Cacophonie dans l’Est de la RDC : ni la Force de l’EAC ni les Angolais n’ont un mandat «offensif»

Dans l’Est de la RDC, les troupes de l’EAC se comportent en « force tampon »…

Kinshasa se serait-il laissé berner par les belles promesses de l’EAC (Communauté de l’Afrique de l’Est) qui a déployé dans la partie Est de la République Démocratique du Congo des militaires des pays membres pour contrer l’avancée des «terroristes» du M23 ? C’est le moins que l’on puisse dire. A ce jour, tous les engagements convenus entre Kinshasa et l’EAC se sont terminé en eau de boudin. Et lorsqu’à Kinshasa, on continue à croire que la Force régionale de l’EAC peut combattre aux côtés des Forces armées de la RDC, c’est la présidente tanzanienne qui a, depuis Pretoria, en Afrique du Sud, remis les pendules à l’heure, en ces termes : « L’Afrique de l’Est a envoyé des militaires, ils sont là, ils ont la mission de maintien de la paix, nous ne sommes pas partis (en RDC) pour nous battre, nous allons pour discuter avec les rebelles …». Même rhétorique à Luanda qui s’apprête aussi à déployer ses militaires dans l’Est de la RDC. Bref, c’est la cacophonie qui s’installe dans l’Est de la RDC où on ne sait plus définir les rôles. Que reste-t-il encore à dire ? Si non, appeler Kinshasa à se réveiller – au plus vite d’ailleurs – pour ne plus se laisser conduire dans une diplomatie sans issue.
Le pays brûle. Pire, il part en lambeaux. Un vent mauvais souffle dans sa partie Est, et même au-delà des frontières. De mini-sommets en tables-rondes, de conclaves en médiations, en passant par des tête-à-tête et des déclarations va-t-en guerre aussi infructueux les uns que les autres, la crise dans l’Est de la RDC s’éternise, avec son lot de centaines de milliers de déplacés internes jetés sur les routes, qui finissent par s’entasser dans des camps de fortune dans la périphérie de Goma. Un malheur ne venant jamais seul, des cas de choléra sont déjà signalés parmi les déplacés de Karanyuchinya et de Mugunga. Les rebelles du M23 et leurs soutiens rwandais continuent à narguer les dirigeants de la région impliqués dans la recherche d’une solution négociée et confortent leur ancrage dans le Rutshuru et le Masisi, ne montrant aucune volonté de retrait vers le site de cantonnement du mont Sabinyo.
S’exprimant lors d’une visite officielle en Afrique du Sud, la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan a répété ce que l’on savait déjà : la force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC, East African Community) n’est pas venue au Congo pour combattre le M23. Rien de nouveau. Le commandant kényan de la force régionale l’avait déjà déclaré à l’arrivée du contingent, provoquant incompréhension et désillusion dans l’opinion congolaise, d’autant plus que le chef de l’Etat avait soutenu en septembre 2022à New York, à la veille du déploiement des soldats de l’EAC que ces derniers devaient faire leur entrée en territoire congolais par le poste frontalier de Bunagana occupé par les M23/RDF depuis le mois de juin 2022.
La même posture est adoptée par des Ougandais, Burundais et bientôt par le contingent du Soudan du Sud qui tarde à se déployer. A telle enseigne que l’utilité même de la présence de troupes étrangères sur le sol congolais interroge. Et pour corser la donne, l’Angola annonce à son tour l’envoi au Nord-Kivu de quelque 500 militaires «quand les conditions seront réunies». Ils auront pour mission, selon Luanda, de «sécuriser les sites de cantonnement et d’assurer la sécurité des membres du Mécanisme conjoint de vérification». Détail : les «sites de cantonnement», quoique bien identifiés sur le papier, ne semblent avoir aucun intérêt pour les forces d’agression, qui, en revanche, progressent et jouent au chat et à la souris avec les FARDC, abandonnant une position par-ci, en occupant aussitôt une autre par-là.
La direction politique du M23, pourtant reçue à Luanda le 3 mars 2023 par le président Lourenço, médiateur désigné par l’Union africaine – le jour même de la visite-éclair du président Emmanuel Macron dans la capitale angolaise – n’a de cesse de se dire non concerné par les décisions auxquelles il n’est pas associé. Ce à quoi le gouvernement oppose une position intransigeante qui n’a pas varié d’un pouce : il est disposé à ouvrir des négociations avec toutes les parties concernées dans la crise sous la seule et unique condition du retrait intégral des M23/RDF des localités occupées et d’adhérer au P-DDRCS (Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation).

