Volatilité du taux de change et des prix intérieurs : Gouvernement et Banque Centrale en ordre de bataille

A la Banque Centrale du Congo (BCC), la machine tourne en plein régime face à la persistance des chocs qui pèsent sur le marché des changes. Si la Banque Centrale reste confiante sur l’efficacité de ses instruments de régulation des liquidités, elle a cependant décidé de miser sur le taux directeur pour, dit-elle, « resserrer davantage la politique monétaire, neutraliser tout excès de liquidité, et mieux soutenir la stabilité macroéconomique ». Réuni, le mardi 8 août 2023, autour de Mme la gouverneure Malangu Kabedi-Mbuyi, le Comité de politique monétaire (CPM) a levé l’option de relever le taux directeur de la BCC de 11% à 25%. Malgré la hausse du taux directeur, le CPM recommande la prudence. Aussi, « considérant la persistance des chocs et des risques internes et externes auxquels l’économie nationale continue de faire face », le CPM a-t-il recommandé « le maintien de la vigilance dans la conduite de la politique monétaire, et appelé au renforcement de la coordination des actions de politiques budgétaire et monétaire ». Parallèlement à la grande mobilisation qui gagne les rangs de la BCC, le Gouvernement, réuni mercredi dans le cadre du Comité de conjoncture économique, a décidé de s’attaquer à la faible élasticité des prix à la baisse, malgré un net raffermissement, souligne-t-il, du franc congolais sur le marché des changes. Décidément, face à la volatilité du taux de changes et des prix intérieurs, Gouvernement et BCC ont décidé de déployer de gros moyens.
Sur le marché des changes, on assiste à une rude bataille entre le franc congolais et le « roi dollar ». Si la monnaie nationale a terminé dans un certain réconfort, récupérant du terrain par rapport à la devise américaine, le franc congolais a cependant présenté des signes de fébrilité dès le début de ce mois d’août. Depuis lors, le franc congolais tangue, quand le dollar américain se raffermit sur le marché des changes.
A la Banque Centrale du Congo, autorité monétaire de la RDC, on se mobilise pour ramener le calme sur le marché. La question a été au centre, mardi 8 août, de la réunion extraordinaire du Comité de politique monétaire de la Banque Centrale du Congo qui s’est réuni sous la présidence de Mme la gouverneure Malangu Kabedi Mbuyi.
Le communiqué publié à l’issue de cette réunion note que « le CPM a consacré cette réunion à l’évolution récente sur les marchés des changes et des biens et services, dans le contexte économique général actuel, au niveau national et international. Au regard de la persistance des tensions inflationnistes externes et internes, le CPM a convenu de resserrer davantage la politique monétaire, et décidé de procéder à un nouveau relèvement du taux directeur de la BCC ».
Dans son communiqué, le CPM indique qu’il a noté qu’«au cours de ce troisième trimestre de l’année 2023, l’environnement économique national a été marqué par une accentuation des pressions sur le taux de change et l’inflation. Dans un contexte plutôt tendu, l’inflation et la dépréciation du franc congolais se sont accélérées, particulièrement à mi-juillet », relevant qu’«à l’instar de la situation dans les autres pays de la sous-région, ces perturbations continuent d’être tirées par l’impact sur les partenaires commerciaux de la RDC, des chocs extérieurs liés notamment à la guerre en Ukraine. L’économie nationale étant très dépendante des importations, elle est fortement affectée par ces développements extérieurs négatifs dont l’impact est renforcé par celui d’importants chocs internes qui affectent la RDC, y compris la guerre dans l’Est du pays qui continue d’exercer des fortes pressions sur le budget de l’Etat».
Toutefois, le CPM fait remarquer que « les pressions inflationnistes et celles sur le taux de change se sont atténuées au cours des deux dernières semaines, à la faveur des nouvelles mesures correctives mises en œuvre dans la seconde moitié de juillet dans les domaines monétaire et budgétaire. L’amélioration de la coordination entre les politiques monétaires et budgétaires a, en effet, permis de mieux contenir et absorber la liquidité excédentaire dans l’économie, réduisant ainsi les pressions sur le marché des changes et sur celui des biens et services ».
A cet effet, le CPM a noté que «les perspectives économiques mondiales pour le reste de l’année sont marquées par des incertitudes importantes, dues à l’intensification des fragmentations géopolitiques et aux répercussions de la poursuite de la guerre en Ukraine, qui pourraient affecter négativement l’activité économique mondiale, et se traduire par une inflation importée plus importante ».
Et de conclure : «Ainsi, considérant la persistance des chocs et des risques internes et externes auxquels l’économie nationale continue de faire face, le CPM a recommandé le maintien de la vigilance dans la conduite de la politique monétaire, et appelé au renforcement de la coordination des actions de politiques budgétaire et monétaire. Dans ce contexte, et au vu des perspectives incertaines au niveau de l’économie mondiale, le CPM a décidé de relever le taux directeur de la BCC de 11% à 25% afin de resserrer davantage la politique monétaire, neutraliser tout excès de liquidité, et mieux soutenir la stabilité macroéconomique ».

