De la proposition de loi portant révision de la loi électorale, telle qu’élaborée par le G13, son initiateur, il n’en reste plus grand’chose. La proposition a été saucissonnée au point d’en faire une belle passerelle pour une tricherie à grande échelle aux élections de 2023. C’est le constat amer fait, jeudi à l’Assemblée nationale, par les ténors du G13 qui ont décidé de claquer la porte de l’Hémicycle, laissant le président de l’Assemblée nationale et la majorité de l’Union sacrée de la nation organiser un forcing pour s’assurer une belle victoire en 2023.
L’opposition parlementaire, incarnée par le FCC (Front commun pour le Congo), avait vu le danger venir. Aussi a-t-elle refusé de participer à toute discussion autour de la proposition de loi du G13. La suite des événements lui donne finalement raison.
C’est finalement une loi taillée sur mesure, sortie droit des laboratoires de l’USN, qui a été soumise au débat jeudi à l’Assemblée nationale. Toutes les options censées assurer la transparence et la crédibilité de prochains scrutins ont été élagués.
La volonté de changer les choses dans l’organisation des élections crédibles s’est donc envolée. Il se prépare un hold-up électoral comme en 2018, crie à tue-tête l’ensemble de l’opposition et la Société civile indépendante.
Aussi curieux que cela puisse paraître, la majorité de l’Union sacrée de la nation, agissant pratiquement sur les traces du FCC de Joseph Kabila dans sa période de gloire, a décidé de consacrer l’opacité dans la publication des résultats électoraux. Pire que sous Denis Kadima aux commandes de la Céni (Commission électorale nationale indépendante), l’Union sacrée a refusé toute publication des résultats bureau de vote par bureau de vote. Ainsi la Céni pourra à loisir nommer des animateurs des institutions à tous les niveaux, à commencer par la présidentielle.
Le passage en force étant consacré à l’Assemblée nationale, l’Union sacrée veut aller seule aux élections. Le FCC, qui est habitué à la manipulation des résultats électoraux, avait refusé de voir le nouvel acteur de la scène politique congolaise rééditer les mêmes choses à son compte. Les Kabilistes ont séché les plénières consacrées aux discussions sur la révision de la loi électorale. Maintenant, c’est le G13, qui pilotait jusqu’alors cette réforme, qui a quitté jeudi la salle, laissant l’USN boire la coupe jusqu’à la lie.
Cet état de choses est de nature à conduire à d’inévitables contestations des résultats électoraux. C’est le retour à la case départ.
Tout le monde aura une bonne raison de remettre en cause la légitimité de tout celui qui sera élu – à la présidentielle ou aux législatives nationales provinciales.
Le peuple n’est pas prêt à accepter une fois de plus le cafouillage électoral avec ceux qui ont en charge de proclamer les résultats.
Dans sa proposition, le G13 a suggéré la publication des résultats bruts bureau de vote par bureau de vote, validés illico par les témoins et observateurs. Les résultats prétendument consolidés « sont une légalisation de la tricherie », dénonce une source du G13.
Pour résumer la situation, un diplomate africain, joint par Econews, a déclaré que « le camp Tshisekedi a pris le contrôle de la Céni, de la Cour constitutionnelle et des finances pour l’organisation des élections. Le président congolais est allé loin jusqu’à préparer le laboratoire de la fraude électorale de manière tout à fait légale ».
A l’Assemblée nationale, les calculs politiques ont triomphé face à la nécessité de garantir des élections véritablement apaisées. Finalement, c’est le projet réformé de l’USN qui a été adopté en plénière. A la poubelle, la proposition du G13.
C’est dire que le chemin pour de bonnes élections en 2023 devient tortueux et incertain.
Econews a pu obtenir une copie de la contribution de l’Union sacrée à la révision de la loi électorale. C’est la version adoptée jeudi en plénière, avant l’avis de la commission PAJ de l’Assemblée nationale.
Econews
CONTRIBUTION DE L’USN À LA RÉVISION DE LA LOI ELECTORALE
PROPOSITIONS DE REE-CRITURE DE QUELQUES DISPOSITIONS DE LA LOI N°06/006 DU 09 MARS 2006 PORTANT ORGANISATION DES ELECTIONS PRESIDENTIELLE, LEGISLATIVES, PROVINCIALES, URBAINES, MUNICIPALES ET LOCALES TELLE QUE MODIFIEE PAR LA LOI N°11/003 DU 25 JUIN 2011, LA LOI N°15/001 DU 12 FEVRIER 2015 ET LA LOI N°17/013 DU 24 DECEMBRE 2017.