A Kinshasa, on regarde ailleurs
Plus d’une année après la résurgence du M23 (pourtant défait en 2013) et l’occupation de la cité frontalière de Bunagana il y a neuf mois, la classe politique congolaise semble avoir le regard tourné ailleurs. Hormis le chef de l’Etat en personne, le ministre des Affaires étrangères Christophe Lutundula et celui de la Communication Patrick Muyaya qui se coupent en quatre pour porter la voix de la RDC aux quatre coins du globe, partis politiques et membres du gouvernement sont absorbés par des préoccupations aux antipodes du danger qui menace le pays d’une partition longtemps souhaitée par les multinationales anglo-saxonnes pressées de faire main basse sur les ressources naturelles dont regorge cette partie de la République par le Rwanda interposé.
Battant campagne avant l’heure, et peu importe si la perspective de l’organisation des élections en fin d’année semble s’éloigner, c’est à qui poussera plus fort la chansonnette de la réélection du président Félix Tshisekedi à un second mandat.
Les médias eux-mêmes relayent des informations aussi surréalistes que malvenues du genre : prochain examen à l’Assemblée nationale du projet de loi sur la nationalité des futurs candidats à la présidentielle; la Banque centrale satisfaite de l’évolution positive du taux de change, alors que les prix des biens et services montent en flèche; pose de la première pierre du futur immeuble du secrétariat général des finances qui portera le nom de l’actuel premier ministre; ou encore l’arrivée d’un tel à l’Union sacrée pendant qu’un autre en sort en claque la porte avec fracas…
Au sein de la classe politique, la distraction reste la règle et la lucidité, l’exception. Oubliant que le monde entier la regarde, la priorité reste l’enrichissement illicite et les petites luttes de positionnement politique au grand dam du rétablissement de la paix, attitude qui sert de terreau sur lequel fleurissent les velléités expansionnistes du Rwanda et de ses alliés africains et occidentaux.

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… alors que l’Angola annonce aussi l’envoi de ses troupes avec un mandat «non offensif».

Le pavé de Mboso
A l’Assemblée nationale, l’inefficacité de la Force régionale de l’EAC commence à agacer. Déjà, à l’ouverture, le 15 mars 2023, de la session de mars Christophe Mboso Nkodia Pwanga s’en est pris, sans porter des gants, aux troupes de l’EAC qui, selon lui, «tardent à exercer le mandat offensif en appui aux FARDC; mandat pour lequel elles ont été déployées sur le terrain ».
«Aujourd’hui, elles (Ndlr : les troupes de l’EAC) offrent désormais au peuple congolais l’image des troupes en villégiature sur le théâtre des opérations militaires au lieu de s’engager à faire la guerre. Leur présence sur le sol congolais risque de devenir inutilement onéreuse et son impact devra faire l’objet d’une évaluation froide afin que les conséquences ben soient tirées et des mesures correctives idoines qui s’imposent soient prises », a dit, d’un ton sec, le président de l’Assemblée nationale.
A l’instar du Gouvernement qui exclut toute négociation avec les «terroristes» du M23, le président de l’Assemblée nationale a embouché ce même discours, rappelant que «la RDC n’entend s’engager dans un processus de dialogue que si l’agresseur occupant rwandais retire ses troupes et ses exécutants de M23 du pays national». Et d’ajouter : «Pour la représentation nationale, procéder autrement serait légitimé l’agression et l’occupation, les massacres, les tueries, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité ainsi que toutes les autres indicibles souffrances infligées à notre peuple». L’attachement de la RDC aux vertus du dialogue ne constitue ni un signe de faiblesse ni un acte de lâcheté, mais plutôt une attitude responsable justifiée par le souci de ôter l’embrasement de toute la région d’Afrique centrale.
Avant d’attirer l’attention sur le fait que «la RDC doit s’assumer pour assurer la défense de sa souveraineté et l’intégrité de son territoire, de sa terre, de ses ressources et de son peuple face aux velléités expansionnistes et rétrogrades de son voisin le Rwanda».

Econews