Après avoir passé le week-end à Oyo (Congo-Brazzaville), à la rencontre du Président Denis Sassou Nguesso, le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, est annoncé ce lundi 15 mai à Luanda, en Angola, au sommet de la CIRGL (Conférence internationale de la région des Grands Lacs) qui aura un seul point à l’ordre du jour, à savoir la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC. Cette réunion de la CIRGL arrive au moment où Luanda et Kigali viennent de renforcer leur coopération. Face à Kinshasa, Luanda jouerait-il un double jeu ? Sans doute, ce lundi à Luanda, Tshisekedi ne manquera pas de demander des comptes à son homologue Joao Lourenço pour comprendre les dessous de son rapprochement avec le Rwandais Paul Kagame.
«Tshisekedi à Luanda pour un sommet de la Conférence des Grands Lacs». C’est ce qu’annonce Africa Intelligence sur son site Internet. Le site note que « le président congolais Félix Tshisekedi, qui s’éloigne ostensiblement de l’East African Community (EAC), n’en ménage pas moins les autres organisations régionales. Il a notamment prévu de se rendre le 15 mai au prochain sommet de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), à Luanda. Au menu une fois de plus : la situation sécuritaire dans l’est de la RDC ».
Bien avant son déplacement pour la capitale angolaise, le Président Tshisekedi a passé le week-end à Oyo, ville située à 400 km au Nord de Brazzaville (République du Congo), pour des échanges en tête-à-tête avec le Président Denis Sassou Nguesso.
Selon la presse présidentielle, le séjour de Félix Tshisekedi à Oyo s’inscrivait dans le cadre du raffermissement des relations bilatérales d’amitié et de coopération entre le deux pays.
Depuis qu’il a remis en cause la sincérité de la force régionale de l’EAC (Communauté de l’Afrique de l’Est), Félix Tshisekedi est à la recherche de nouveaux alliés pour ramener la paix dans l’Est de la RDC. A Windhoek, il a pu convaincre les pays de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) à déployer des troupes sur le terrain des opérations de l’est-congolais, avant d’aller nouer à Gaborone des relations d’affaires avec le Botswana.
Juste son périple dans l’Afrique austral, Félix Tshisekedi est allé à la rencontre du doyen Denis Sassou Nguesso. Pour quelle motivation ? Que se sont-ils dits ? Difficile à dire. On sait néanmoins que le Président Tshisekedi a fait le déplacement d’Oyo pour non seulement rendre compte à Denis Sassou Nguesso mais aussi avoir ses avis sur la nouvelle ligne de défense de Kinshasa au moment il tente de s’éloigner de l’EAC. Sans doute aussi, Félix Tshisekedi a-t-il voulu obtenir du Président de la République du Congo ses assurances sur la position du Luanda dans la crise congolaise au moment où on constate un net réchauffement de l’axe Luanda – Kigali.
Est-ce que, vu de Luanda, inspirerait-il encore confiance ? Ce lundi, sauf imprévu, Tshisekedi fera le déplacement de la capitale angolaise pour en voie le cœur net.
Econews
João Lourenço et Paul Kagame scellent leur alliance stratégique
Un nouvel ambassadeur rwandais doit prochaine ment faire son arrivée à Luanda. Le président Kagame a choisi un profil de haut niveau pour ce poste important, dans un contexte d’intensification des relations bilatérales avec l’Angola, principalement sur le plan sécuritaire.
L’ambassade du Rwanda en Angola aura bientôt un nouveau patron : le major général Charles Karamba s’apprête à en prendre les rênes, après avoir occupé plusieurs années le poste d’ambassadeur en Tanzanie. Cet ex-agent du Directorate of Military Intelligence (DMI, le renseignement militaire) est un homme de confiance du président Paul Kagame, qui l’avait choisi en 2015 pour devenir le chef d’état-major de la Rwandan Air Force (RAF).
Il remplace à ce poste clé Wellars Gasamagera, élu début avril secrétaire général du parti au pouvoir, le Front patriotique rwandais (FPR). Ancien sénateur (2003-2011) et ex-préfet de la zone rurale de Kigali, ce ponte de l’administration rwandaise a déjà exercé plusieurs rôles de premier plan au sein du FPR, dont il a été le porte-parole et le responsable des affaires politiques.
Lune de miel
Charles Karamba sera chargé de faire prospérer une relation bilatérale florissante. Son arrivée intervient au lendemain de la conclusion, le 15 avril, à Kigali, d’un accord stratégique que le Rwanda tentait de faire aboutir depuis plus d’une décennie. Le deal autorise l’extradition de personnes encourant une peine de prison de plus de deux ans, à la demande des autorités d’un des deux pays. La cérémonie de signature a rassemblé à Kigali le ministre de la justice angolais Francisco Queiroz et son homologue Emmanuel Ugirashebuja (qui cumule ce poste avec celui de procureur général).
