En République Démocratique du Congo, on est habitué à récréer la roue, même là où elle existe déjà. Ainsi, en lieu et place de relancer la compagnie aérienne, tout aussi nationale, Congo Airways, le Gouvernement a levé l’option d’en créer une autre, Air Congo. Vendredi en Conseil des ministres, le Gouvernement a signé l’acte de décès de Congo Airways, donnant le feu vert au ministre des Transports, Voies de communication et de Désenclavement, Chérubin Okende, à la création d’Air Congo. Une marche à reculons !
Plus de doute possible. La compagnie aérienne Congo Airways, créée par Matata Ponyo Mapon sous le règne de Joseph Kabila, doit disparaitre. Ainsi en a décidé le Gouvernement qui a, apparemment, décidé d’asphyxier financièrement cette entreprise jusqu’à ce que mort s’en suive.
Ainsi, en lieu et place de relancer Congo Airways, le Gouvernement a décidé plutôt de créer une nouvelle compagnie aérienne nationale « Air Congo ». Les motivations sont bien connues. L’actionnariat de Congo Airways étant déjà bouclé, les nouveaux maîtres de Kinshasa ont réussi à convaincre le Chef de l’Etat pour créer Air Congo où ils auront la latitude de participer au capital social.
Vendredi dernier en Conseil des ministres, le ministre des Transports, Voies de communication et de désenclavement a présenté au Conseil les projets relatifs : au chronogramme des actions pour le lancement d’activités de la compagnie «Air Congo »; au relevé des démarches pour la création d’une entreprise en République Démocratique du Congo; (iii) aux statuts de «Air Congo S.A.»; et au Business-Plan de cette compagnie aérienne.
Il a rappelé que c’est à l’initiative du Président de la République, Chef de l’Etat, qu’un partenariat stratégique a été conclu l’an dernier, avec la compagnie aérienne Ethiopian Airlines Group, aux fins de promouvoir le développement du transport aérien dans des conditions optimales de sûreté et de sécurité dans notre pays.
Pour ce faire, il sied de créer une compagnie aérienne nationale normalisée, fiable et viable dont les parts sociales sont détenues majoritairement par la République Démocratique du Congo.
Le ministre Chérubin Okende a expliqué que cette joint-venture revêt des atouts substantiels susceptibles d’apporter des solutions techniques, matérielles, financières et l’expertise nécessaires pouvant procurer à la nouvelle compagnie une grande capacité de devenir leader et de supplanter la concurrence des compagnies privées et/ou étrangères au niveau domestique, régional et international.
Congo Airways, un itinéraire vers la faillite
Une analyse publiée récemment sur le site infocongo.net permet de comprendre ce qui se passe dans Congo Airways.
Congo Airways bat de l’aile. La Compagnie aérienne nationale est en passe de brûler ses ailes et de disparaître du ciel congolais à très brève échéance, victime de l’incurie politique et des décisions de gestion mal pensées et mises en œuvre par des mauvais gestionnaires.
On se rappelle que le 16 mars 2022, la société Kenya Airways a annoncé le retrait immédiat de ses deux aéronefs prêtés en leasing à Congo Airways. Ce retrait sonne comme un coup de glas pour la compagnie nationale qui se retrouve désormais avec un seul aéronef pour desservir le vaste territoire de la RDC.
Cette décision de la Compagnie kényane est aussi un véritable drame pour des centaines de passagers de Congo Airways, qui se retrouvent en plan dans de nombreuses villes du pays, dans une totale incertitude quant à leur retour.
Il n’est plus un secret pour personne que Congo Airways se trouve aujourd’hui dans des sales draps, avec une ardoise sociale de près de trois mois d’arriérés de salaires pour son personnel, des dettes-fournisseurs qui se sont accumulées notamment auprès des fournisseurs des carburants, en plus d’une gestion au lance-pierre de l’entreprise.
Dans un communiqué diffusé après la décision de Kenya Airways, la Direction de Congo Airways a tenté de rassurer que le retrait de deux avions (pour insolvabilité), «n’aura aucun impact sur la continuité de ses services», et dit attendre «le retour imminent de son aéronef Airbus A320 se trouvant au Maroc pour entretien».
