion militaire du Rwanda sur le territoire Rd congolais. En d’autres termes, d’après le message subliminal de leur rhétorique, si l’armée rwandaise est entrée sur le territoire congolais, c’est principalement pour s’attaquer aux groupes rebelles congolais (supposés être négatifs à la sécurité intérieure du Rwanda). Ambiguïté numéro 1. - Et cette motivation inédite veut en même temps insinuer que les positions des FARDC sont attaquées par les Forces de défense rwandaises en raison de leur collusion avec les forces négatives qui veulent déstabiliser le Rwanda. Le rapport accuse en effet les officiers congolais de combattre au sein des FDLR alors que tous ( y compris les experts de l’ONU) savent que les FDLR ont déjà été démantelés en 90 % de leurs capacités de nuisance et que beaucoup parmi les FDLR ont déjà été réintégrés au sein des RDF et vont même jusqu’à être instrumentalisés par les RDF en étant envoyés en RDC pour pouvoir servir de prétexte aux attaques rwandaises sur le sol congolais. Ambiguïté numéro 2
- Ce que veulent visiblement faire taire les Experts de l’ONU c’est la vérité sur la cause principale de l’insécurité à l’Est, à savoir les groupes rebelles contre lesquels s’attaquerait l’Armée rwandaise sont en réalité une CRÉATION DIRECTE de l’Etat-major Rwandais. Les M23 (qui sont l’actuelle résurgence de RCD, CNDP, et autres milices rwandaises) sont principalement constitués des militaires rwandais, armés et équipés par le Rwanda. Ambiguïté numéro 3.
Mensonges diplomatiques
Ces mensonges diplomatiques savamment distillés au haut niveau, cette lecture biaisée du conflit de l’Est, ces ambiguïtés sciemment entretenues par ceux qui détiennent les clefs de la paix et de la guerre en RDC ne sont pas de nature à restaurer la paix à l’Est de la RD Congo.
Lorsque le groupe des Experts des Nations Unies détaille des preuves, notamment des photos de soldats rwandais dans un camp du M23, des images de drones montrant des colonnes de centaines de soldats marchant près de la frontière rwandaise, et des photos et des vidéos montrant des combattants du M23 avec de nouveaux uniformes et équipements similaires à ceux de l’armée rwandaise, aux yeux des congolaises et des congolais avertis, il n’y a rien de nouveau en ces révélations. En 2012, il y eut un autre rapport plus accablant, le Rapport Mapping concernant les crimes de guerre en RDC où le rôle du Rwanda fut clairement établi et, dans la suite, les criminels circulent librement et l’ONU a laissé faire le dictateur criminel, auteur intellectuel de ce capharnaüm politico-sécuritaire, sans aucune poursuite judiciaire au niveau des juridictions internationales.
Il nous faut donc éviter de tomber dans les pièges dangereux des circonlocutions et des phrases bien retournées qui masquent les crimes et leurs véritables auteurs en RDC. Qu’aucun congolais ne perde de vue que le conflit armé féroce qui sévit en RDC est accompagné d’une autre guerre aussi féroce, dite GUERRE DE DÉSINFORMATION consistant à travestir la vérité des faits. Les mots sont ainsi choisis et utilisés délibérément pour vouloir couvrir les véritables mobiles de cette guerre, pour masquer l’identité de ses commanditaires et pour ainsi continuer à entretenir ce chaos systémique organisé depuis 1996 et qui est la source de profits faramineux pour les multinationales via ces pays limitrophes livrés au pillage et à la prédation du Congo.
Abbé Germain Nzinga (CP)