C’est sous le titre pompeux «spoliation des parcs Upemba et Kundelungu : graves risques de la perte des espèces animales et violations des droits environnementaux» que l’ONG Justicia Asbl a présenté samedi au Cepas (Kinshasa) son rapport. Devant la presse, Me Timothée Mbuya, coordonnateur de cette ONG qui opère depuis Lubumbashi, chef-lieu du Haut-Katanga. Justicia qui se dit défenseur du droit en matière de conservation de la nature s’oppose vigoureusement au projet hydroélectrique Sombwe qu’un Congolais, Eric Monga, met en œuvre dans la lisière du parc national de l’Upemba, dans la province du Haut-Katanga. Si Justicia se montre rigoureux sur le projet Sombwe, il se montre cependant clément sur des projets similaires que l’Union européenne supervise dans le Parc national des Virunga (Nord-Kivu). Ce qui irrite certains observateurs qui n’hésitent pas à dénoncer un acharnement sur un projet porté par un Congolais. Pourquoi cette politique de deux poids, deux mesures ? Sur quoi Justicia fonde-t-elle réellement ses inquiétudes ?
Me Mbuya s’en défend : «Nous ne soutiendrons pas quelqu’un qui viole la loi en matière de conservation de la nature». Y aurait-il une main noire derrière l’activisme de Justicia ? Dans la Société civile, on n’exclut pas cette hypothèse.
C’est à partir de Kinshasa, siège des institutions nationales et internationales, que l’ONG Justicia Asbl, basée à Lubumbashi, a présenté samedi son rapport, intitulé «spoliation des Parcs Upemba et Kundelungu : graves risques de la perte des espèces animales et violations des droits environnementaux ». Maître des céans : Me Timothée Mbuya, coordonnateur de Justicia Asbl.
Si Justicia Asbl n’a pas été prolixe sur la ferme Espoir, développé au niveau du Parc de Kindelungu, dans la province du Haut-Katanga, il a cependant exprimé de vives inquiétudes sur le projet hydroélectrique Sombwe qu’un Congolais, Eric Monga, développe dans la lisière du parc de l’Upemba dans le Haut- Katanga. Me Mbuya est convaincu que ce projet se trouve dans le périmètre du Parc de l’Upemba. D’où, son engagement à le combattre par tous les moyens possibles.
« Ce que nous avons fait, c’est juste une alerte, en attendant la mise en place de la commission mixte pour faire toute la lumière sur ce qui se passe dans les parcs Upemba et Kundelungu », a-t-il dit, estimant que « notre souci, c’est juste faire respecter la loi. Nous sommes une organisation citoyenne. Nous avons amené sur la table un débat citoyen».
Quant au projet Sombwe, mis en oeuvre dans le cadre de la société Kipay Energy, Me Mbuya se montre intransigeant. « Kipay ne nous a jamais montré son rapport de l’étude environnementale.
Nous continuons à attendre », lance-t-il. A quel titre lui réserverait-il la primeur de ce rapport ? A cette question, Me Mbuya a préféré botter en touche.
Il conseille néanmoins à Kipay de délacer son projet en le développant en dehors des limites du parc : «Pour Kipay, l’issue est de déplacer le barrage vers un site qui n’est pas protégé (…) Au-delà de ça, la plus grande question, c’est la question juridique. C’est une question de respect de loi. Nous, nous pensons que le fait qu’une partie de ce barrage soit dans le parc est une violation de la loi sur la protection de l’environnement.
C’est pour cela que nous avons demandé au promoteur de ce barrage de le construire ailleurs ».
Sur la base de quelle étude devrait-il privilégier cette option ? Me Mbuya n’a pas voulu aborder ce sujet.
Mais, quand dans le Parc des Virunga, des projets de développement de grande envergure sont en œuvre avec l’appui de l’Union européenne, Me Mbuya trouve une belle explication.
«Tous les projets énergétiques des Virunga sont en dehors du parc ». Sur quoi fonde-t-il cette conviction. Me Mbuya dit se référer aux données GPRS collectées par son organisation. Une approche insuffisance, lui a d’ailleurs rétorqué un représentant de WWF présent à la conférence.
Et lorsqu’on lui rappelle que l’Union européenne, tout en combattant le projet Sombwe, travaille en même temps sur un projet similaire dans le Parc de l’Upemba, gêné, Me Mbuya promet néanmoins que « si l’UE travaille sur le même projet à Upemba, elle va nous trouver sur son chemin. Notre souci, c’est défendre la loi ».
SOUFFLER LE CHAUD ET LE FROID
Comment concilier dès lors conservation de la nature et développement ?
Me Mbuya s’en réfère aux autorités politiques de la RDC : « On a toujours demandé à nos autorités de savoir négocier pour nous. Nous sommes partisan de la conservation pour le développement ».
