Condamné à une lourde peine d’emprisonnement dans le procès, dit de 100 jours, Vital Kamerhe, leader de l’Union pour la nation congolaise (UNC), tente un ultime recours devant la Cour de cassation, après avoir échoué à deux reprises au Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe et à la Cour d’appel du même ressort. Devant la Cour de cassation, Kamerhe se trouve entre deux feux, soit retourner en prison, soit retrouvé une vie normale qui devrait lui permettre de relancer sa carrière politique. Le dernier mot revient aux juges de cassation.
C’est loin de Kinshasa où s’ouvre ce lundi son procès devant la Cour de cassation que Vital Kamerhe, président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), suivra le dénouement de son dernier recours devant la Justice congolaise. Le moment est crucial.
Condamné au premier degré à une lourde peine d’emprisonnement dans le procès du programme, dit de 100 jours, au niveau du Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe, Vital Kamerhe n’a pas eu gain de cause en appel. Devant la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe, il avait juste bénéficié d’une légère réduction de peine, condamné à purger sa peine à la Prison centrale de Makala.
Prisonnier spécial, Vital Kamerhe a passé le reste de son incarcération dans une chambre sécurisée du Centre hospitalier Nganda, dans la ville de Kinshasa, avant d’avoir l’autorisation, à la surprise générale, d’aller se faire soigner à l’étranger, spécialement en France. C’est par un jeu privé que l’homme fort de l’UNC, l’un des grands artisans de la victoire du chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, à la présidentielle de décembre 2018, a quitté Kinshasa. Depuis, Kamerhe poursuit ses soins en France, en prisonnier presque libre.
L’ultime bataille
Ce lundi 11 avril 2022, la Cour de cassation se penche sur son affaire judiciaire. Des indiscrétions rapportent que Kamerhe a plus de chance de sortir indemne de cette bataille judiciaire qui l’a éloigné de la vie politique active. D’autres sources le voient déjà en prisonnier réhabilité qui a, en même temps, un pas vers la Primature.
Le plus évident est que le procès, dit de 100 jours, est de retour. Dans le box des accusés, Kamerhe, quoi qu’absent du pays, comparaîtra avec ses complices dont le Libanais Jammal et son neveu Daniel Shangalume Nkingi, dit «Masaro ».
Ce procès, qui portait sur un détournement de fonds publics de plus de 50 millions de dollars US, avait précipité la chute de Vital Kamerhe, alors directeur de cabinet du président Tshisekedi. L’homme avait été condamné en juin 2020 à 20 ans de prison avant de voir cette peine ramenée à 13 ans en appel.
Tshisekedi et Kamerhe formaient jusque-là un binôme d’apparence très uni. En novembre 2018, quelques jours après avoir désigné, avec les autres ténors de l’opposition congolaise (Bemba, Katumbi, Matungulu), Martin Fayulu comme candidat unique face au favori de Joseph Kabila, pour la présidentielle de décembre 2018, ils avaient repris leur signature et fondé leur plateforme politique (Cap sur le changement – Cach) pour défendre la candidature de Félix Tshisekedi à la présidientielle de 2018.
Le contrat entre les deux hommes prévoyait que Tshisekedi accomplisse un mandat avant de défendre la candidature de Kamerhe à la présidentielle de 2023.
Finalement, il n’en sera rien. Kamerhe, toujours officiellement « détenu à la prison centrale de Makala et circonstanciellement admis aux soins d’urgence au centre hospitalier de Nganda », selon les termes de la convocation, vit présentement, sous un statut difficile à définir, à Paris, depuis le mois de janvier dernier.
Son arrestation et sa condamnation avaient été présentées comme le symbole de la lutte contre la corruption voulue par Tshisekedi. Aujourd’hui, alors que pas un franc des montants détournés n’est rentré dans les caisses de l’État, l’épilogue de ce procès pourrait apparaître comme un échec du pouvoir dans ce combat contre la corruption qu’il a érigé en cheval de bataille d’un mandat sans réelle réussite.
Le grand retour
S’il est blanchi par la Justice au terme de cette ultime bataille judiciaire devant la Cour de cassation, Vital Kamerhe pourrait retrouver un rôle sur l’échiquier politique de la RDC. Dans l’une de ses interviews, Félix Tshisekedi avait d’ailleurs promis de le voir toujours jouer un rôle important dans la vie politique congolaise.
A Kinshasa, on n’écarte pas l’hypothèse de la relaxation de Kamerhe. Tout serait, semble-t-il, déjà aplani à la Présidence de la République où des négociations secrètes ont dorénavant balisé le chemin.
Pour plusieurs acteurs politiques congolais, il ne fait guère de doute que la levée des condamnations de Kamerhe s’assortit d’une forme de contrat avec la Présidence de la République qui voit se dessiner la campagne de la présidentielle avec de grandes appréhensions, un manque évident de bilan et une absence de communicateurs capables de chauffer une foule.
Le retour de Vital Kamarhe dans le sérail présidentiel se dessine – à grand pas d’ailleurs. Malin, Kamerhe et l’UNC n’ont jamais quitté la majorité au pouvoir. Sa réhabilitation peut tout aussi tracer la voie à la mise en œuvre de l’accord de Nairobi qui a porté Tshisekedi à la présidentielle, avec l’option d’accorder la Primature à Vital Kamerhe. Un cas de figure qui pourrait bien se dénouer après l’arrêt de la Cour de cassation.
Francis M.