Elections indirectes à Kinshasa : essoufflé, Augustin Kabuya tire sur tout ce qui bouge

A l’opposé du sage laboureur des Fables de la Fontaine, Augustin Kabuya, secrétaire général de l’UDPS et membre du présidium de l’Union sacrée de la nation, sentant son échec s’approcher des institutions provinciales de la ville de Kinshasa, a choisi de réunir les élus locaux non pour leur montrer la voie de la sagesse, mais plutôt les menacer d’invalidation si jamais le double ticket de l’USN ne triomphait pas dans la capitale. Comme un naufragé qui s’accroche à tout ce qui peut lui garantir une survie, Kabuya s’agite et pense se servir de son statut de président a.i. du parti présidentiel pour imposer ses choix. Il ignore qu’avant lui, Jean-Marc Kabund s’est pris pour Icare avant une chute brutale qui l’a envoyé aux gémonies. Face aux députés provinciaux, les menaces d’Augustin Kabuya passent mal.

Dans les coulisses politiques de la ville de Kinshasa, Augustin Kabuya, secrétaire général de l’UDPS et membre éminent de l’Union sacrée de la nation, est actuellement sous les feux des projecteurs pour ses actions controversées. Confronté à la perspective d’un échec imminent dans les institutions provinciales, Kabuya a récemment opté pour une approche agressive envers les élus locaux.

Contrairement au laboureur sage des Fables de la Fontaine, Kabuya n’a pas cherché à guider les élus sur le chemin de la sagesse. Au contraire, il a choisi de les menacer d’invalidation si le double ticket de l’Union sacrée de la nation ne remportait pas la victoire à Kinshasa. Tel un naufragé agrippé à tout ce qui pourrait assurer sa survie politique, Kabuya tente de se servir de son statut de président a.i. du parti présidentiel pour imposer ses décisions.

Cependant, l’histoire politique récente de la République Démocratique du Congo est jonchée de figures qui ont tenté de s’élever trop haut, pour finalement chuter de manière spectaculaire. Kabuya semble ignorer les leçons du passé, où Jean-Marc Kabund, son prédécesseur, s’est lui aussi aventuré trop loin avant de subir une chute brutale et d’être rejeté par l’opinion publique.

Mauvais coaching

A l’approche des élections  des 18 (Bureaux des assemblées provinciales) et 29 avril (Gouverneurs et vice-Gouverneurs de province), la tension monte au fil des  jours à l’UDPS.  Une pression de tous les instants, faite de menaces, d’intimidations et d’injonctions diverses est exercée sur les députés provinciaux de cette formation politique. Son Secrétaire général Augustin Kabuya veille et ne cache pas sa détermination de sévir, hors de toute disposition légale, contre ceux parmi les élus qui ne porteraient pas « ses tickets » tant à l’élection des membres du bureau de l’Assemblée provinciale que lors de celle du gouverneur et du vice-gouverneur de la ville de Kinshasa. Dans la même veine, il n’épargne pas les candidats indépendants qui viendraient perturber ses plans, les accusant à l’avance et sans la moindre preuve de chercher à user de corruption.

Le vendredi 12 avril dans la soirée, le Secrétaire général de l’UDPS a convoqué au fleuve Congo Hôtel les élus de ce parti pour la ville de Kinshasa pour être mis au fait d’une «communication verticale»; c’est-à-dire n’appelant aucun débat. Dans un silence de cimetière, des mines marquées par la stupeur, ils entendent leur secrétaire général se lancer dans un discours menaçant. Augustin Kabuya met en garde ceux parmi les députés qui ne suivraient pas ses consignes de vote lors des deux élections qui se profilent à l’horizon.

MENACES D’INVALIDATION

«Il nous a promis d’user de toute son influence pour bloquer les carrières politiques des uns et des autres, de nous faire invalider par la justice s’il le faut avant de nous faire remplacer par nos suppléants », a déclaré  sous le sceau de l’anonymat l’un des participants à la réunion, visiblement atterré.

