C’est une mini-enquête menée par Econews. Trois mois de quadrillage du territoire national pour juger de la représentativité nationale et de la force d’implantation des partis politiques, en tous cas, les plus en vue en République Démocratique du Congo.
Avec un nombre impressionnant des partis politiques légalement reconnus en RDC, Econews s’est appuyé sur un échantillon de 10 formations politiques, à savoir l’UDPS, l’UNC, le MLC, Ensemble pour la République, PPRD, Nouvel Elan, ECIDé, AFDC, PALU et UNAFEC.
Deux questions ont guidé cette mini-enquête : Les partis politiques implantés ont-ils un siège dans les grandes villes ? Sont-ils locataires ou propriétaires ?
Quadriller toute la République n’est pas une mince affaire. Aussi, l’enquête a regroupé les provinces en cinq zones, en fonction de quatre langues nationales, avec Kinshasa comme zone linguistique à part entière, une ville cosmopolitique où se côtoient toutes les quatre langues nationales. Dans chaque zone linguistique, des grandes villes ont été triées pour servir de terrain d’enquête.
Les cinq zones d’enquête ont été :
- La ville de Kinshasa
A. Zone Ouest : Grand Bandundu et Kongo Central - Zone Nord : Grand Equateur, Tshopo, Ituri, Bas-Uelé et Haut-Uélé
- Zone Centre : Grand Kasaï
- Zone Est : Maniema, Nord-Kivu, Sud-Kivu et Grand Katanga
Les villes cibles dans chaque zone d’enquête :
- Kinshasa
- Zone Ouest : Kisantu, Kimpese, Matadi, Boma, Bandundu ville, Kikwit, Kenge et Kasongo-Lunda
- Zone Nord : Mbandaka, Lisala, Boende, Gemena, Bumba, Kisangani, Ituri, Isiro et Bunia
- Zone Centre : Kananga, Mbuji-Mayi, Lodja, Kabinda et Tshikapa
- Zone Est : Goma, Bukavu, Beni, Butembo, Aru, Mambasa, Rutshuru, Lubumbashi et Kolwezi
Plus de locataires que de propriétaires
Si la RDC bat le record en nombre des partis politiques, soit plus de 400 enregistrés, légalement agréés au ministère de l’Intérieur, certains sont moins présents sur le terrain que d’autres. En termes de représentativité nationale, l’écart est trop grand. Même lorsque la plupart d’entre eux sortent du lot en s’étendant sur le territoire national, ils ne sont pas nombreux à être propriétaires de leurs sièges dans les grandes villes de la RDC.
Certes Kinshasa n’est pas la RDC, comme on aime bien le dire, il faut néanmoins reconnaître que la capitale de la RDC, une ville cosmopolite de plus de 10 millions d’habitants, est le reflet grandeur nature des réalités du Congo profond.
Dans la ville de Kinshasa, seuls quelques partis politiques – sur les dix sélectionnés dans l’enquête – sont propriétaires de leur siège respectif. L’UDPS, le parti présidentiel, vient en tête, avec son siège de la 10ème Rue à Limete, acquis bien avant son accession au pouvoir au terme des élections de décembre 2018. Le PPRD, l’ancien parti au pouvoir, est également propriétaire de son siège sur l’avenue Batetela, dans la commune de la Gombe.
Kinshasa étant le carrefour de tous les enjeux politiques, la plupart de partis, suivis par Econews, sont propriétaires de leur siège. L’UNC de Vital Kamerhe est propriétaire de son siège sur l’avenue de l’Enseignement, tout comme le Palu de Godefroid Mayobo, dans la commune de Matete, sur le boulevard Lumumba. L’AFDC de Modeste Bahati a son propre siège sur le boulevard du 30 juin. Le Nouvel Elan d’Adolphe Muzito est propriétaire de deux sièges : l’un sur avenue Lukusa dans la commune de la Gombe et, l’autre, au quartier Mpasa dans la commune de la N’Sele. C’est aussi le cas pour le MLC et l’ECiDé qui ont les sièges privés sur l’avenue Enseignement dans la commune de Kasa-Vubu. Quant aux partis suivis par Econews, ils sont, dans la plupart de cas, locataires.
Situation en provinces
Dans toutes les grandes villes suivies par Econews, le contraste est bien là. Le parti politique est propriétaire du siège, selon l’attachement de son leader à la province ou à la ville.
C’est sans surprise que dans les villes de la zone Est, notamment Goma, Bukavu, les partis tels que l’UNC et l’AFDC possèdent leur propre siège. Ce qui n’est pas le cas à Beni où ces deux derniers sont locataires au siège local de leur parti.
