Elections de 2023 : l’énigme Joseph Kabila Kabange

Juin 2023 : Joseph Kabila, lors de sa dernière communication politique avec ce qui reste encore du FCC

Après sa dernière sortie médiatique en juin 2023, il a promis de parler, puis plus rien. Entre-temps, le FCC (Front commun pour le Congo), sa plateforme politique, s’est définitivement mis à l’écart du processus électoral, à part quelques défections encore en vue. Que nous réserve donc Joseph Kabila Kabange (JKK) qui, en décembre 2018, avait annoncé qu’il n’excluait pas de revenir aux affaires après 2023 ? Il devient une énigme alors que l’échéance du 20 décembre 2023 avance à grands pas. Décryptage.
Fin 2018, alors que la campagne électorale battait son plein pour l’élection présidentielle notamment, Joseph Kabila, Président sortant de la RDC, multipliait des interviews dans les médias internationaux, tantôt pour faire le bilan de ses 18 années de pouvoir, tantôt pour esquisser son avenir politique. De l’un de ses entretiens, on retenait son intention de ne pas faire ses adieux à la politique ni à la présidence de la République après le mandat qui allait débuter quelques semaines plus tard et auquel il n’avait pas concouru conformément à la Constitution.

«Je n’exclus rien», annonçait Kabila en décembre 2018 sur son sort politique après 2023
En décembre 2018, en effet, celui qui allait devenir Sénateur à vie laissait toute porte ouverte quant à son sort en 2023 : «Attendons 2023 pour envisager les choses », confiait-il avant d’ajouter : «Je n’exclue rien». Puis encore : «En politique comme dans la vie, il ne faut rien exclure parce que tout est possible. La question est plutôt: quel est le projet derrière tout cela? ».
En attendant, Joseph Kabila promettait de se faire le gardien du futur de son pays afin que soient préservés les acquis qu’il estimait avoir engrangés pour la RDC. «Mon rôle sera de m’assurer qu’on ne retombe pas à la case départ. C’est à dire au Congo d’il y a 20 ou 22 ans». Un rôle qui, selon lui, devait être de « conseiller, de donner toutes les informations possibles pour que le passé de notre pays reste le passé».
Depuis lors, les choses ne se sont plus passées comme il l’avait prévu ou comme il le souhaitait. Kabila avait, certes, réussi à maintenir sa famille politique aux commandes de l’appareil étatique avec la majorité parlementaire qui lui permettait de prendre la direction de l’Exécutif par la Primature. Mais l’alliance avec le Président élu, qu’il avait lui-même annoncé dans son tout dernier message à la Nation avant les élections de décembre 2018, volera en éclats une année plus tard et sa majorité sera renversée dans les conditions que l’on connaît.
Retour sur scène en juin 2023, annonce de nouvelles révélations
Depuis, Joseph Kabila s’était muré dans le silence, tandis que sa famille politique se disloquait avec des départs jusque parmi les personnalités insoupçonnées qui iront rejoindre l’Union sacrée, la nouvelle famille politique majoritaire de Félix Tshisekedi qui, lui, s’emploie désormais à marquer son régime d’une main de fer et sans concession aucune.
Aujourd’hui, à cinq mois des nouvelles élections prévues en décembre 2023 (sauf changement inattendu), l’énigme JKK demeure entière, même si, depuis plusieurs mois, sa famille politique – qu’il n’a jamais démentie – a choisi de ne pas prendre le départ sans les ajustements qu’elle réclame depuis.
Revenu au-devant de la scène en juin dernier au cours d’une adresse avec ce qui reste du pré-carré de sa famille politique, Joseph Kabila avait finalement rompu le silence, mais sans trop lever un coin du drap du mystère de ce que peuvent être ses ambitions politiques.
Certes, dans cette adresse qui a mobilisé l’attention aussi bien de ses fanatiques que du régime en place et de nombre de bastions diplomatiques à Kinshasa, en Afrique et dans le monde, le Sénateur à vie avait embrayé sur la même lancée que le Front commun pour le Congo (FCC) quant à son refus de participer aux prochaines élections. La famille Kabila n’a donc, officiellement, pas présenté des candidats aux prochaines législatives nationales et provinciales, ainsi qu’aux municipales qui vont se tenir pour la première fois. A la place, l’ancien Président de la République s’est montré particulièrement sévère vis-à-vis de ce processus électoral qu’il ne s’est pas caché d’affirmer qu’il est entièrement à la solde du régime en place. Il a, en effet, dénoncé, entre autres, la corruption de la Cour constitutionnelle avec l’installation des juges dévoués au régime Tshisekedi, autant qu’à la direction de la CENI dont il a exigé la réforme. De même a-t-il rejeté un fichier électoral bidouillé et «audité » par les amis de Denis Kadima, son Président, donné pour être à la solde du régime.

768 32

Ici, le « Raïs » pose avec le gouverneur honoraire de la ville de Kinshasa, André Kimbuta, Toussaint Tshilombo et Raymond Tshibanda, coordonnateur du Comité de crise du FCC.

Sans engagement aux élections, JKK demeure une énigme pour décembre 2023
Bref, sans une majorité parlementaire, puisque n’ayant pas pris le départ de l’élection pour ce faire, il est automatiquement exclu de s’attendre à voir Kabila prendre le départ de la prochaine présidentielle. Il n’a donné aucun signe dans ce sens, alors qu’on se renvoie à ses propos de 2018 où il n’excluait pas sa représentation pour ce faire, tandis qu’il promettait de veiller sur les acquis de ses 18 ans de mandat. Alors que, entre-temps, la RDC a marqué un sérieux recul démocratique avec une aggravation de certains manquements comme au niveau de la justice qui est ouvertement devenu le couteau suisse de la tshisekedie.
Pourtant, c’est le même Joseph Kabila Kabange qui, lorsqu’il a fait son come-back en juin dernier, avait annoncé qu’il allait parler. Une annonce qui faisait de toutes les dénonciations qu’il venait de faire, juste une sorte de «biffer les mentions inutiles» ou sa version des faits de ce qui s’était passé pour la dislocation de la coalition FCC-CACH, qu’il avait placée sur le compte de la violation de la Constitution et des lois.
C’est ici, particulièrement, que se situe l’énigme Kabila au moment où la CENI fonce sans désemparer pour appliquer à la lettre son calendrier électoral et où le pouvoir en place ne fait aucune concession et se montre déterminé à ne pas en concéder sur une scène politique qu’il a verrouillée d’une main de fer. Lorsque Kabila annonçait en juin dernier qu’il allait parler, les observateurs se sont désormais pendus à ses lèvres pour attendre cette intervention et savoir ce qu’il pourrait en être après ce qu’il a dit en dehors de quoi ces mêmes observateurs estiment qu’il n’y a plus rien à dire.
L’on sait également que dans son auto-réclusion, à Kinshasa comme dans sa ferme de Kashamata à Lubumbashi, Joseph Kabila a beaucoup consulté et été consulté par des milieux diplomatiques et même des délégations étrangères venues à pas feutrés. Et ceci en rajoute à la lourdeur du nouveau silence du taiseux Kabila qui, depuis juin 2023, pèse d’un poids encore plus mystérieux.
JDW