Séance tenante, il a fermement invité les membres de l’UDPS briguant en indépendant des sièges au Bureau définitif de l’Assemblée à retirer sans délai leurs candidatures afin de laisser toutes leurs chances à ses deux tickets. A la même occasion, Augustin Kabuya s’en est vertement pris aux autres candidats qui porteraient ombrage aux ambitions de ses protégés, et ne disposant pas de députés-électeurs : «Vous êtes conscient que vous n’avez pas de députés provinciaux, mais vous voulez compter sur le champ des autres pour planter, simplement parce que vous avez l’argent pour acheter leur conscience. C’est vraiment malhonnête. Ca ne passera pas !».

Plein d’amertume, un autre député provincial laissait tomber à l’issue de la réunion : «Ceci est une violation flagrante du droit de vote protégé par la constitution en son article 23 qui garantit la liberté d’expression»  Il rappelle que l’article 28 de la même constitution encourage les députés à boycotter tout ordre illégal contraire aux prescrits de la Loi fondamentale : «Nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal. Tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir d’obéissance, lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte manifeste au respect des droits de l’homme des libertés publiques et des bonnes mœurs»

Devant le tollé général et le concert des protestations, le truculent secrétaire général de l’UDPS a fini par faire profil bas, déclarant le lendemain : «J’ai prodigué des conseils en me servant des cas de jurisprudence. Je n’ai menacé aucun député provincial ». Mais le mal était fait.

LA CURIEUSE PROPOSITION DE CONSTANT MUTAMBA

De manière curieuse, les menaces à peine voilées d’Augustin Kabuya convergent avec celles de l’ «opposant» Constant Mutamba (DYPRO) qui, avant l’heure, invite carrément la justice à devoir s’emparer des candidats indépendants : «Les candidats gouverneurs et sénateurs qui postulent en indépendants alors qu’ils n’ont aucun député provincial tombent sous le coup de la tentative de corruption avérée, punie de la même peine que l’acte de corruption consommé (…) Ces candidatures cristallisent la corruption à ciel ouvert et immoralisent dangereusement notre société (…) La justice doit diligenter d’urgence des actions pénales contre tous ces candidats. Une plainte officielle de l’opposition sera déposée».

La déclaration du député national Constant Mutamba, avocat de surcroît, a soulevé une indignation quasi générale. Telle ce commentaire du journaliste Patrick Lakwe : «C’est là une analyse déplacée. Les indépendants ne sont pas forcément dans la corruption. Et s’il arrive que le programme de l’un ou l’autre soient plus convaincants que ceux des candidats des partis ? Ce sont plus les partis qui favorisent la corruption morale avec leurs impositions».

A un autre de renchérir : «Que dit-il alors du Président Félix Tshisekedi qui a postulé à la présidentielle de décembre dernier comme indépendant ? Soupçonne-t-il encore le président de la République d’avoir usé de la corruption pour valider son deuxième mandat ?»

Dans tous les cas, Augustin Kabuya, élu aux législatives nationales et provinciale dans la circonscription électorale du Mont-Amba à Kinshasa, avait initialement songé à briguer la première vice-présidence de l’Assemblée nationale avant de se rétracter et d’inviter les élus de l’UDPS à «exprimer leurs ambitions» auprès de la commission instituée à cette fin.

Depuis lors, il se bat pour imposer ses pions aux institutions de la capitale, notamment Lévi Mbuta au perchoir de l’Assemblée provinciale et Daniel Bumba à l’Hôtel de ville de Kinshasa.

A l’Assemblée provinciale de Kinshasa, le bureau définitif sera installé au terme des élections prévues le 18 avril 2024, alors que la CENI prévoit l’élection des Gouverneurs et vice-Gouverneurs de la ville à la date du 29 avril 2024.

Selon les derniers sondages, deux candidats donnent terriblement de l’insomnie au SG de l’UDPS. Il s’agit de Jésus-Noel Sheke, candidat président de l’Assemblée provinciale, et Deo Kasongo, candidat gouverneur de la ville.

Econews