Tshisekedi à l’ONU : pour quel discours ?  

Le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, s’adresse ce mercredi 25 septembre 2024 à la communauté mondiale, du haut de la tribune de l’organisation planétaire. Dans l’opinion informée, la question récurrente est celle de savoir de quoi Félix Tshisekedi va parler cette fois, étant entendu que la teneur de son adresse de septembre 2023 dans ses volets sécuritaire, des droits de l’Homme ou de la résolution du conflit qui oppose son pays au Rwanda n’a pas connu la moindre avancée dans l’entre-deux sessions. 

Pour sa sixième participation aux sessions annuelles de l’Assemblée générale de l’ONU, le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, s’adresse ce mercredi 25 septembre à la communauté mondiale, réunie à New York (Etats-Unis).

L’année précédente, lors de son discours de septembre 2023, Tshisekedi avait abordé des questions critiques telles que l’insécurité qui frappe l’Est du pays, les violations des droits de l’Homme, ainsi que les efforts pour résoudre le conflit avec le Rwanda. Cependant, malgré ces déclarations alarmantes, la situation n’a pas connu d’améliorations significatives depuis. Les observateurs s’interrogent donc sur la teneur du discours de cette année, dans un contexte où les attentes sont élevées.

Dans l’opinion publique, l’interrogation récurrente est de savoir s’il proposera de nouvelles solutions concrètes ou des initiatives pour mobiliser le soutien international. De nombreux Congolais espèrent que le Président de la République utilisera cette plateforme pour mettre en lumière les réalités du terrain, rappeler l’impact des conflits sur la vie quotidienne des populations, et insister sur le besoin urgent d’une coopération internationale pour stabiliser la région.

Les appels incessants à sanctionner le président rwandais Paul Kagamé et son entourage, ou la matérialisation du concept tant vanté de «Pays Solution» dans la lutte contre le réchauffement climatique sont restés au stade de discours d’un nationalisme exacerbé. Le pool des rédacteurs du discours du chef de l’Etat ont dû faire montre d’un génie certain pour présenter les mêmes dossiers en des termes qui leur donneraient une apparence de nouveauté.

Ci-dessous, un florilège de quelques matières déjà abordées par le chef de ‘Etat congolais dans divers forums internationaux, mais qui devraient s’inviter à la 79ème session de l’Assemlée énérale de l’ONU.

DES QUESTIONS RECURRENTES 

Tout d’abord et en vedette, Félix Tshisekedi devrait aborder la question de l’interminable agression rwandaise dissimulée derrière la «rébellion» du M23. Il devrait particulièrement exprimer son indignation devant la frilosité de la «communauté internationale» à appliquer des sanctions à l’encontre du président Kagamé et ses chefs militaires bien identifiés. Celles (les sanctions) décrétées par l’administration américaine contre le chef de l’AFC Corneille Nangaa et ses proches apparaissant aux yeux de Kinshasa comme un rideau de fumée sournois destiné à mettre hors de cause leur protégé rwandais et par conséquent à accréditer la thèse d’un conflit congolo-congolais.

ÉQUATION DES DROITS DE L’HOMME ET DIALOGUE

En bonne place également, la candidature de la RDC à son admission au Conseil des Nations Unies aux Droits de l’Homme (CNUDH) dont l’élection est prévue à Genève en Suisse, au siège de l’institution onusienne. Félix Tshisekedi devrait sans surprise solliciter l’appui de ses pairs africains.

Après les «événements malheureux» survenus à la prison centrale de Makala de Kinshasa dans la nuit du 1er au 2 septembre derniers, le président congolais aura beau jeu de mentionner les libérations massives en cours de détenus dont plus de 2000 ont recouvré la liberté sous l’impulsion de son nouveau ministre de la Justice Constant Mutamba. Il n’aura besoin dans cette entreprise de mentionner la multiplication des arrestations des opposants, des enlèvements et des atteintes aux droits fondamentaux imputés aux services des renseignements civils et militaires.

