Agitation suspecte du bureau du Sénat

Alors que François Beya Kasonga, jusqu’à preuve du contraire, conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de sécurité, se trouve toujours entre les mains de l’Agence nationale de renseignements (ANR), une certaine agitation semble avoir gagné la chambre haute du Parlement, le Sénat. Depuis quelque temps, le bureau du Sénat multiplie des messages de soutien au Président de la République et aux institutions, allant jusqu’à commander des articles de presse contre un groupe de sénateurs qu’on présente subtilement comme des « putschistes » De quoi se reproche-t-on donc au Sénat ? A la suite de graves allégations portées contre eux, le groupe de sénateurs indexés ont brisé le silence, appelant vivement à un audit financier du bureau Bahati.

Le président du Sénat, Modeste Bahati Lukwebo, et tout son bureau sont depuis quelque temps dans une agitation suspecte. De quoi se reprochent-ils? L’agitation, qui se constate, ressemble à un diable pris au piège du bénitier.

Au Sénat, il y a une nouvelle dynamique qui a vu le jour. Ceux qui ont des choses à se reprocher sont entrés en transe parce qu’ils savent qu’ils ont perdu la confiance de la majorité des élus des élus. La gestion de la chambre haute du Parlement a été tellement catastrophique que Bahati et compagnie ne survivront pas politiquement à la prochaine rentrée parlementaire. Ils le savent. Ils s’agitent.

Dribbleur et opportuniste de mauvais aloi, bien connu de tous les acteurs de l’arène politique congolaise, le président du Sénat tente maladroitement de faire passer ses collègues pour des agents de la « déstabilisation » des institutions du pays. L’interpellation de François Beya, Conseiller spécial en matière de sécurité du Président de la République, a été pour lui une aubaine inespérée. Du pain béni d’une valeur inestimable.

Que de sénateurs se réunissent pour faire tomber le président de la chambre et leur bureau, qui ont failli à plusieurs reprises à leurs devoirs, ne peut être lié aux événements qui ont conduit à la détention du conseiller spécial François Beya. Il n’y a aucun lien direct ou indirect. Des sénateurs ont le droit de réfléchir pour changer la direction de leur chambre lorsqu’ils la jugent défaillante.

Dans leur imagination féconde, les pourfendeurs de ce groupe de sénateurs, qu’on présente comme des « putschistes », ont inventé une réunion fictive à la résidence de l’ancien gouverneur de la ville de Kinshasa, André Kimbuta Yango. Leurs laboratoires ont également fait état des communications entre sénateurs pour déstabiliser les institutions de la République. De la manipulation éhontée et ridicule.

Une machination qui ne tient pas la route

Si concertation il y a, c’est pour déchoir le président Bahati et le bureau du Sénat. En démocratie, cela est normal et légitime.

Lorsque des animateurs d’une institution détournent celles-ci pour leurs propres intérêts, des sanctions doivent s’en suivre. La déchéance est l’une d’elle.

Bien entendu, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase des sénateurs est la gestion de l’affaire Bukanga-Lonzo, ayant impliqué l’ancien Premier ministre Matata Ponyo Mapon. Ce qui énerve davantage les sénateurs, c’est le fait de priver jusqu’à ce jour cet élu de ses immunités levées par la malice, en contournant la plénière qui s’était opposée. Cette plénière sait pertinemment bien les dessous de cette machination aux motivations purement politiques aux fins de neutraliser un adversaire. Cette situation inconfortable a créé de profondes fissures au Sénat.

Plutôt que de se repentir, Bahati s’est enfoncé davantage en cherchant à faire condamner absolument un sénateur, du reste blanchi par la Justice. La majorité au sein de la chambre haute est d’avis que leurs intérêts ne seront plus protégés par leur président et son bureau qui ne sont pas à leur service.

Tirs croisés sur Bahati

D’ailleurs, si chaque fois que deux sénateurs se retrouvent, on doit y voir un «coup d’Etat» en gestation, il faut dans ce cas dire adieu à la démocratie dans le pays. Des acteurs politiques ont le droit d’échanger, de se concerter voire de comploter contre les adeptes de la mal gouvernance.

Sans surprise, les allégations visant un groupe de sénateurs n’ont pas tardé à éveiller l’attention de principaux incriminés.

Repris sur la liste de ces sénateurs qui comploteraient contre la République, Samy Badibanga Ntita a vigoureusement réagi sur son compte twitter : «Aux organisateurs de distraction, je rappelle la liberté fondamentale de réunion en démocratie, et le devoir parlementaire de contrôle de la bonne gestion des institutions. Personne ne se cachera derrière l’Union Sacrée. Quant à ma loyauté, elle est indiscutable car inébranlable ».

Il sera très vite rejoint par le sénateur Matata Ponyo. «Je n’ai jamais participé à une réunion visant à déstabiliser les institutions. Que les sénateurs incapables de prouver leur efficacité dans la gestion du Sénat cessent d’utiliser le mensonge et la ruse pour justifier leur mauvaise gouvernance et dictature. Le peuple n’est pas dupe », a écrit l’élu des élus de Maniema sur son compte twitter.

Également mis en cause par les allégations distillées depuis le bureau du Sénat, Evariste Boshab ne s’est pas non plus retenu. « Nul n’ignore que je suis un républicain et un ardent défenseur des institutions de la République. Que les initiateurs de ces rumeurs farfelues revoient leurs copies. Je ne participerai JAMAIS à une quelconque cabale contre l’État !!! »

Quoi qu’il en soit, dans une réunion convoquée urgemment mercredi par le président du Sénat, un groupe de sénateurs, se réclamant de l’Union sacrée de la nation, ont réaffirmé leur loyauté au Président de la République et aux autres institutions de la République.

«Nous, sénateurs de l’Union sacrée de la nation, étant réunis en ce jour le 9 février dans la salle Kivu du Palais du peuple. Ayant suivi avec attention la situation politique, sécuritaire de l’heure, réaffirment leur soutien au Chef de l’État, Félix Tshisekedi. Nous soutenons la stabilité de toutes les institutions de la République », ont déclaré ce groupe de sénateurs, à l’issue de leur réunion. Ils ont, par conséquent, invité «tout le peuple congolais à la vigilance tous azimuts afin de pouvoir assurer à notre pays la paix et le bien pour tous », disent-ils dans leur déclaration».

Décidément, la panique a gagné le Sénat. C’est le moins que l’on puisse dire. Pour quelle raison ? Nul ne le sait.

Y aurait-il un lien entre ce regain de loyauté au Sénat et l’interpellation du conseiller spécial François Beya ? Difficile à dire.

On sait néanmoins qu’un vent violent souffle à la chambre haute du Parlement. Le bureau Bahati traverse une zone de très fortes turbulences. Ce qui augure d’une rentrée parlementaire mouvementée le 15 mars prochain.

Econews