INTRODUCTION
Appelé à réfléchir sur la proposition de Loi portant révision de quelques dispositions de la Loi électorale en vigueur; proposition de Loi initiée par le groupe de 13 personnalités, en sigle « G13 », le groupe de travail de l’USN s’est réuni, en la résidence parlementaire, sous la présidence de l’Honorable Président de l’Assemblée nationale, en vue de dégager un consensus sur les options fondamentales de la réforme électorale telle que proposée par le G 13.
Pour y parvenir, un débat général (point I) suivi de la délibération sur les options levées parle groupe de 13 (point II) avait eu lieu.
D’entrée de jeu, il importe de relever que conformément aux dispositions de l’alinéa 1er de l’article 219 de la Constitution, la révision des dispositions de la Loi électorale nécessitant la révision de la Constitution n’est pas envisageable, pendant l’état de siège.
I. DEBAT GENERAL SUR LE REFORME ELECTGRALE
Au cours du débat général sur la réforme électorale, deux questions fondamentales ont retenu l’attention particulière des Honorables Députés. Il s’agit d’une part de la méthodologie du travail (A), et d’autre part de la discussion sur l’intérêt et l’opportunité de la réforme proposée (B).
A. METHODE DU TRAVAIL
Pour mener à bien les travaux, la plénière a adopté une approche pragmatique et participative consistant en l’examen de la proposition de loi électorale, option par option et thématique par thématique.
B. DISCUSSION SUR L’INTERÊT ET L’OPPORTUNITE DE LA REFORME ELECTORALE
A ce sujet, deux tendances se sont tour à tour dégagées.
La première tendance considère que le texte en vigueur est globalement bon et peut être maintenu. Il est, par contre, largement avantageux à la majorité actuelle de l’USN.
La deuxième tendance estime que parce que l’Assemblée nationale a engagé un débat général sur ladite proposition de loi initiée par le G13, il serait cohérent de poursuivre ce débat dans l’optique de procéder à la révision de quelques dispositions jugées anachroniques par rapport à l’évolution ou susceptibles de contrarier la volonté de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat de rationnaliser et de moraliser le processus électoral, gage de la transparence et de la crédibilité du vote.
De ces deux options, le groupe a opté pour la deuxième tendance consistant à examiner la réforme thématique par thématique dans la perspective de maintenir les contributions innovantes et de supprimer les innovations inopportunes.
II. DISCUSSION ET DELIBERATION SUR LES OPTIONS LEVEES PAR LE GROUPE DE 13
Thématique 1 : Du seuil de recevabilité des listes au prorata de 60% des sièges en compétition (articles 118, 144, 193 et 209)
Après débat et délibération, le groupe de travail de l’USN a retenu le taux de 60% comme seuil de recevabilité de la liste tant au niveau national que provincial.
Proposition de réécriture :
- Cas du seuil de recevabilité : Article 22 Loi électorale :
« Une liste présentée par un parti politique, un regroupement politique ou une candidature indépendante est déclarée irrecevable lorsque :
- elle reprend le nom d’une ou de plusieurs personnes inéligibles;
- elle porte un nombre de candidats supérieur au nombre de sièges fixé pour chaque circonscription ;
- elle reprend le nom d’un candidat dans plus d’une circonscription électorale pour un même niveau ».
Est également irrecevable la liste du parti ou du regroupement politique qui n’aura pas atteint 60 % des sièges en compétition. Cette condition s’applique mutatis mutandis à tous les scrutins législatifs.»
Cette disposition s’applique dans des circonscriptions a plusieurs sièges.
Nota Bene :
Le groupe de travail de l’USN n’a pas retenu l’alinéa 4 de l’article 22 de la proposition de loi qui conditionne la recevabilité d’une liste à la représentation paritaire de la femme.
Cette prise de position est justifiée par le fait que dans plusieurs circonscriptions électorales, notamment à l’intérieur du pays, l’activisme des femmes n’est pas éprouvé; ce qui risque de préjudicier et de paralyser plusieurs listes des candidats.
Néanmoins, une exhortation a été faite aux partis, regroupements et plateformes politiques d’encourager les candidatures féminines.
Thématique 2 : L’abandon de la proportionnelle et l’adoption du scrutin majoritaire simple (articles 118, 119, 144, 193, 209, 209 bis, 209 ter et 209 quater).
Cette proposition n’est pas retenue, par le groupe de travail, étant donné que comparativement au scrutin majoritaire uninominal, la proportionnelle permet d’assurer une meilleure représentativité de toute la population et de diverses opinions dans les assemblées délibérantes.
Thématique 3 : L’organisation de l’élection des Gouverneurs au second degré au sein de l’assemblée provinciale, à la suite d’un système de parrainage par les députés provinciaux indiquant au moment du dépôt de leur liste le ticket du candidat gouverneur et vice-gouverneur pour lequel leurs voix sont décomptées en cas de leur élection (Article 161, loi électorale).
