Désescalade entre Kinshasa et Brazzaville après les envolées dans les médias et les réseaux sociaux.
Sous les lambris de la fête de l’amitié et de l’unité qui réunit les communautés francophones à Kinshasa, ce ne sont pas que les sportifs et les érudits culturels qui se mesurent. La capitale congolaise est aussi une destination diplomatique où se lavent des linges de la famille, mais où se poursuit le pugilat entre partenaires.
C’est, en tout cas, le cas des deux Congo, les plus proches voisins dont les relations, déjà assez froides ces dernières années, ont pris l’eau dans le gaz aux portes même des Jeux à la suite de propos peu courtois que les deux rives se sont lancés par-dessus le fleuve avec, au cœur du départ de feu, le Rwanda.
Le Rwanda au cœur d’un début de conflit entre Kinshasa et Kigali par médias et réseaux sociaux interposés
Entre Kinshasa et Brazzaville, en effet, les relations ont pris un coup de froid suite à certains commentaires de ce côté-ci du fleuve Congo à la suite du resserrement des relations entre Brazzaville et Kigali. Des Congo-kinois, qui se recrutent surtout dans les rangs de la majorité au pouvoir, ont eu des propos en deçà de la retenue à l’encontre du voisin Sassou Nguesso. Traité par des propos peu recommandables en diplomatie, le Chef de l’État congo-brazzavillois a été la cible de ceux qui ont trouvé de la traitrise d’un voisin et frère historique dans son rapprochement avec Paul Kagame, l’«ogre» de Kigali dont le pays a agressé la RDC à la faveur de son soutien des rebelles du M23.
Même si ces propos ne sont pas venus des officiels, Brazzaville n’a pas aimé et, comme les thuriféraires régimistes de Kinshasa, des gorges se sont faites chaudes pour réserver une réplique particulièrement tonitruante.
S’en est suivi un début de guerre de tranchées entre les deux rives qui vont se jeter à la figure leurs tares respectives. On semblait assister là à la levée d’une tempête qui s’était mise en embuscade depuis près d’une année lorsqu’on avait entendu à Kinshasa des propos hostiles à la suite d’un accord entre le Congo Brazzaville et le Rwanda qui obtenait des terres pour la culture des légumes aux portes de Kinshasa.
Avec la présence des troupes rwandaises dans le contingent onusien en Centrafrique, les Congo-kinois ont alors ressenti comme une stratégie d’encerclement de la part du Rwanda. Là aussi Brazzaville avait mal vécu le traitement lui réservé par le voisin kinois dont les officiels avaient estime peu utile de dissiper tout malentendu entre ces sentiments du citoyen lambda et la position officielle du Gouvernement.
Sous couvert des Jeux de la Francophonie, le Premier ministre brazzavillois à Kinshasa pour la désescalade
Il fallait donc engager la désescalade pour désamorcer la situation qui ne laissait plus les officiels indifférents. À l’instar de Denis Sassou Nguesso, ce voisin immédiat qui est parmi ceux qui ne pouvait pas décliner le déplacement de Kinshasa pour la fête de l’amitié, lui qui assiste déjà les frères kinois en temps de deuil.
La présence du Premier Ministre Anatole-Colinet Makoso à l’ouverture des neuvièmes Jeux de la Francophonie s’est donc voulu comme cette volonté de faire les mises au point qu’il fallait et recadrer les choses. Sa rencontre, samedi 29 juillet à la Primature, avec son homologue congo-kinois aura eu des sonorités de quatre vérités que se disent des frères pour rétablir les équilibres.
Anatole-Collinet Makoso s’est empressé, au sortir de cette rencontre, de dire sans ambages la détermination de son pays à préserver les bonnes relations de coopération avec la RDC, deux pays voisins condamnés à vivre ensemble. Il a évoqué également certains domaines de coopération qui condamnent les deux pays à mutualiser leurs destins Il a annoncé les différents domaines de coopération économique qui seront bénéfiques pour les peuples de deux pays.
«Nous sommes tous deux pays au programme (…) qui font face à des grands défis pour le développement du continent, pour l’émergence de nos pays respectifs, pour la satisfaction des besoins vitaux de notre population », a dit Makoso d’un ton diplomatique qui voulait à peine les soucis qui ont mis l’eau dans le gaz entre Kinshasa et Brazzaville.
Des défis qui se déclinent déjà en perspective du sommet environnemental des trois bassins pour lequel le Premier ministre Congo-brazzavillois a annoncé que son pays va avoir besoin du voisin kinois «parce que la RDC c’est l’un des poumons des fameux trois Bassins et plutôt du Bassin du Congo». Et de préciser encore : «Vous avez un expert ici et j’ai sollicité que le Premier Ministre nous le mette à disposition pour notre expert du climat pour que nous essayions de travailler sur ces questions ».
Puis de revenir encore sur «l’étroitesse de nos relations» comme pour, dans sa sagesse, avertir que soit mis fin à toutes les pratiques et initiatives tendant à les distendre.
«Les deux Congo sont un même peuple, la République Démocratique du Congo et la République du Congo sont unies par des liens séculaires que rien ne peut séparer en dehors du fleuve qui nous sert de passerelle, donc qui ne sépare même pas, mais qui nous relie », insiste-t-il, dans un élan discursif qui a trouvé échos auprès de son homologue Congo-kinois, Jean-Michel Sama Lukonde.
«Nous sommes interdépendants et condamnés à nous préserver les uns les autres »
Ce dernier a aussi martelé que les deux pays ont tout intérêt à se préserver mutuellement dans l’intérêt supérieur des populations. «Nous avons dit, c’est le même peuple, les mêmes langues et actuellement les mêmes défis, tant du point de vue économique que des attentes de nos populations», a dit Sama Lukonde avant d’insister encore « Nous sommes interdépendants à plusieurs égards (et) nous avons intérêt à nous préserver des uns des autres à tout point de vue, que ça soit sécuritaire et même sur des défis énergétiques qui sont les nôtres».
Et ce commentaire bien évocateur de la cellule de communication de la Primature à Kinshasa : «Cette rencontre entre le Premier ministre de la République démocratique du Congo et son homologue du Congo-Brazzaville prouve à suffisance l’existence des relations diplomatiques de bon voisinage de deux pays condamnés naturellement à vivre ensemble et à privilégier la paix et la sécurité ».
JDW
