Les participants au sommet de Brazzaville consacré aux trois grands bassins forestiers tropicaux mondiaux ont constaté le besoin d’une plus grande collaboration internationale pour protéger la forêt, essentielle à la régulation du climat. Le bassin du fleuve Congo, deuxième réserve forestière humide après le bassin amazonien, est aussi un gigantesque piège à CO2 aujourd’hui en danger.
Après deux journées de travaux, d’abord avec les experts, puis au niveau des ministres, la deuxième édition de ce «sommet des trois bassins» – Congo, Amazonie et Bornéo-Mékong-Asie du Sud-Est a réuni samedi 28 octobre une dizaine de chefs d’État africains.
Parmi eux : Félix Tshisekedi (RDC), William Ruto (Kenya), Faustin-Archange Touadéra (Centrafrique), Brice Clotaire Oligui Nguema (Gabon), Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée équatoriale), Umaro Sissoco Embaló (Guinée-Bissau), Nana Akufo-Addo (Ghana) ou encore Azali Assoumani (Comores).
«Ensemble, on peut aller plus loin», a déclaré le président de la transition du Gabon, le général Brice Oligui Nguema, premier président à prendre la parole, tout en demandant à la communauté internationale de «soutenir les efforts » de son pays pour préserver la forêt. «Soit nous vivrons ensemble, soit nous périrons tous ensemble», a-t-il lancé. «La collaboration n’est plus une option », a ensuite confirmé le président kényan, William Ruto.
Les allocutions, commencées en fin de matinée avec des représentants de différents pays et institutions, se sont poursuivies en milieu d’après-midi. Un huis clos s’est ensuite déroulé, avant la déclaration finale. Dans celle-ci, les participants ont simplement réaffirmé leur «engagement » de coopérer pour lutter contre la déforestation. Ils ont aussi annoncé avoir posé les bases d’une «feuille de route» pour aller vers «la construction d’un cadre commun de coopération entre les trois bassins ».
6,6 millions d’hectares de forêt détruits en 2022
Les trois bassins représentent 80% des forêts tropicales du monde et «les trois quarts de sa biodiversité », soulignait récemment la ministre congolaise de l’Environnement, Arlette Soudan-Nonault, en prédisant pour le sommet de Brazzaville « une déclaration de principe très forte ».
En 2011, Brazzaville avait déjà abrité un sommet sur les trois bassins forestiers tropicaux. Les participants avaient alors promis dans une déclaration commune de coopérer pour lutter contre la déforestation et d’aller vers un front commun lors des négociations sur le climat, mais sans créer pour cela de structure permanente comme le souhaitaient certains pays africains.
Les rencontres et sommets se sont multipliés depuis, mais la déforestation mondiale ne s’est pas arrêtée, loin de là. Dans un rapport publié mardi, un groupe d’ONG et de chercheurs a constaté que le monde était en train d’échouer à tenir sa promesse d’y mettre fin et d’inverser son cours d’ici 2030, en estimant que quelque 6,6 millions d’hectares de forêt avaient été perdus dans le monde en 2022, dont une grande partie de forêt primaire dans les régions tropicales.
Prendre en compte les droits des communautés
Dans un communiqué publié à la veille de l’évènement, l’organisation de défense de la nature, Greenpeace, a exhorté les dirigeants à améliorer le respect des droits des communautés dans les politiques de protection des forêts.
La résolution de la crise du climat et de la biodiversité exige des plans et des solutions intégrés, car il existe des dépendances fonctionnelles entre la biodiversité, l’intégrité des écosystèmes et l’atténuation et l’adaptation au climat.
Dès lors, la reconnaissance du rôle fondamental des peuples autochtones, des communautés locales et d’autres groupes détenteurs de droits dans la protection et la restauration de ces forêts, devient importante.
D’après Greenpeace, plus de 75 % des forêts sont protégées par les peuples autochtones et les communautés locales, mais leur rôle et leurs connaissances en matière de protection de la nature et de la biodiversité n’ont pas encore été suffisamment reconnus.
Alors que Brazzaville accueillait le Sommet des trois bassins forestiers de la planète, l’organisation non gouvernementale (ONG) a suggèré une meilleure prise en compte des droits des communautés. «Seuls 17 % des fonds alloués au cours des dix dernières années incluent la participation des peuples autochtones ou des organisations de communautés locales. Les voix des peuples autochtones et des communautés locales doivent être entendues et amplifiées. Ils doivent également avoir accès aux ressources pour maintenir leurs actions autodéterminées en matière de protection de la biodiversité et de lutte contre le changement climatique », indique Greenpeace.
Le crédit carbone, remis en cause
«Nous exhortons les gouvernements des pays des trois bassins à protéger et à restaurer les forêts, en particulier en garantissant la reconnaissance des droits et du rôle des peuples autochtones et des communautés locales. Ces gouvernements devraient se concentrer sur la mise en œuvre d’approches alternatives, durables et non marchandes de financement de la biodiversité et encourager l’action collective », a déclaré Victorine Che Thoener, responsable de portefeuille senior chez Greenpeace International et cheffe de délégation pour le compte de Greenpeace à Brazzaville.
Les nations forestières tropicales jouent un rôle central dans la lutte contre la déforestation tropicale et dans l’élaboration d’une gouvernance mondiale en matière de climat et de biodiversité. Et pour cause : les trois bassins (Amazonie, Congo, Bornéo-Mékong-Asie du Sud-Est) abritent collectivement 80% des forêts tropicales du monde et deux tiers de la biodiversité terrestre.
La réunion de Brazzaville était organisée quelques semaines avant la COP28, la Conférence internationale des Nations unies sur le climat, prévue à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023.
Avec AFP