La thématique n’est pas retenue dans la mesure où elle introduit la notion de parrainage non consacrée par la Constitution en son article 198 prescrivant l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs, par les députés provinciaux, au sein ou en dehors de l’Assemblée provinciale. La thématique est donc inconstitutionnelle.
Thématique 4 : L’organisation de l’élection des sénateurs au second degré au sein de l’assemblée provinciale à la suite d’un système de parrainage par les partis, regroupements et indépendants présents à l’assemblée provinciale, représentant au moins 10% des députés provinciaux (article 137 loi électorale)
La thématique n’est pas retenue au motif qu’elle est anticonstitutionnelle : non seulement elle viole l’article 104 de la Constitution prévoyant l’élection des sénateurs au second degré, mais aussi l’article 13 du même texte prescrivant l’égalité des congolais en ce qui concerne l’accès aux fonctions publiques.
Thématique 5 : Interdiction d’avoir dans une province plus d’un sénateur issu d’un même territoire, d’une même ville et de plus de deux dans un groupe des communes pour la ville de Kinshasa.
Jugée attentatoire aux dispositions de l’article 13 de la Constitution, l’option n’est pas retenue. En plus, elle est considérée comme liberticide et donc antidémocratique.
Thématique 6 : Interdiction de cumul des candidatures à deux scrutins de même degré
La thématique n’est pas retenue au motif qu’elle n’est pas conforme à l’idéal démocratique; l’élection étant une compétition destinée à sélectionner des élites politiques.
Thématique 7 : Interdiction de porter comme suppléants. Sous peine d’annulation de l’élection, des parents en ligne directe ou collatérale, ascendante ou descendante, jusqu’au deuxième degré inclus
Quoique contribuant à la moralisation de la vie publique, cette thématique n’est pas retenue par le groupe de travail de PUSN au motif qu’elle cristallise la discrimination lors de l’accès aux charges publiques, en violation de l’article 13 de la Constitution.
Thématique 8 : Interdiction de distribuer l’argent, des biens ayant une valeur pécuniaire ou tout autre avantage ainsi que la sollicitation ou l’acceptation d’un don quelconque pendant la campagne électorale. (Article 36 loi électorale)
Quoique s’inscrivant dans la logique de la moralisation de la vie publique, le groupe n’a pas retenu cet amendement estimant indiquer de maintenir l’article 36 de la loi en vigueur.
Thématique 9 : Prise en compte de la dimension genre dans la constitution des listes, conformément à l’article 14 de la Constitution (Article 13, loi électorale)
Quoique souscrivant à la constitutionnalisation de la parité homme-femme, conformément à l’article 14 de la Constitution, le groupe de travail de PUSN rejette l’obligation pour chaque liste dans une circonscription de plus de deux sièges de tenir, impérativement, compte d’au moins d’un tiers des candidats femmes et des personnes vivant avec handicap.
Pour le groupe de travail, cette proposition est liberticide et risque de créer plus des problèmes que des solutions, dans plusieurs circonscriptions électorales marquées par un déficit d’activisme des femmes et des personnes vivant avec handicap.
Proposition de réécriture : article 13 Loi électorale
« Aux termes de la présente loi, on entend par liste, un document établi par les partis politiques, les regroupements politiques ou le candidat indépendant.
Chaque liste est établie en tenant compte de la représentation équitable de la femme et de la personne vivant avec handicap.
Thématique 10 : Distinction des inéligibilités définitives pour les crimes graves (génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre) de celles temporaires pour les autres infractions (article 10 Loi électorale)
La thématique est retenue par le groupe de travail.
Proposition de réécriture :
Article 10 :
« Sans préjudice des textes particuliers, sont inéligibles :
- les personnes privées de leurs droits civils et politiques par décision judiciaire irrévocable;
- les personnes condamnées par un jugement irrévocable du chef de viol, d’exploitation illégale des ressources naturelles, corruption, détournement des deniers publics, faux en écriture, banqueroute et faillite pour la période de condamnation sous réserve de la peine privative des droits civils et politiques ;
- les personnes frappées d’une incapacité mentale médicalement prouvée au cours des cinq dernières années précédant les élections;
Sont inéligibles à titre définitif, les personnes condamnées par décision judiciaire irrévocable pour crime de guerre, génocide et crimes contre l’humanité ».
Thématique 11 : Définition d’un régime légal exhaustif pour le vote électronique (Article 47)
La thématique doit être lue avec l’article 237 ter. Aussi, Le groupe de travail de l’USN propose que les résultats du vote électronique soient préalablement conciliés avec les résultats manuels régulièrement retracés, ventilés et consolidés.
Proposition de réécriture de l’article 47 loi électorale :
« Le vote s’effectue soit au moyen d’un bulletin papier, soit par voie semi-électronique ou électronique.
