Cela n’arrive pas tous les jours que les opposants, dans les démocraties africaines, jouissent de la sollicitude du pouvoir en place. Delly Sesanga et son parti politique, Envol, inaugurent, peut-être, une nouvelle ère du regard plus équitable de l’État sur l’opposition.
En effet, violemment attaqué à son arrivée à Kananga où il devait mener des activités politiques, l’élu national de Luiza, également candidat à la présidentielle, a reçu les encouragements indirects du Gouvernement par un message de son porte-parole Patrick Muyaya Katembwe. «Le gouvernement condamne l’agression de l’opposant Delly Sesanga à Kananga», déclare le ministre de Communication et Médias qui relève aussi que «la violence n’a pas de place en démocratie ».
Une position gouvernementale qui tranche avec les postures précédentes du Gouvernement dans des situations similaires, à l’instar de la marche de l’opposition qui avait été violemment réprimée.
De son côté, par contre, l’opposition n’a pas raté l’occasion pour dénoncer les travers d’une démocratie à la dérive, sur du fait que l’attaque du cortège de Sesanga est attribuée à l’UDPS/Tshisekedi, le parti politique du Chef de l’Etat. Et avec une véhémence soulignée, comme pour attirer l’attention de la communauté francophone réunie à Kinshasa dans le cadre des 9èmesJeux de la Francophonie.
«Toute la RDC fait face à de plus en plus de violence politique », décoche Moïse Katumbi qui, sur son compte Twitter, «note que Kananga a été le décor d’une agression sauvage et inacceptable contre Sesanga» à qui il exprime sa solidarité.
Le chairman d’Ensemble pour la République, qui a déjà essuyé des blocus similaires, notamment aux portes du Kongo Central où il a été interdit de séjour fin mai dernier, s’adresse ensuite à «ceux qui recourent aux méthodes barbares» pour leur rappeler que «nous ne sommes pas des ennemis mais des adversaires politiques ».
Avant de conseiller tout en demeurant ferme : «Ce n’est pas en jetant des pierres contre des opposants qu’on consolide la démocratie». Et de cogner ensuite plus sévèrement : «Nous n’accepterons jamais que revienne la dictature avec son cortège de privation de liberté, d’arrestations arbitraires, de violations des droits de l’homme, de faux procès, de musellement des opposants ».
Puis, plus conciliant : «Les Congolais aspirent au changement, à la liberté et à une vie meilleure. Continuons ensemble et en toute responsabilité à prêcher l’amour, l’unité, la cohésion et non la haine, la division et le chaos ! »
De son côté, le prix Nobel de la Paix, Denis Mukwege, considère que «Les discours haineux et menaçants, les arrestations arbitraires et le déficit d’inclusivité à la veille des élections nourrissent l’intolérance politique et les actes de violence». Avant d’exprimer sa «solidarité avec Sesanga et avec ceux qui œuvrent à l’avènement de la démocratie en RDC ! ».
Même son de cloche chez Claudel-André Lubaya, lui aussi élu du Kasaï Central, pour qui « les violences perpétrées contre le député Delly Sesanga, contre les journalistes qui l’accompagnent et contre ses partisans à Kananga sont insoutenables, inacceptables et inexcusables. Elles sont l’œuvre des individus mieux identifiés, instrumentalisés de façon obscène et grossière pour occulter les vrais problèmes de société et imposer par la terreur, la pensée unique ».
Dans son tweet aux allures d’un pamphlet, Lubaya poursuit que ces pratiques « dénotent de la montée de l’obscurantisme politique à l’approche des élections et visent à anéantir les acquis démocratiques au profit du fanatisme aveuglant et de l’arbitraire ».
Plus véhément encore, il martèle qu’«il n’y a pas et il n’y aura pas de place pour la haine et l’intolérance en politique » et que «le combat politique devra reposer uniquement sur les idées ».
Pour l’ancien Gouverneur de l’ex province du Kasaï Occidental, «la République, c’est permettre la libre expression de convictions que l’on désapprouve, dans la limite de ses principes fondamentaux ».
JDW