A la magistrature, l’heure est à la grande purge. Ainsi en a décidé le Chef de l’Etat, le magistrat suprême, pour nettoyer les écuries d’Augias en débarrassant la magistrature des brebis galeuses qui rognent ses rangs.
Plusieurs magistrats civils et militaires ont été révoqués et d’autres demis de leurs grades et fonctions, aux termes d’une série d’ordonnances présidentielles, lus, le lundi 28 août 2023, sur les antennes de la télévision nationale. Ces décisions touchent tout autant de magistrats du siège que ceux du ministère public dont des juges, des procureurs et substituts du procureur.
Au nombre de magistrats révoqués, on compte un conseiller à la Cour d’appel, Batena Tshingandu; un juge du tribunal de grande instance, Kakuata Bwabuy, un juge du tribunal de paix Mananasi Iduma. Ces magistrats ont fait l’objet de cette révocation à la suite de leur condamnation définitive par la Cour de cassation, siégeant en appel en matière répressive, à des peines d’emprisonnement pour faux en écriture commis par un fonctionnaire.
Un autre juge du tribunal de paix, Kambere Faustin, est, lui aussi, révoqué à cause de sa condamnation à une peine d’emprisonnement pour viol d’enfant.
Un magistrat militaire, le major Nadeane Falanga Alexis, premier substitut de l’auditeur militaire de garnison, fait également partie des magistrats révoqués, suivant son dossier personnel.
Parmi les magistrats demis d’office de leurs fonctions, on note Bikoma Bahinga, président du Conseil d’Etat, pour désertion.
Sur la liste de magistrats démis d’office, on compte aussi les noms suivants : Ndaya Kabulu, président de la Cour d’appel; Muland Yav Muland, président du Tribunal de grande instance; Mboyo Edobola, juge permanent du Tribunal de commerce; Panga Landa, président du Tribunal de paix.
Par ailleurs, de nombreux autres magistrats ont été nommés à différentes fonctions. Des sources internes de la Présidence de la République rapportent qu’en accord avec le Conseil supérieur de la magistrature, une nouvelle mise en place des magistrats est en télécharge-ment sur toute l’étendue de la République.
Pour le Chef de l’Etat, il s’agit d’apporter un vent nouveau à la justice congolaise qui a longtemps évolué en déphasage des principes élémentaires d’un Etat de droit.
Sévère réquisitoire
L’on se rappelle que, dans une de ses communications en octobre 2022 au cours d’une réunion du Conseil des ministres, le Président de la République avait déploré les dysfonctionnements dans l’administration de la justice et qui affectent, selon lui, le renforcement de la gouvernance publique et de l’Etat de droit.
Tout en rappelant «le rôle pivot reconnu à la Justice dans l’architecture constitutionnelle», il est revenu au magistrat suprême de «constater que, loin de se relever de ses faiblesses pour l’instant, notre Justice va encore mal s’invitant sur le banc des accusés, à la grande incompréhension et désolation de notre peuple».
«Chaque jour dans tous les coins du pays, avait encore indiqué le Président de la République, le peuple assiste abasourdi scandaleusement à des actes ou comportements de certains acteurs judiciaires ainsi qu’à des actions ou décisions judiciaires à la limite du hasard et de la théâtralisation de la Justice, creusant davantage la méfiance devenue légendaire entre le peuple et la Justice».
Au regard de ces dysfonctionnements, le Chef de l’Etat a, tout en respectant le principe de séparation des pouvoir et l’indépendance de la justice, estimé que «le Conseil supérieur de la magistrature devrait se mobiliser pour relever efficacement le défi de la régulation administrative et disciplinaire de la magistrature», promettant d’ «y veiller personnellement dans le cadre de ses prérogatives». Il a, par la suite, chargé la ministre d’État, ministre de la Justice et Garde des sceaux, de « travailler avec le Conseil Supérieur de la Magistrature en activant la passerelle légale du cadre de concertation prévue à l’article 17 du Règlement Intérieur du Conseil Supérieur de la magistrature afin de proposer une série de pistes de solution rapide. Autant que l’Inspection Générale des Services Judiciaires et Pénitentiaires, comme instrument d’accompagnement du ministère de la Justice, est appelée à jouer son rôle de manière efficace».
Si le problème est «structurel », Félix Tshisekedi a cependant estimé qu’une évaluation «peut s’avérer capitale et conduire à une révisitation des mécanismes légaux ou même institutionnels afin d’insuffler à la Justice un nouveau souffle ».
A tout prendre, cette première vague de nettoyage de la magistrature va sûrement dans ce sens.
Francis N.