Reprise des hostilités dans le Rutshuru : la diplomatie en panne, place à l’option militaire

Après quelques mois d’accalmie, les hostilités ont repris de plus belle dans le territoire de Rutshuru (Nord-Kivu) dont la cité de Bunagana et quelques localités de la collectivité Jomba sont occupées par le M23 soutenu par le Rwanda depuis la mi-juin.
C’est la preuve que la démarche diplomatique longtemps prônée par le gouvernement congolais est dans une impasse. Place dès lors à l’option militaire avec le seul objectif de repousser les rebelles pro-rwandais à leur point de départ au-delà de la frontière.

Rutshuru : des villages de Jomba se vident
Plusieurs villages du groupement Jomba, territoire de Rutshuru (Nord-Kivu), se vident à la suite des accrochages repris, depuis jeudi 20 octobre, entre les FARDC et le M23.
Selon des sources locales, citées par radio Okapi, ces personnes sont en train de fuir les échanges de tirs qui se sont poursuivis ce dimanche entre ces belligérants. Les sources administratives rapportent que plusieurs familles de Ntamugenga et Tarika continuent d’arriver à Rubare, une grande agglomération proche de Rutshuru-centre.
Pendant ce temps, les habitants des localités de Kibanda et Rangira affluent vers le chef-lieu du territoire de Rutshuru. Pour leur part, ceux de Tchengerero et Kabindi se sont refugiés à Bunagana et nombreux ont même traversé la frontière vers l’Ouganda. Il en est de même des habitants de Bunagana qui vident également cette cité frontalière et qui trouvent aussi refuge en Ouganda. Les mêmes sources rapportent que les populations ayant fui en Ouganda sont acheminées vers le camp de Nakivale, loin de la frontière.
Au cours de sa dernière rencontre à Londres avec la communauté congolaise et plus tard avec ses compatriotes résidant au Ghana, le président Félix Tshisekedi a repris son discours devenu son leitmotiv : devant la situation d’occupation dans l’Est, le gouvernement a toujours privilégié l’option diplomatique. Les opérations militaires étant le recours ultime.
Il l’avait déclaré du haut de la tribune lors de la 77ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, puis lors de la rencontre tripartite avec les présidents Kagame et Macron. Plus récemment, reçu par le roi Charles III au palais de Buckingham, le président congolais a émis le vœu de voir le monarque britannique user de son influence au sein du Commonwealth en vue de faire pression sur le président rwandais et l’amener à retirer ses troupes de la RD Congo.
Or, pendant qu’il achevait son mini-périple au Royaume-Uni et au Ghana où il s’est entretenu avec son homologue ghanéen Nana Akufo-Ado à qui il a répété son intention de mener à bout les processus de Luanda et de Nairobi pour le retour de la paix, les hostilités avaient repris sur la ligne de front dans le territoire de Rutshuru.
Depuis quelques jours en effet, la société civile du Nord-Kivu alerte sur la reprise des hostilités entre les FARDC et le M23, avec son lot habituel de déplacements des populations. Des informations plus alarmantes encore font état d’un flot de réfugiés quittant Bunagana en direction de l’Ouganda. Signe que les combats pourraient se rapprocher de l’épicentre des combats.

Une croix sur la diplomatie
La réactivation de la ligne de front est le signe que Kinshasa a résolu de mettre un terme à sa démarche diplomatique menée jusqu’ici tous azimuts. Elle s’explique également, en partie tout au moins, par la publication d’un rapport accablant de Human Rights Watch. L’ONG britannique affirme que les FARDC ont engagé le combat, soutenues par les rebelles rwandais des FDLR et par une coalition de groupes Maï-Maï.
Quand on sait la proximité des puissances anglo-saxonnes avec le régime de Kigali, il devient évident que les processus de Luanda et de Nairobi sont devenus caducs. Il ne restait plus à Kinshasa qu’à engager les hostilités sans trop compter sur la force multinationale de l’EAC. D’autant plus que le contingent kényan de cette force avait déjà annoncé que son rôle se limiterait à établir une ligne de démarcation entre les FARDC et les troupes d’occupation, afin de ne plus occasionner des morts de civils.
A la lecture du rapport de Human Right Watch, il est illusoire de penser ramener les autorités rwandaises à s’asseoir autour d’une table, elles qui ont de tout temps accusé les forces loyalistes congolaises de collaborer avec les «génocidaires» hutu. Paul Kagame et son régime s’en trouvent confortés dans leurs accusations et s’emploieront à en mener un lobbying appuyé auprès des chefs d’Etat et de gouvernement lors de la prochaine réunion du Commonwealth. Le tout au détriment du gouvernement congolais.

M.M.F.