De toute façon, s’il ne trouve rien à redire sur ce qui se fait dans le Parc des Virunga, pour Me Mbuya, le projet Sombwe serait une menace pour la biodiversité du Parc de l’Upemba.
Comme pour dire, dans les Virunga, tout est clean ! Bizarre.
On sait néanmoins qu’Emmanuel De Mérode, directeur du Parc des Virunga s’est félicité récemment des retombées positives qu’on récolte après le développement d’un certain nombre de projets structurants dans le Parc des Virunga.
D’après le directeur du Parc national des Virunga, cité par le site 7sur7, «d’ici 10 ans, l’objectif de l’Alliance Virunga, c’est de produire 104 MW et créer 800.000 emplois », selon le concept de l’investissement par le tourisme, c’est-à-dire la production de l’énergie pour ne pas dépendre de
la terre et l’industrialisation. Et d’ajouter que «d’ores et déjà, l’Alliance
a commencé à produire des résultats. Les mises en service par ‘Virunga Énergies’, branche de Virunga Fondation, gestionnaire du parc national des Virungai, des centrales hydroélectriques de Mutwanga (1,7 MW) en 2013 et de Matebe 1 (13,1 MW) en 2015, ont eu un impact socio-économique immédiat dans la province ».
Avant de préciser que «grâce à Matebe 1, près de 20.000 foyers ont été raccordés en électricité.
12.000 à Goma (250.000 hab) et 6.500 à Rutshuru (23.000 hab), Mutwanga (40.000 hab) et Nyiragongo. La centrale de Mutwanga alimente près de 1.400 ménages (1368 exactement). On estime à fin 2019 que c’est 11% de jeunes, jadis embrigadés dans les groupes armés, qui ont trouvé un emploi dans les 900 PMEs créées grâce à la disponibilité de l’énergie électrique. A Rutshuru, 50% de la transformation du maïs se fait localement. Alors qu’auparavant, la farine de maïs venait de l’Ouganda voisin. Plusieurs commerces ont vu le jour, dont les activités de soudure notamment.
C’est grâce à cette énergie bon marché, 0,25Usd/kilowatt (400 FC/KWH), que plusieurs industries se sont développées dans les zones qui jouxtent le Parc national des Virunga ».
Toutes ces retombées sont à mettre dans le compte de grands projets énergétiques qui se développent dans les Virunga. C’est sur le même modèle qu’Eric Sombwe a bâti son projet. Curieusement, lorsqu’il s’agit d’un projet porté entièrement par un Congolais, c’est la levée de boucliers. Une contradiction qui étonne plus d’un.
Pourquoi s’acharne-t-on donc sur le projet Sombwe alors que l’UE fait autant dans les Virunga ? Dans les milieux des environnementalistes, la question est dans toutes les lèvres.
Malheureusement, il y a une partie de la Société civile qui a choisi son camp, c’est-à-dire vilipender le projet d’un Congolais à Sombwe et couvrir de tous les éloges ce qui se fait dans les Virunga.
ACCOMPAGNER LA VISION DU CHEF DE L’ETAT
De toute façon, le projet Sombwe, entièrement congolais, a déjoué tous les calculs. L’UE, qui appuie ce qui se fait dans les Virunga, aurait bien voulu en être entièrement responsable. Malheureusement pour elle, un Congolais, Eric Monga, a répondu bien avant à l’appel du Chef de l’Etat, lancé au terme du Forum de l’énergie à Matadi, dans la province du Kongo central. Il est temps que les Congolais se prennent en charge en lançant des initiatives qui vont dans le sens de dompter la nature.
Quoi qu’on dise : qu’est-ce que la RDC gagne en maintenant en l’état des aires, dites protégées, dont les délimitations datent de la colonisation ? Faut-il garder ces aires dans leur état sauvage, alors qu’à côté, la population croupit dans la pauvreté la plus abjecte ?
Le moment n’est-il pas venu de concilier conservation de la nature et développement, à l’exemple de ce qui se fait dans les Virunga ?
En tout cas, c’est l’option qui est inscrite dans le projet Sombwe, c’est-à-dire amener l’électricité dans un coin perdu de la RDC pour en faire profiter autant aux industries minières du Grand Katanga qu’aux populations riveraines.
Voilà une façon de traduire dans les faits la vision du Chef de l’Etat en mettant en avant le principe du «Peuple d’abord ». Conserver de la nature, on n’en disconvient.
Pourvu que le développement vienne en soutien.
Soutenir le projet Sombwe est une nécessité patriotique. Autrement, c’est emboucher le discours dégradant des partenaires au développement qui croient que les Congolais ne méritent pas ces terres riches en ressources naturelles.
Parce qu’incapables d’initier de vrais projets de développement. Avec le projet Sombwe, Eric Monga est en train de prouver le contraire.
FAUSTIN K.