Deux autres conventions – l’une portant sur le transfert de personnes condamnées et l’autre sur l’assistance judiciaire en matière pénale – ont été signées le même jour. Détail révélateur d’une relation au beau fixe entre les deux pays, le ministre angolais Francisco Queiroz avait symboliquement choisi Kigali pour célébrer le lancement de l’édition anglaise de son nouveau roman en amont de sa visite, à l’occasion de la Journée de la paix et de la réconciliation nationale angolaise, le 4 avril.
L’extradition, outil d’influence
Les accords d’extradition représentent un enjeu stratégique pour Kigali : ils ouvrent la voie à des poursuites à l’étranger contre de potentiels génocidaires en fuite, voire, également, à l’encontre d’opposants exilés trop critiques à l’égard du régime de Paul Kagame. Ces dernières années, le Rwanda a fait de cet enjeu une priorité diplomatique, concluant des traités avec le Mozambique (2022), l’Ouganda (2020), le Maroc (2019) ou encore le Kenya (2009). Ce type de convention existe depuis les années 1960 avec la Tanzanie (1963) et la RDC (1966 et 1973).
Le Rwanda a par ailleurs formulé des demandes en ce sens auprès de la République centrafricaine, de la Zambie et du Congo, sans succès pour l’instant.
Dernier épisode du rapprochement
Ce rapprochement sécuritaire n’est qu’une nouvelle variation dans la valse des courtoisies engagée entre Kigali et Luanda. Dans le secteur minier, le Rwanda s’implante à l’est par l’entremise d’Alexis Bayigamba, un entrepreneur rwandais proche de Paul Kagame et de l’ancien ministre des relations extérieures, Manuel Domingos Augusto (2017-2022). La fille d’Alexis Bayigamba, Gisèle Bayigamba, gestionnaire de la société Milbridge Angola, a d’ailleurs épousé le fils de Manuel Augusto en 2019. En février, Milbridge a remporté un contrat d’exploitation du cuivre dans la province angolaise de Moxico. Dès avril 2021, l’Etat angolais lui avait concédé un gisement diamantifère de 142 kilomètres carrés à Lucapa, dans la province de Lunda Nord.
Les entraves à la circulation des personnes ont été réduites. En mars 2022, le président angolais João Lourenço a décidé « par principe de réciprocité » d’accorder aux ressortissants rwandais l’exemption de visas, y compris de tourisme, pour les séjours inférieurs à 90 jours. Un décret présidentiel justifie cette exemption en citant notamment les « excellentes relations entre les deux pays ». L’exemption de visas aux détenteurs d’un passeport angolais avait été accordée trois ans plus tôt, en 2019, par les autorités rwandaises. Le projet de liaison aérienne directe entre Kigali et Luanda, signé en 2018 à Kigali et ratifié en 2020 par le président angolais, est cependant quant à lui toujours dans les limbes.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Lourenço en Angola, en 2017, son administration a multiplié les traités avec le Rwanda. Le dernier en date concerne la coopération dans les domaines de la sécurité et de l’ordre public. Il a été signé en février 2019, à Luanda, par le ministre angolais de l’intérieur, Ângelo de Barros Veiga Tavares, et l’ancien procureur général rwandais, Johnston Busingye.
Parmi les architectes de cette série d’accords, dont les négociations ont été engagées dès mai 2014, figurent l’ancien ministre angolais des relations extérieures de l’époque, Georges Rebelo Pinto Chikoti – secrétaire général de l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) à Bruxelles – et son homologue rwandaise et actuelle secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo.
Un maître-espion à Kigali
Sur le plan diplomatique, l’Angola a pris soin de nommer un profil de haut niveau pour son ambassade à Kigali : en 2019, l’ancien chef des renseignements angolais Eduardo Filomeno Bárber Leiro Octávio est devenu le premier ambassadeur d’Angola au Rwanda. A la tête du Serviço de Inteligência e Segurança do Estado (SINSE) de 2013 à 2018, sous la présidence de José Eduardo Dos Santos (1979-2017), il a ensuite été remplacé par le général Fernando Garcia Miala.
L’Angola est par ailleurs le médiateur officiel de l’Union africaine (UA) sur le différend qui oppose la RDC et le Rwanda sur la question de la lutte contre les rebelles du M23. A ce titre, Lourenço avait obtenu en juillet 2022 la signature d’un accord de paix à Luanda entre les deux pays. Cette position renforce l’intérêt du Rwanda à soigner au mieux son partenaire angolais, alors que la communauté internationale et les Nations unies reprochent à Kigali de soutenir le mouvement, dont les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) tentent de juguler l’activité.
Enfin, les échanges commerciaux entre le Rwanda et l’Angola restent anecdotiques, malgré des efforts de communication et d’affichage, notamment sur le plan évènementiel : deux forums économiques ont été organisés, l’un réunissant une délégation de l’Agência de Investimento Privado e Pro-moçãodas Exportações de Angola (AIPEX), à Kigali, en mai 2021 et l’autre, virtuel, mis en place avec l’agence rwandaise Rwanda Development Board (RDB), en octobre 2020.
Avec Africa Intelligence