Ce communiqué qui transpire le ton pathétique, n’a convaincu aucun spécialiste du secteur, et a même dû faire rire des vaches dans la vallée.
Congo Airways paie en fait le prix des politiques erratiques du pouvoir en place qui, sans études préalables et par pur populisme et démagogie politique, a imposé des baisses drastiques du coût des billets d’avions, sans rien changer aux charges fixes des compagnies aériennes nationales, notamment aux droits d’atterrissage exorbitants perçus par la RVA.
De plus, pour des raisons purement politiques, le régime en place a émasculé le comité de gestion de l’entreprise hérité du régime Kabila qui disposait d’une réelle maîtrise des paramètres de la société, au profit d’une nouvelle direction qui avait tout à apprendre. Conséquence : une envolée exponentielle des coûts d’exploitation, et une baisse drastique des recettes due, entre autres, à un endettement accru de l’Etat.
Congo Airways avait passé commande de quatre nouveaux aéronefs à la société brésilienne Embraer, mais attendant toujours la libération par l’Etat congolais son unique actionnaire, de 30 millions de dollars US pour les réceptionner.
A l’instar des autres entreprises du même secteur, comme Transco ou la SCTP également en voie d’obsolescence, Congo Airways est déjà placé en situation de coma prolongé. C’est le vendredi 15 avril 2022 que le Gouvernement a signé son certificat de décès, ouvrant la voie à la création d’Air Congo.
Hugo Tamusa
L’erreur est de penser que la création d’une nouvelle compagnie aérienne nationale permettra de résoudre le problème de l’aviation civile de la RDC
Notre pays, pour son désenclavement, a impérativement besoin de compter sur le transport aérien. Les avantages du transport aérien sont d’impact visible sur l’économie nationale, le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, la technologie, la santé et l’éducation, pour ne citer que quelques exemples concrets.
La RDC dans le domaine de l’aviation civile a plusieurs défis à relever. L’aviation civile de la RDC est un système et ne doit pas se résumer à une compagnie aérienne nationale. L’erreur aujourd’hui est de penser que la création d’une nouvelle compagnie aérienne nationale permettra de résoudre le problème de l’aviation civile de la RDC. Ce qui est tout à fait faux !
L’architecture organisationnelle de l’aviation civile de la RDC, établie par la loi n°10/014 du 31 décembre 2010, place la compagnie nationale au bas du système. Une compagnie aérienne ne subit que le système dans lequel il est un élément aux côtés des agences de fret et services assistance en escale.
La RDC doit répondre aux exigences normatives de l’aviation civile internationale.
Le problème de la liste noire européenne n’est pas lié à la compagnie aérienne nationale. Le DOC 9734 de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) cible la capacité de notre système national de supervision à superviser la sécurité et la sûreté aérienne. Il suffit que notre autorité de régulation, à savoir AAC-RDC réponde avec satisfaction aux exigences internationales, le pays sortira de cette liste noire.
Air Congo face à Congo Airways
Par principe, il est possible de comprendre qu’avec Air Congo, le pays multiplie ses problèmes et réduit ses opportunités de les résoudre.
Le ministre du Transport devrait, au regard de la loi relative à l’aviation civile, suivre les recommandations des audits OACI. Notre système d’aviation civile est défaillant dans trois domaines : celui des aides à la navigation aérienne ; des infrastructures aéroportuaires et exploitation aéroportuaire ; et enfin aux enquêtes accidents d’aviation (ANS, AGA et AIG.)
Air Congo ne sera que ASKY aux couleurs du drapeau congolais. Cette société à créer, qui compte sur les biens en liquidation des LAC-SARL pour pouvoir constituer 51% des parts d’actions et reprendre le lourd passif à injecter dans une compagnie aérienne pour actif, est déjà une compagnie sans viabilité.
Le Gouvernement congolais a toujours intérêt à rendre performant son conseiller en matière d’aviation (AAC-RDC) dans l’autonomie de gestion.
La situation de Congo Airways, société du Portefeuille de l’Etat, a besoin d’une restructuration profonde.
Ir Marvel Mutamba (Expert indépendant)