Le vote manuel s’effectue au moyen d’un bulletin papier unique pour chaque scrutin et pour chaque circonscription électorale. Ce bulletin peut être pré-imprimé avec les éléments d’identification des candidats ou vierge pour une impression par l’électeur au bureau de vote.
Le vote semi-électronique combine l’utilisation du bulletin papier et le comptage manuel en même temps avec un dispositif électronique de prise en charge du processus de vote, d’agrégation et de transmission des résultats.
Le vote électronique est dématérialisé et virtuel. Le comptage est automatisé à l’aide d‘un système informatique.
En cas de divergence de résultats issus du dépouillement manuel et ceux de la machine à voter, la Commission électorale nationale indépendante procède aux investigations et à la correction de l’erreur au niveau du centre local de compilation des résultats concernés.
Dans tous les cas, les conditions du recours au vote semi-électronique ou électronique sont déterminées par la Commission électorale nationale indépendante.
La Commission électorale nationale indépendante fixe dans chaque circonscription électorale le nombre des bureaux de vote, en détermine le ressort et nomme son personnel en tenant compte de la représentation équitable de la femme.
Thématique 12 : Obligation de publier la cartographie électorale avant la publication du calendrier électoral
Considérée comme une rubrique essentielle du calendrier électoral, à l’instar des opérations d’enrôlement et d’identification des électeurs, la thématique n’est pas retenue. En plus, son opérationnalisation risque de susciter des suspicions, des tensions ou des querelles interminables avant l’organisation des scrutins.
Thématique 13 : Obligation de publier les résultats bureau de vote par bureau de vote au niveau du centre de vote et de les consolider dans un résultat provisoire au centre local de compilation des résultats au fur et à mesure de la réception des données, avant traitement (articles 68. 70 et 71, loi électorale)
Cette préoccupation a été retenue et améliorée par le groupe de travail dans la mesure où elle favorise la transparence.
Proposition de réécriture : article 71 Loi électorale
« La Commission électorale nationale indépendante reçoit les résultats consolidés de tous les centres de compilation par le Secrétariat exécutif provincial.
Elle dresse un procès-verbal des résultats provisoires signé par tous les membres du bureau.
Le Président de la Commission électorale nationale indépendante rend public les résultats provisoires des élections.
Les résultats provisoires publiés sont affichés bureau de vote par bureau de vote dans les locaux de la Commission électorale nationale indépendante et le cas échéant, peuvent être consultés sur son site internet.
Les procès-verbaux ainsi que les pièces jointes sont transmis à la Cour constitutionnelle, à la Cour administrative d’appel, au Tribunal administratif du ressort, selon le cas. »
Thématique 14 : Institution d’un système transparent de gestion des résultats par leur traçabilité, segmentation et numérisation dans le cadre du centre national de centralisation des résultats, CNCR qui publie progressivement au fil de leur transmission l’Article 70 bis)
La thématique n’est pas retenue au motif qu’elle est considérée comme de nature à créer des tensions et, partant, à décrédibiliser le processus électoral.
Thématique 15 : Obligation de remettre les PV des opérations de vote à tous les témoins et observateurs (Article 61, loi électorale)
Déjà prise en charge par les dispositions de l’article 61 de la Loi électorale prescrivant que les procès-verbaux sont remis seulement aux témoins, la thématique n’est pas retenue.
Thématique 16 : Institution de la sanction contre le Président de la CENI et ceux qui interviennent dans la transmission et la centralisation des résultats en cas de refus de la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote
La thématique n’est pas retenue du fait qu’elle est déjà prise en charge par les pertinentes dispositions des articles 14 et 32 de la Loi organique portant organisation et fonctionnement de la CENI.
Thématique 17 : Obligation de recomptage des voix dans tout contentieux électoral, partant des plis réservés aux juridictions compétentes, sans exiger aux parties des Procès-verbaux
La thématique n’est pas retenue dans la mesure où elle ne correspond pas au principe selon lequel la charge de la preuve incombe au requérant.
Thématique 18 : Obligation d’afficher tous les résultats bureau de vote par bureau de vote, sur le site de la CENI.
La préoccupation est retenue et améliorée.
Proposition de réécriture
La CENI affiche les résultats bureau de vote par bureau de vote sur son site internet.
CONCLUSION
Telles sont, en substance, les conclusions du groupe de travail de l’USN sur la proposition de la loi modifiant et complétant la loi N°06/006 du 09 mars 2006 telle que modifiée par la loi N°11/003 du 25 juin 2011, N° 15/001 du 12 février 2015 et N°17/013 du 21 décembre 2017 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales actuellement en discussion dans notre chambre.
Fait à Kinshasa, le 26 avril 2022