La bataille des prix intérieurs
Si la Banque Centrale du Congo a positionné son curseur sur la stabilité du franc congolais sur le marché des changes, le Gouvernement a décidé de concentrer son action sur les prix intérieurs.
Réuni mercredi autour du Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, le Comité de conjoncture économique (CCE) a consacré ses discussions sur la faible élasticité des prix à la baisse, malgré un net raffermissement du franc congolais sur le marché des changes.
Pour renforcer le pouvoir d’achat des Congolais, en conformité avec les mesures économiques du Gouvernement sur le taux de change, le CCE a annoncé le contrôle économique rigoureux des prix des biens sur le marché, a fait savoir à la presse le vice-Premier ministre en charge de l’Économie nationale, Vital Kamerhe.
«Ça fait trois semaines que le Gouvernement, à travers la Banque centrale, est intervenu directement sur le marché des changes. Je crois que la population congolaise et tous ceux qui vivent dans notre pays apprécient cette appréciation du franc congolais. Nous allons vers la stabilisation de notre monnaie qui est l’attribut de souveraineté pour un pays. Ceci dit, nous avons eu des mesures additionnelles de la part de la Banque centrale, toujours dans le cadre de renforcer ces stratégies que la Banque centrale est en train d’appliquer pour vaincre ce combat contre la spéculation sur notre monnaie et pour la dédollarisation de notre économie. Au niveau du Gouvernement, il y a eu d’autres mesures qui ont été prises et que le Premier ministre et les membres du Comité de Conjoncture ont avalisées aujourd’hui. C’est que, nous devons réguler notre économie. La régulation appelle à des initiatives de production », a déclaré le VPM Kamerhe. Et de poursuivre : « Nous avons aussi décidé que nous n’allons pas laisser faire comme dans une jungle. Le contrôle économique sur les prix doit se faire et de manière sérieuse. D’aucuns ne peuvent comprendre qu’au moment où le taux de change a sensiblement diminué en faveur du franc congolais et s’est stabilisé, depuis trois semaines, les prix restent pratiquement les mêmes. C’est comme ça que nous avons reçu tour à tour les pétroliers qui appliquent le taux de change au niveau de leurs stations, mais nous devons informer ces derniers, qu’à la suite du petit contrôle qui a été fait ce matin, il y a une pratique qu’ils doivent bannir. C’est-à-dire, vous achetez du carburant pour 100 dollars à 22.500, mais tout de suite après, les 100 dollars sont échangés derrière la maison chez un cambiste à un taux très élevé. Donc, nous allons suivre cette chaîne jusqu’au bout. Nous avons vu aussi des prix différents. On applique le taux ici au centre-ville, mais quand vous allez au-delà de Kinkole, au-delà de N’sele, on voit les prix commencer à monter petit à petit. Tout ça, c’est un travail de régulation économique. Donc, vous pouvez faire confiance à votre gouvernement. Les opérateurs économiques doivent soutenir l’économie, parce que, après tout, nous tous, nous voulons le bien-être », a déclaré Vital Kamerhe. 
Le VPM de l’Économie nationale a, par ailleurs, dissipé le malentendu concernant ceux qui estiment que la stabilité actuelle du franc congolais est juste conjoncturelle.
«Ceux qui pensent que la stabilité du franc congolais est conjoncturelle, se trompent. C’est qu’il y a à la fois des mesures de politique monétaire qui sont bien menées par Madame le Gouverneur de la BCC. Il y a aussi des mesures d’ordre économique et budgétaire au niveau du Gouvernement. Des résultats inévitablement seront en faveur du pouvoir d’achat de la population », a-t-il ajouté. 
A tout prendre, Gouvernement et Banque Centrale du Congo ont donc décidé de créer une synergie pour d’un côté atténuer les chocs sur le marché des changes, et de l’autre, stabiliser les prix intérieurs.
Ce qui rejoint l’appel lancé par la BCC en faveur d’une parfaite collaboration avec le Gouvernement pour une gestion rationnelle du franc congolais.

Econews