Hasard du calendrier ou stratégie bien arrêtée, un sit-in est prévu ce même mercredi 25 septembre devant le palais de Justice de Kinshasa. Organisée par le Cadre de concertation des forces politiques et sociales pour «dénoncer la répression qui s’abat sur les opposants politiques et les acteurs de la société civile et condamner le déni de justice et la barbarie orchestrés par les autorités publiques sur les citoyens de notre pays», selon le communiqué d’Ensemble pour la République de Moïse Katumbi.

La manifestation entend faire pression pour la relaxe des acteurs politiques emprisonnés, dont certains détenus au secret. Parmi les derniers en date, Seth Kikuni, un ancien candidat à la présidentielle de décembre 2023. L’autorisation ou la répression de la manifestation qui connaîtra la participation de plusieurs opposants ne manquera pas d’avoir un écho jusqu’à New York, jetant une ombre sur les bonnes intentions officielles affichées par le chef de l’Etat.

A New York pourtant, à six fuseaux horaires de sa truculente capitale, il est de bon ton de donner du Congo l’image positive d’un pays où règne un climat politique apaisé. Il en voudra pour preuve le dialogue de «la cohésion» nationale en préparation, une initiative de l’opposant Martin Fayulu. La présence de celui-ci, qui séjourne aussi aux Etats-Unis dans un cadre officieux, est un signe qui ne trompe pas.

SIÈGES PERMANENTS AFRICAINS AU CONSEIL DE SÉCURITÉ

L’annonce par l’administration Biden de favoriser l’attribution de deux sièges de membres permanents africains au Conseil de sécurité de l’ONU ne manquera pas non plus d’être effleurée. Bien que favorable à cette évolution qui intervient en pleine campagne électorale américaine, Kinshasa ne devrait manquer de soulever le caractère insidieux de l’intention de Washington qui a précisé que les deux membres africains ne disposeraient du droit de véto.

La présence de la MONUSCO au Congo, dont la fin de mission était pourtant annoncée pour le 24 décembre 2024, vient de connaître un retournement spectaculaire à la suite de la visite du secrétaire général adjoint le l’ONU chargé des opérations de maintien de la paix. En qualifiant de simple «fantasme» la fixation dans le chef de certains acteurs politiques sur cette date, Jean-Pierre Lacroix démolissait du coup une architecture de longue haleine qui devait aboutir au retrait d’une mission «de protection des civils» dont les populations concernées ne veulent plus, la MONUSCO ayant démontré son inefficacité au cours de près de 25 ans de présence en RDC.

Il faudra des trésors de diplomate à Félix Tshisekedi pour parvenir à expliquer à la communauté des nations (et à son peuple) les raisons du revirement auquel il aurait donné son assentiment. Une conclusion corroborée par l’absence d’une réaction officielle aux propos du Français.

A l’intention des puissances occidentales, Félix Tshisekedi devrait tenter d’apaiser les esprits des une et des autres en fournissant les raisons de la signature récente d’un Accord de coopération militaire avec la Chine dans le contexte de la guerre en Ukraine où Pékin ne cache pas son soutien à la Russie.

Enfin, la RDC aura l’occasion de renouveler son appel aux institutions attitrées à apporter leur appui à la RDC, «Pays Solution» et acteur majeur dans la lutte contre le changement climatique. Sa forêt équatoriale, ses immenses réserves en terres rares essentielles dans la fabrication de batteries électriques mettent le pays en pôle position des nations qui méritent toutes les attentions des investisseurs du secteur.

Alors que le Président Tshisekedi se prépare à prendre la parole, la communauté congolaise et les acteurs du monde entier resteront en attente d’un message inspirant, concret et porteur d’espoir – un appel à l’action face à des défis chroniques qui continuent de freiner le potentiel d’un des pays les plus riches du continent africain.

Econews

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