Qu’on se détrompe d’emblée. Par bassin du Congo, il ne faut entendre ni RDC seule, ni RDC avec Congo-Brazzaville. Selon Wikipédia, c’est le déversoir constitué des pays RDC, Congo-Brazzaville, RCA, Cameroun, Guinée-Équatoriale et Gabon. D’autres sources ajoutent Angola, Burundi, Rwanda, Tanzanie et Zambie. Soit sept des neuf pays voisins du Congo-Kinshasa.
Ce bassin passe pour deuxième plus grand bassin fluvial du monde après l’Amazonie du fait d’abriter une des forêts tropicales denses les plus riches du monde et en biodiversité, espèces animales comprises. Malheureusement, comme l’Amazonie, poursuit Wikipédia, le bassin du Congo subit une déforestation importante. De quoi inquiéter la planète Terre et préoccuper au plus haut point les États-Unis. Pourquoi principalement les Américains ?
LES ÉTATS-UNIS N’ONT JAMAIS RECONNU L’ACTE GÉNÉRAL DE BERLIN
L’histoire enseigne que la certification de l’existence du Bassin du Congo avait été établie lors de la Conférence Internationale de Berlin en 1885 à laquelle avaient pris par 14 pays européens. Objet ou objectif : «régler pacifiquement les litiges relatifs aux conquêtes coloniales en Afrique», relève l’Acte général de Berlin signé le 26 février 1885.
Comme tout Acte ou Accord, il comprend des articles. Son tout premier est ainsi libellé : «Le commerce de toutes les nations jouira d’une complète liberté». Ainsi, le premier des articles de cet acte ne porte pas sur la sécurité, ni sur le respect des frontières et tout ce qui s’y apparente. La priorité est au commerce.
L’espace concerné est décrit de cette manière : «Dans tous les territoires constituant le bassin du Congo et de ses affluents. Ce bassin est délimité par les crêtes des bassins contigus, à savoir, notamment : les bassins du Niari, de l’Ogoué, du Schari et du Nil, au nord; par la ligne de faîte orientale des affluents du lac Tanganyika, à l’est ; par les crêtes des bassins du Zambèze et de la Logé, au sud. Il embrasse, en conséquence, tous les territoires drainés par le Congo et ses affluents, y compris le lac Tanganyika et ses tributaires orientaux».
N’ayant rien à voir avec le Loch Ness des Grands Lacs (le fameux Accord de Lemera), l’Acte général de Berlin sur le Bassin du Congo a le double mérite d’exister et de produire ses effets. Mais, surtout, il a un problème sérieux au départ en ce qu’il n’a jamais été signé par les États-Unis.
Pourtant, cette conférence internationale est la première à laquelle les Usa avaient pris part depuis leur création en 1776.
En d’autres termes, les Américains n’ont jamais formellement pris acte des faits précolonial et colonial comme actes juridiques s’appliquant à l’Afrique. D’où, peut-être, leur propension à s’ingérer dans les affaires de tout État africain avant, pendant et après la colonisation.
A la limite, ils avaient sous la Guerre froide quelques réserves pour ne pas effaroucher Londres (pour les Etats sous colonisation britannique) et Paris (sous colonisation française). Mais pas pour Bruxelles et pour Lisbonne. La manière dont Washington a toujours traité les questions rdcongolaise et angolaise en est la preuve.
«SENTINELLISATION » DES POPULATIONS CONGOLAISES ET DÉSINVESTISSEMENT EN RDC
Les enjeux suscités par le changement climatique ramènent à l’avant-plan de la géostratégie mondiale le Bassin du Congo, donc forcément l’Acte général de Berlin, et au travers de celui-ci la RDC.
Au travers de leurs prises de position allant au-delà même des convenances diplomatiques élémentaires – par exemple l’opposition catégorique à l’exploitation de certains blocs pétroliers et gaziers en RDC – Washington signifie carrément à Kinshasa la non tenue en compte de sa souveraineté sur ses ressources du sol et du sous-sol.
Dans cette logique, on ne serait pas étonné d’assister à des désistements dans le chef des investisseurs potentiels qui ne voudraient pas défier les États-Unis qui, eux, sont dans la logique des relations relevant plus de l’humanitaire que du développement à l’égard de Kinshasa.
Or, avec l’humanitaire, il est établi que la formule des subventions au titre de compensation pour non-exploitation de certains sites pétroliers, gaziers, forestiers, miniers etc. ne résout pas le problème auxquels sont confrontés tous les Etats du monde : emploi jeunes.
Déjà, l’aide humanitaire a tué, au propre comme au figuré, la production en milieu rural. En y ajoutant l’aide à la «sentinellisation» consistant à réduire les populations autochtones non pas à produire, mais à devenir surveillantes de leurs propres ressources au profit des étrangers, on accroît la misère.
Après tout, ces populations vivent déjà les effets effroyables du désinvestissement dans les créneaux porteurs : mines, hydrocarbures et foresterie…
Finalement, premier Etat du Bassin du Congo en termes de superficie et des ressources humaines et naturelles, la RDC – présentée dans des tribunes américaines et occidentales en «intérêt stratégique des États-Unis», est réduite à seule une carrière dans son existence : «garder et cultiver le jardin d’Eden».
Même Dieu Créateur en a pourtant donné deux à Adam.
HUMILIATION : BUNAGANA EN CERISE SUR LE GÂTEAU ?
Maintes fois soulevée, la préoccupation sera toujours exprimée tant qu’il n’y aura pas de réponse satisfaisante.
Libre certes aux USA de n’avoir pas signé l’Acte général de Berlin de 1885.
Libre certes aux USA de réclamer leur part dans la création de l’EIC des suites des expéditions d’Henry Morton Stanley financées par les leurs.
Libre certes aux USA de croire disposer du droit de vie ou de mort sur l’existence de la RDC après l’avoir énormément protégée des velléités indépendantistes belges via les sécessions du Katanga et du Sud-Kasaï, mais aussi des rébellions lumumbiste, muleliste, kabiliste et mbumbiste entre 1961 et 1978, tout comme des agressions rwandaises, ougandaises et burundaises de 1996 à ce jour.
Libre certes aux USA de vouloir redessiner l’Afrique et, par ricochet, la RDC !
Mais est-ce une raison suffisante pour imposer aux Congolais, en plus du désinvestissement et des restrictions sur les minerais, les hydrocarbures, les forêts, et bientôt les eaux, l’humiliation Bunagana en cerise sur le gâteau ?
Constatons-le ensemble : lorsqu’il s’agit de protection des ressources du sol et du sous-sol qui influent sur le changement climatique, la RDC est pour les Etats-Unis un intérêt stratégique. Mais, lorsqu’il s’agit d’une énième agression rwandaise contre elle, la RDC cesse de l’être.
C’est cela, la preuve d’effets pervers de l’Acte général sur la Bassin du Congo pour le Congo-Kinshasa…
Omer Nsongo die Lema
In LPDA n°162 du 18 octobre 2022