Le PPRD, qui a régné pendant 18 ans, entre 2001 et 2019 sous le règne de Joseph Kabila, n’a su capitaliser son influence. Dans les villes de l’Est, notamment Goma, Bukavu et Beni, le PPRD est locataire. Mais, un seul parti fait l’exception : c’est le Nouvel Elan d’Adolphe Muzito. Loin de son terroir du Grand Bandu-ndu, base naturelle de son leader, Nouvel Elan a renforcé sa présence dans les grandes villes de l’Est, en acquérant des sièges où il est propriétaire. Goma, Bukavu, Butembo, Mahagi, Aru, Mambasa, Beni, Buta, Isiro, Bunia et Kisangani font partie de ce lot. Ensemble pour la République de Moïse Katumbi ne joue pas dans cette cour. Dans les villes de l’Est, Ensemble n’a aucun siège qui lui appartient en propre.
C’est plutôt dans le Grand Katanga, son fief, qu’Ensemble pour la République confirme son ancrage, à côté d’un autre grand parti du terroir, le PPRD. A Lubumbashi, Ensemble pour la République possède un imposant siège, dont il est propriétaire, au cœur de la ville. L’UNAFEC de feu Gabriel Kyungu est également propriétaire de son siège dans la commune bouillante de la Kenya. Le PPRD, qui s’est longtemps appuyé sur l’ex-Katanga, comme base arrière, possède aussi un siège propre dans la ville de Lubumbashi.
Quant aux autres, à savoir l’UDPS, l’UNC, l’ECIDé, le Palu, ils se contentent d’un statut de locataire dans leur siège respectif. A Lubumbashi, le Nouvel Elan de Muzito fait exception, propriétaire de ses deux sièges dans la commune de Lubumbashi et celle de la Rwashi ainsi qu’à Kalemie, Kamina et Kipushi.
A Kolwezi, dans la province du Lualaba, à part Nouvel Elan et le PPRD, tous les autres partis sont locataires dans leur siège local.
Dans les villes du Centre (Mbuji-mayi, Kananga, Lodja, Kabinda, Ilebo et Tshikapa) où le parti politique UDPS et le PPRD, qui l’a précédé sur le trône présidentiel, le constat est plutôt amer. Aucun de ces partis n’est propriétaire du siège qu’ils occupent. Tous les deux sont locataires, tout comme les autres. Curieusement, c’est le Nouvel Elan de Muzito qui émerge du lot, propriétaire de ses sièges de Mbuji-mayi, Kananga, Lodja, Kabinda, Ilebo et Tshikapa.
A Kikwit, dans le fief de Muzito, Nouvel Elan trône en tête avec un imposant siège sur le boulevard Lumumba, alors que tous les autres sont inexistants, se contentant d’un statut de locataire dans leur siège respectif.
Dans le Kongo Central, les villes de Kisantu, Kimpese, Matadi et Boma sont dans la même situation que Kikwit. L’UDPS, le PPRD et l’UNC n’évoluent qu’avec le statut de locataire dans leur représentation locale, contrairement, une fois encore à Nouvel Elan de Muzito avec ses sièges privés à Kisantu, Kimpese, Matadi et Boma.
Le trio de tête
Sur plus de 400 partis politiques agrées en RDC, il faut reconnaître que le Nouvel Elan d’Adolphe Muzito est venu bousculer la hiérarchie entre le quinté, mené autrefois part le PPRD, l’UDPS, le MLC, l’UNC et l’AFDC. Si ces six partis sont implantés sur 75% du territoire national, le reste n’existe qu’à Kinshasa ou dans quelques chefs-lieux des provinces. Et même si ces cinq partis sont les plus représentatifs en RDC, tous ne disposent d’un siège propre dans les grandes villes. La plupart sont locataires, contrairement au Nouvel Elan de Muzito qui, à peine arrivé dans le paysage politique congolaise, dispose d’un nombre impressionnant des parcelles où il a établi son siège.
Cette mini-enquête fournit – à juste titre d’ailleurs – non seulement de précieux renseignements sur le niveau d’implantation des partis politiques en RDC mais des données sur la santé des partis politiques à la base et à la veille des échéances électorales. Elle donne une idée sur le parti politique, porteur d’une vision réelle pour le pays. Quand on se décide de donner un siège privé à son parti, en se refusant d’être locataire cela traduit bel et bien le degré de pacte républicain qu’on veut lier avec le peuple.
Et de ce point de vue, de tous les partis politiques suivis par Econews, la palme d’or revient au Nouvel Elan d’Adolphe Muzito. En termes de représentativité nationale, le Nouvel Elan est talonné, loin derrière par l’AFDC de Modeste Bahati et l’UDPS de Félix Tshisekedi. Le PPRD, qui a fait le beau pendant les 18 ans de règne de Joseph Kabila, fait figure d’un château en ruine, ne disposant que de très peu des sièges propres dans différents villes. Apparemment, le PPRD est encore loin de se remettre de son échec à la présidentielle de décembre 2018.
Tout compte fait, seuls trois partis politiques sortent du lot et confirment véritablement leur portée nationale en disposant des sièges, non pas comme locataires mais plutôt propriétaires, dans différentes villes. Il y a Le Nouvel Elan de Muzito en tête, accompagné de l’AFDC et de l’UDPS.
Econews